2-2 : Valeblanc

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 Le lendemain matin, la petite troupe se remit en route. Lucian, seul capable de s’orienter sans difficulté, menait la marche. Le chemin était étroit et traversait des zones boisées et des collines herbeuses. Ils ne croisèrent personne et parvinrent, en fin d'après midi en vue d'un petit village en contrebas d'une butte surmontée de quelques arbres.

— C'est Valeblanc à votre avis ? demanda Ombeline.

— Tu pourrais me faire un peu plus confiance, répondit tranquillement Lucian.

— Donc c'est Valeblanc... On s'y arrête pour la nuit ? continua-t-elle en lorgnant le soleil déjà bas sur l'horizon.

— Ça me parait plus raisonnable en effet. Espérons qu'un endroit aussi limité puisse nous offrir un endroit où nous abriter, intervint Barthélémius.

— Au fait, petit détail auquel je tiens : quand nous ne sommes pas seuls je suis Luern, un jeune garçon. C'est bien compris ?

— Luern ? Où es-tu allée chercher un surnom aussi laid Petite Soeur... grimaça Lucian.

— Il n'est pas fait pour te plaire. Je tiens à ce qu'on pense que je suis un homme. C'est tout.

— Mais pourquoi ça ? demanda Khordel sans comprendre.

— Quand notre cher père nous a mis dehors, j’ai très vite compris qu’être une fille seule faisait de moi une proie. Être un garçon était un peu moins dangereux. C'est une habitude que j'ai prise.

— Oui mais là tu n'es pas seule, tu es avec nous et...

— En public, je suis Luern. Point.

— Bon, bon… Si tu y tiens à ce point… intervint Lucian d'un ton qui se voulait apaisant.

 Ils observèrent le hameau. La route bifurquait, un chemin menait au village, un autre le contournait par l'ouest avant de se perdre vers le nord-ouest.

— On y va ? bougonna Khordel.

— Tu ne peux pas y aller comme ça. S'il y a des soldats dans le village, ils te sauteront dessus avant qu'on puisse leur expliquer la situation... soupira sa soeur.

— Malheureusement je dois lui donner raison. Ton armure est efficace mais éminemment reconnaissable... renchérit Lucian.

— Peut être qu'on trouvera quelqu'un à qui acheter une couverture, un drap, n'importe quoi, pour la masquer ? avança Barthélémius.

— Prenez le premier truc que vous trouverez, assez grand pour cacher mon armure, ça suffira bien.

— On verra bien ce que l'on trouvera..., répondit Lucian, Quelqu'un d'autre préfère rester ici ?

 Sans répondre, Datès s'assit au pied d'un arbre, étendit les jambes et appuya son dos contre le tronc en fermant à moitié les yeux.

— Est-ce vraiment raisonnable de laisser Khordel et Datès seuls ? murmura Ombeline à Lucian.

— Bah... au pire ils videront leur querelle et comme ça, ça sera fait. Évitez juste de vous entre-tuer tous les deux...

 Khordel répondit d'un grognement tandis que Datès lui adressait un grand sourire moqueur. Balgor s'était déjà allongé à l'ombre, les yeux clos, les mains croisées sous sa nuque.

 Lucian, Barthélémius et Ombeline se mirent en route vers le village. Il ne leur fallut pas longtemps pour l'atteindre et ils constatèrent que c’était plus un hameau qu’un village. Ils ne trouvèrent ni taverne, ni auberge. Guidés par un gamin, ils arrivèrent chez un tisserand, seul à même de leur vendre du tissu et entrèrent dans la boutique. L'endroit était sombre et bas de plafond. L'artisan les regarda entrer d'un oeil éteint. Il s'éveilla subitement quand ils demandèrent ce qu'il était possible d'acheter comme tissu.

— Ah, j'ai du tissu, ça oui, du beau tissu ! Vous êtes des voyageurs, je le vois. J’ai de MAGNIFIQUES capes pour vous !

— Montrez voir, répondit Lucian, prenant l'ascendant sur l'échange.

— J'ai ces magnifiques capes en laines, chaudes mais pas étouffantes. Mais je vous conseille plutôt ces superbes capes en fourrure, idéales pour les personnes telles que vous qui vont par les chemins. Elles vous tiendront bien chaud la nuit ! Et le jour aussi !

 Ombeline observait les morceaux de tissu et de fourrure quand Lucian reprit la parole :

— Quelle différence de prix entre les deux ?

— Pour une cape en laine, ça fera 8 pièces d'or. Une cape en fourrure vous coûtera 12 pièces d'or. Mais elles les valent, ça oui ! De la pure fourrure de loup !

— 12 pièces d'or quand même...

— Bon... on lui prend quoi à Khordel ? Fourrure ou laine ? s'impatienta Barthélémius.

— Aucune idée, répondit Ombeline.

— Eh bien va lui demander, Ombeline, rétorqua Lucian.

— Ah mais t’es une fille ? s’exclama l’artisan, surpris, Mes excuses, je t’avais pris pour un gars. Fait sombre ici et avec ta coupe de cheveux, hein…

 Ombeline fusilla son frère du regard avant de partir en courant vers la butte où attendait le reste de ses frères. Elle arriva un quart d'heure après, essoufflée, et apostropha Khordel :

— Il y a deux sortes de capes, tu préfères une en laine à 8 pièces ou une en fourrure à 12 ?

— La fourrure, évidemment !

— Evidemment... maugréa la jeune femme tout bas.

Elle se remit en route, mais s'arrêta au bout d'une centaine de mètre et se retourna :

— Et pour la couleur ? Blanc ? Noir ? Gris ?

— Noire !

 Une fois revenue dans le magasin, elle se décida pour une cape de fourrure grise pendant que Lucian achetait deux capes, une pour Khordel et une pour lui même. La jeune fille paya son achat en grimaçant intérieurement. Leur grand père ne leur avait décidément pas laisser beaucoup d’argent. Elle prit la cape noire que lui tendait Lucian et l'apporta immédiatement à Khordel. Ce dernier mit rapidement la cape sur ses épaules, cachant les éléments étrangers de son armure. Puis, Datès et Balgor avec eux, ils redescendirent vers les maisons.

Sur place, Lucian et Barthélémius, qui avaient également revêtus leurs capes neuves, leur annoncèrent qu’une grange commune pourrait les accueillir pour la nuit, moyennant accord du bourgmestre. Cependant, cela ne serait sans doute pas gratuit. A ces mots, Ombeline réfléchit et, pendant que le groupe se dirigeait vers la maison du bourgmestre, elle soumit une idée au groupe : proposer une prestation musicale en échange de la nuit dans la grange pour leur groupe. Certes, elle n'était pas une ménestrel expérimentée, mais elle avait tout de même passé trois ans et demi avec des troubadours. Le bourgmestre les reçut de façon fort civile et accepta l'offre de la jeune fille. Il y ajouta même le repas. Deux gamins furent chargés de prévenir les habitants qu'une barde allait donner une représentation le soir même sur la place et qu’un repas commun serait également servi. Une estrade ainsi que des tables et des bancs furent rapidement installés.

Un peu stressée, Ombeline monta sur l'estrade. Cela n'était pas arrivé souvent mais Balda lui avait occasionnellement permis de chanter en public. Elle entonna "A la volette", un chant des plus connus. À son étonnement, personne dans l'assemblée ne reprit l’air avec elle et son timbre clair résonna sur la place. Observant son public, elle compris que les paysans ne connaissaient tout simplement pas les chansons et, peu habitués à ce genre de spectacle, n'osaient pas chanter avec elle. Après quelques chansons, elle s'inclina sous les applaudissements. Elle descendit de l'estrade pour s'approcher du buffet et remarqua un jeune villageois qui la regardait d'un air timide. Elle lui sourit mais, peu désireuse de ce genre d'attention, elle s'approcha de Lucian et Khordel ce qui découragea son admirateur. Ses frères profitaient pleinement du repas et faisaient bombance, Datès comme les autres. Pour sa part, elle se servit en pain, fromage et fruit, ainsi qu'un bol de soupe et mangea avec appétit mais sans exagérer pendant que quelques villageois venaient la féliciter et la remercier. Quand Balgor et Barthélémius se mirent en route pour la grange, elle les suivit, tandis que Khordel, Lucian et Datès continuaient de s'empiffrer.

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