Premier Intermède

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— C’est donc comme ça que tu en es venu à travailler pour les Castellan ? Je comprends mieux. Et ce combat dans l’arène de Dalata… Enfin je savais déjà que tu étais l’une des combattantes les plus douées de notre bande.

Plusieurs heures étaient déjà passées. Le jeune blond n’avait pas bougé d’un pouce depuis le début de son récit, son dos collé contre les barreaux de fer. Il avait écouté avec attention, restant silencieux la majeure partie du temps. À un moment elle avait même cru qu’il s’était endormi. À de rares occasions, il demandait des précisions concernant certains détails qu’il lui échappait mais se contentait la plupart du temps de rester silencieux.

— Tous ces souvenirs… Peux-tu me donner de l’eau fraîche, s’il te plaît ? Ma gorge est sèche, lui demanda la prisonnière.

Si elle avait connu quelques difficultés au départ pour trouver ses mots, le récit avait fini par gagner en fluidité au fur et à mesure qu’elle remontait le fil de sa mémoire. Cependant elle ne put s’empêcher d’être gagnée d’une étrange impression. Le jeune blond lui tendit sa gourde. Elle s’empressa de la porter à sa bouche et de prendre de grandes gorgées rafraîchissantes.

— Hé va doucement ! L’eau du puits n’est peut-être pas encore rationnée mais ce n’est qu’une question de temps. — Un immense boum retentit et les pierres du fort se mirent à trembler l’espace d’un instant — Bordel ça recommence déjà…

— Qu’est ce qui recommence ? s’enquit la prisonnière.

Son interlocuteur avait pris un air bien trop grave pour son jeune âge, son regard perdu à l’autre bout des geôles. Était-ce de la tristesse ou de la mélancolie, s'interrogea la prisonnière.

— Le siège… Foutus légionnaires. Le répit aura été de courte durée. — Il la fixa de nouveau, avec un léger sourire. — Ne t’inquiète pas je ne bougerais pas d’ici.

— Ces souvenirs…. Je me souviens les avoir vécus. Je me rappelle des sensations, des odeurs et des images. Comme si j’y étais de nouveau…. Pourtant j’ai l’horrible sensation d’y être étrangère, comme lorsque l’on se remémore d’un rêve…. C’est comme avoir un mot au bout de la langue et être incapable de l’exprimer.

— Ça doit être normal après tout ce que tu as vécu. Tout ne peux pas se reconstruire en un claquement de doigts.

— Tu ne veux toujours pas me révéler ton nom et le lien qui nous unis ? changea tout à coup de sujet la prisonnière.

Le rictus du freluquet se figea puis il redevint agréable comme s’il s’était déjà préparé à une telle question.

— Ah quoi bon ? Je te pourrais te raconter n’importe quelle fadaise que tu serais incapable de savoir si c’est la vérité ou non. Ça ne serait pas juste Tu te rappelles et moi je t’écoute.

— Qu’est-ce-qui me prouve que je peux avoir confiance en toi ? Peut-être que je faisais partie de ce siège et que les tiens m’ont capturé. Que tu essayes de profiter de mon étrange amnésie pour me soutirer des informations. Je ne me souviens de rien à ton sujet. Ni de ce foutu fort….

— Tu as eu toujours une certaine vivacité d’esprit. Vaiyn en parlait souvent, cet éclair fugace dans tes prunelles. Ou était-ce Lex ? Tu n’aimes pas être à la merci de ton prochain. Ou peut-être que je mens. Mais tu n’as aucun moyen d’en être certaine. Pour le moment. Tu dois te souvenir.

— Pourquoi aurais-je besoin de toi alors ?

— Que deviendrait une histoire sans personne pour l’écouter ? Et puis je suis un meilleur geôlier.

— Comment ça meilleur ? Je ne comprends pas. Tu es la première personne que j’ai vue depuis mon réveil.

— Ah vraiment ? — Il devint tout à coup grave, comme un père qui s’apprêtait à réprimander la marmaille — Il vaut mieux alors. Car Ivar ne tardera pas à venir ici pour prendre les choses en mains. Bâtard de boucher. Il ne te prêtera pas une oreille attentive pour écouter tes confessions. Non, non. Il te l’arrachera pour te faire bien comprendre qu’il est le maître. Il sera patient et méthodique, comme toujours. Il commencera par les ongles de tes mains. Tu sais il a un fétiche avec ça…. Il te les arrachera puis brisera tes phalanges une à une. Et quand tout ne sera plus qu’un océan de douleur. Tu veux savoir quoi ? Il ne t’aura pas posé la moindre question. Car il est comme ça, Ivar. La vérité n’est meilleure que quand elle est douloureuse. À admettre. Ou à raconter. Alors choisis bien. Tu peux te taire et faire le dos rond, je trouverais une autre occupation, ma foi. Ou tu peux continuer ton histoire.

Les poils de la prisonnière se hérissèrent. Un frisson parcouru son échine. Était-ce à cause du courant d’air qui venait de se faufiler entre les barreaux de la lucarne ? Ou la mystérieuse impression de se trouver en compagnie d’un parfait inconnu ? Le blond reprit sa place, dos à la geôle. Et le récit pu reprendre.

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