7 — La Villa des Valentii (4)

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Alors qu’ils remontaient le hall d’un pas tranquille, Erys prit la direction d’un petit escalier presque caché dans l’un des coins de la pièce. Ils montèrent ainsi à l’étage de la villa et passèrent devant plusieurs portes avant qu’Erys ne s’arrête devant l’une d’entre elle. Après avoir sorti une clé de l’une des bourses accrochées à sa ceinture, il ouvrit la pièce et invita Alessia à le suivre à l’intérieur. Elle découvrit à l’intérieur une chambre d’une taille raisonnable au parquet ciré recouvert d’un tapis en fourrure. Au fond se trouvait un lit à baldaquin recouvert de rideaux er de draps de soie d’un amarante profond. À cela s’ajoutait une commode et une armoire taillé dans un bois noble et un miroir sur pied trônait à leur côté.

— Allonge-toi sur le lit. Ne te déshabille pas, je préfère le faire moi-même, énonça Erys.

Sa voix venait de changer, abandonnant ses sourires charmeurs contre un ton plus sec et autoritaire. Sa proie dans sa tanière, le prédateur pouvait faire tomber le masque. Alessia se contenta pour le moment d’obéir et s’assit sur le bord du lit, à l’aguet d’une ouverture. Erys ferma la porte, passa devant elle pour se diriger vers la commode.

— Ne t'inquiète pas cela ne prendra pas longtemps, tu vas apprécier la chose, poursuivit-il tout en ouvrant le tiroir. J’espère que tu es aussi docile que tes sœurs.

Alessia se leva sans faire le moindre bruit et retint sa respiration. D’un geste fulgurant, elle passa son bras sur la gorge d’Erys en une prise de soumission. Le jeune noble battit des bras pour essayer de se libérer, incapable de crier. Il se projeta en arrière, mais la mercenarii prit habilement appuie sur le lit. Avec rapidité, sa force décrut et après quelques minutes, il perdit connaissance. Elle le déposa au sol avec précaution et se hâta de le pousser en dessous du lit. Cela fait, elle s’approcha du tiroir entrouvert pour le refermer. Sans trop de surprise, elle aperçut à l’intérieur des liens en cuir, un bâillon ainsi qu’un fouet, des outils en adéquation avec ce qu’elle avait ressenti dans l’esprit d’Erys. Alors qu’elle venait de finir de jeter un œil, la porte s’ouvrit et se referma aussitôt. Le sang d’Alessia se glaça et elle se retourna aussitôt.

Une femme venait d’entrer, la trentaine passée et de grande taille, dotée d’une longue silhouette longiligne. Ample chevelure corbeau, des prunelles sombres en amande. Une brûlure d’apparence ancienne qui serpentait de sa pommette droite à la naissance de son cou. Elle était revêtue d’une robe bleu marine, et elle semblait tout aussi à l’aise qu’Alessia dans ce genre d’accoutrement. Elle était le portrait craché de la description que Lex lui avait fait de sa sœur un peu plus tôt à la Jouvencelle.

— Je vois que tu as fait plus ample connaissance avec l’un des cousins de Messire Valentii, commença-t-elle à énoncer. Je vous ai vu partir. Tu es efficace, cela change des incapables habituels des Lames de Castell.

— Que se passe-t-il ici, Daguefilante ? se permit-elle de l’interrompre. Lex était persuadé que tu étais prisonnière, ce qui ne semble pas être le cas. Tu me dois des explications.

— Je suis loin d’être libre de mes mouvements, c’est pour cela que j’ai insisté pour que tu me rejoignes au plus vite, rétorqua Cordélia d’un ton sec. Cet idiot d’Orél croit que je suis tombé sous son charme. Cependant, cela ne l’empêche pas son ordure d’épouse de me garder à l’œil pour autant. J’ai pu profiter de la soirée pour me débarrasser de mon chien de garde. Nous devons faire vite avant que son indisposition ne soit remarquée.

— Ainsi, je dois comprendre que tu as déjà un plan en tête ? Comment allons-nous procéder ?

— C’est simple, nous allons profiter des festivités pour se glisser jusqu’au bureau d’Orél. Les invités et les gardes seront bien trop préoccupés par les plaisirs de la chair pour nous remarquer. Nous pourrons y récupérer le coffret. J’imagine que mon frère t’a mise au courant ?

Alessia acquiesça, cependant, elle avait l'intime conviction que quelque chose clochait. C’était trop facile. Pourquoi Orél Valentii s’était-il donné la peine de la faire prisonnière ? Après tout n’était-elle pas un témoin gênant ? Et les Vipères des tunnels avaient su où attendre le convoi pour les prendre par surprise sans trop de difficulté.

— Attends, une seconde, finit-elle par se lancer. Comment sais-tu qu’il se trouve là-bas ? Et l’embuscade, que s’est-il vraiment passé ? Comment t'es-tu retrouvé entre les griffes des Valentii ?

— Dois-je en déduire que tu remets ma loyauté en question ? siffla Cordélia alors que ses traits se durcissaient. Si je n’étais pas de ton côté, je t’aurais dénoncé à la première occasion. Nous n’avons pas de temps à perdre. Je sais que le coffret s’y trouve, car c’est à cet endroit qu’Orél m’a retenu.

La mercenarii n’eut guère le temps de contre-argumenter que Cordélia quittait la pièce. Alessia se résolut à la suivre. Elle a raison, la mission est plus importante pour le moment. Une fois de retour dans les couloirs, elles commencèrent à avancer à tâtons en silence, Daguefilante ouvrant la voie. La pénombre qui régnait à l’étage jouait en leur faveur et pour le moment personne ne s’était rendu dans cette partie de la vie. Depuis le rez-de-chaussé le brouhaha chaotique du banquet parvenait à leurs oreilles, les invités toujours attablés pour la primera cena. Alors qu’elles venaient de remonter le corridor et arrivaient à une nouvelle aile de la demeure, Cordélia s’immobilisa avant de jeter un coup d’œil sur sa droite. Elle recula et se plaqua contre le mur.

— Pernicies, il était naïf de croire qu’ils déserteraient aussi facilement leurs postes, chuchota Daguefilante. Il va falloir se débarrasser de ses deux la pour entrer dans le bureau.

Alessia s’avança pour observer l’aile à son tour. Dans le coin de la pièce d’une grande porte à double battants, deux mercenare étaient assis à une table ronde de taille modeste. Ils discutaient tranquillement tout en sifflant des pintes. Il était impossible de se rendre au bureau sans passer dans leur champ de vision.

— J’imagine que tu n’as pas d’armes sous la main ? poursuivi Daguefilante tout bas.

— Si, mais pas sur moi et je doute qu’on puisse facilement les récupérer, lui répondit Alessia.

— Alors prends ça — Cordélia passa la main dans l’intérieur de sa robe et finit par en extraire deux couteaux de cuisine et tendit l’un d’entre eux à Alessia — Ils se méfieront moins si tu avances en première. Attires en un et tranche lui la gorge, je m’occuperai du second. Nous n’avons pas le droit à l’erreur.

L’espace d’un instant, Alessia réfléchit s’il existait une alternative. Elle observa à nouveau sans pour autant trouver de solutions. À tout moment, quelqu’un pouvait arriver dans le couloir et elles pourraient dire adieu à l’effet de surprise. Je dois prendre une décision rapidement. Alessia passa une main dans ses nattes pour remettre de l’ordre dans sa chevelure. Elle tira ensuite sur son corset pour rehausser sa poitrine, prit une grande respiration et décida de se lancer dans l’aile, sa lame retroussée dans sa manche. Elle n’avait même pas parcouru la moitié de la distance que les deux mercenare se turent et braquèrent leur regard dans sa direction.

— Que fais-tu ici, malheureuse ? lança le premier d’entre eux à la stature trapu et au faciès rubicond. Ne sais-tu pas que l’étage est interdit aux invités ?

— C’est que je suis l’une des filles de la Jouvencelle, commença Alessia tout en continuant de se rapprocher, les invités de Messire Valentii ne devraient pas être les seuls à profiter de nos charmes…

— Oh une rousse, ce n’est pas courant ça par chez nous, munera Imperatorii ! s’exclama le second avant de finir d’une traite sa chope. C’est un signe, Hagge !

— Tais-toi, Cassius, rétorqua celui-ci. Tu sais très bien que c’est hors de question. Dame Valentii ne saurait tolérer un tel écart de conduite. — Il se leva de sa chaise d’un geste brusque — Je vais la ramener au Capitaine Aredan pour qu’il s’occupe de cette flâneuse.

— Attendez, je suis sûre que l’on peut trouver un terrain d’entente, mes braves ! répondit Alessia.

Alors que le dénommé Hagge se jetait sur elle, la jeune femme tourna les talons pour essayer de regagner le couloir. Sans surprise, le mercenarii fut plus rapide qu’elle et l’attrapa pas le poignet pour la forcer à s’arrêter.

— Où essayes-tu de fuir comme ça, malheureuse ? vociféra-t-il. Tu vas venir avec moi, j’ai dit !

Tandis que les doigts de l’homme entrèrent en contact avec sa chair, Alessia lança son Don au travers du mercenarii. Elle s’infiltra dans son esprit sans la moindre difficulté. L’homme avait bu tout son saoul depuis le début de la soirée, mais sa bonne constitution l’avait préservé des affres de l’alcool. Elle savait comment agir.

Hagge tituba en arrière et relâcha son emprise. Il se rattrapa in extremis avant de lâcher un grognement et passa sa dextre à hauteur de ses yeux comme si quelque chose venait de brouiller sa vue.

— Eh bien, mon frère ! Je crois que tu as trop forcé sur la bière ce soir ! fit Cassius d’un ton goguenard.

Le mercenarii se redressa, toujours étourdi par la vrille psychique de la jeune femme. Il essaya de lever le bras pour l’attraper. Elle fut bien plus rapide que lui. D’un habile coup de poignet, le couteau glissa dans sa paume puis Alessia frappa. La pointe transperça le bas de la mâchoire d’Hagge pour remonter à l’oblique jusqu’à l’intérieur de son crâne. Le mercenarii s’écroula. Les yeux de Cassius s’étrécirent de surprise et il essaya de se lever. Au même moment, une lame filait dans les airs pour se ficher droit dans sa trachée. Alessia enjamba le cadavre et acheva le mercenarii en enfonçant le couteau dans sa nuque.

— Surveille le couloir pendant que je m’occupe d’ouvrir la porte, lui ordonna Cordélia qui venait de la rejoindre.

La jeune femme s’exécuta tandis que Daguefilante extrayait cette fois-ci un crochet de ses manches avant de s’attaquer à la serrure. Elle comprenait mieux maintenant l’origine de son surnom. Alessia jeta un œil au travers du corridor sans y déceler la moindre présence. De combien de temps disposaient-elles avant que quelqu’un ne s’enquière d’Erys Valentii ou qu’une ronde de la garde ne remarque qu’Hagge et Cassius manquaient à l’appel ? Alessia essaya de contenir tant bien que mal l’adrénaline qui coulait dans ses veines. Si jamais elles étaient découvertes, affronter une garnison complète se révélerait bien plus suicidaire que deux mercenare isolés. Et commettre un massacre dans la villa leur coûterait le soutien d’Arenius qui ne manquerait pas de nier toute implication de sa part. Une poignée de minutes s’écoula en silence puis un cliquetis familier retentit et la porte s’ouvrit. Daguefilante lui chuchota de la rejoindre et elles tirèrent les deux cadavres à l’intérieur du bureau déverrouillé.

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