Chapitre 5

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Le chemin jusqu'au domaine fut long et sinueux. Les démons s'étaient installés au fond d'une forêt profonde, là où les montagnes se rencontraient formant entre elles d'étroites crevasses et vallées.

C'est au cœur d'une de ces vallées, entourée de part et d'autre de monts rocailleux que s'élevait leur demeure. Je n'eus pas besoin d'attendre que l'on s'en rapproche pour avoir le loisir d'observer ce qui serait notre nouvelle maison.

Gigantesque, elle nous mit dans l'ombre durant toute notre traversée de la gorge. Ses énormes tours jaillissaient de partout, formant un capharnaüm improbable de citadelles reliées par d'épaisses courtines.

Je passais le reste du chemin à observer ces murs de pierres, les yeux écarquillés de stupeur. Je n'avais jamais vu quelque chose de semblable auparavant dans ma vie.

-Efface moi cette stupeur de ton visage, mon doux. Je peux te promettre que ce château ne représente rien face à tous les joyaux que je peux vous offrir.

-Je ne vois pas comment ! C'est si grand, si majestueux... m'exclamais-je en me tournant vivement vers le démon, impressionné.

L'homme à mes côté parti d'un grand rire et tendit la main pour attraper la mienne. Il la ramena contre son torse avant de l'embrasser chastement. Ce simple geste me fit rougir comme une jeune jouvencelle que l'on courtise.

Pourtant, on m'avait déjà embrassé. Madame Theresa me posait souvent un baiser sur le front lorsque j'étais sage, et qu'elle était dans un bon jour. Mais aucun de ceux que j'avais reçu ne m'avait provoqué autant de plaisir. Entre la douceur de ses lèvres contre moi, la sensation des crocs qui se cachaient juste derrière, et le simple fait qu'il ait envers moi ce genre de gestes affectueux.

Je ne sus pas comment, en quelques échanges, cet homme avait pu nous rendre aussi fou de lui et à vrai dire, je n'avais pas envie de me pencher sur la question pour le moment.

Je n'avais pas encore complètement réalisé que ma vie venait de subir un bouleversement et je préférais rester dans cet état cotonneux de déni.

« Il te maltraitera peut-être, toi et Egio. Tout ceci n'est sûrement qu'un amusement, une ruse avant qu'il n'enlève son masque de gentil et qu'il ne vous dévore tous les deux. » semblait me susurrer une voix mesquine que j'ignorais royalement.

Pour l'instant, seuls m'importaient sa présence, et le plaisir qui en résultait.

-Pourtant, je t'assure que pour les démons, ce n'est rien. C'est même un calvaire d'être tous enfermés, aussi proche les uns des autres.

-Comment ça ?

-Tout notre peuple n'habite pas ce domaine. Le reste de notre population est en enfer. En vérité, nous ne représentons qu'une toute petite portion de celle-ci.

-Vous n'aimez pas être ici ? m'enquis-je troublé.

-Je préfèrerais toujours mes terres à celles-ci, et je me sentirais toujours plus heureux auprès des miens. Cependant, je suis venu ici avec une raison bien précise. Combler mon vœu le plus cher.

Je lui jetai un coup d'œil surpris. Que pouvait bien désirer un démon qui possédait tout ?

Il me répondit par un regard bienveillant.

-J'étais à la recherche de mon compagnon, assena-t-il. Les démons vivent en horde mais ne se reproduisent pas entre eux. Ils peuvent avoir des aventures, mais n'ont jamais de liens sérieux. Lorsque le conseil des démons des ombres nous a annoncé vouloir construire une passerelle vers ce monde, pour établir un contact avec vous, beaucoup y ont vu une opportunité. J'en fais partie.

Cette révélation me fit l'effet d'un coup de massue. Alors comme ça il était à la recherche de sa moitié...Cette idée m'attrista à un point que je ne soupçonnais pas. Un peu abasourdi, je me mis à réfléchir à la raison de notre présence si son seul but état de retrouver son âme sœur. Mes pensées fusèrent à vive allure et m'apportèrent une explication logique. Il avait dit nous vouloir, nous avait parlé de jeux, et de câlins.

Peut-être étions nous à l'image des animaux de compagnies, des individus présents pour le divertissement. Oui, cette explication me paraissait la plus probable est pourtant, elle glaça mon cœur et ne me satisfît pas. Je hurlais intérieurement que je voulais être intime avec lui. Qu'il avait été cruel de nous lier à lui de cette manière, nous faisant désirer son être tout entier alors que celui-ci était manifestement promis à un autre.

-Et vous avez trouvé votre compagnon ? m'enquérais-je tristement en camouflant mon trouble.

Il me lança un regard dubitatif, semblant évaluer si je me moquais de lui ou si mon sérieux était véridique. Il sembla opter pour la deuxième option, l'air incrédule, et s'empressa de me rassurer.

-Tendre humain, dans ma langue saiken veut dire compagnon.

Il allait continuer quand un cri le stoppa en plein élan.

Sans me laisser le temps de réagir, il arrêta Alda et s'avança en nous plantant là, au milieu du chemin. Je le suivis des yeux et me rendis compte que nous étions maintenant aux portes de la demeure. La discussion avec mon démon m'avait rendue si fébrile que je ne m'étais pas rendue compte que nous approchions.

Un homme se détacha de la silhouette de la forteresse et adressa quelques mots au noir. Leur langage était incompréhensible pour moi mais j'écoutais attentivement les sons étranges se mélanger. J'imaginais les démons parler dans une langue violente, faite de sons gutturales, mais il en était tout autre.

En un geste, notre meneur fit signe à Alda d'approcher puis lui attrapa les rênes et récupéra son manteau avant de se pencher vers moi.

-Réveille Egio et dirigez-vous vers l'entrée. Un styre va vous emmener jusque dans mes appartements.

Le ton qu'il employa me gela de l'intérieur et me fit me raidir. Je secouais rapidement l'homme endormi et le fit descendre de l'animal alors qu'il peinait encore à ouvrir les paupières. Je soutins Egio le temps qu'il se remette de ce réveil brutal et reportai mon attention sur le démon, snobant son compère. Une partie de moi attendait désespérément un signe d'affection, un mot tendre mais il n'en fut rien.

Il me jeta un dernier regard indéchiffrable avant d'empoigner Alda par l'encolure et de la guider vers ce qui semblait être un enclos au loin.

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