Vide
Allongée sur mon lit, laissant défiler les heures comme de longues souffrances inaltérables, j'entendis quelqu'un frappant à ma porte. Grognant, et déjà fatiguée de devoir me lever pour faire ces quelques pas, j'ouvris la porte. Une silhouette se tenait là, le dos courbé, la peau pâle et les cheveux noirs et gras. Son regard vitreux semblait aveugle du monde qu'il l'entourait, sa simple présence aspirait toutes les couleurs de la pièce, s'il en restait.
- Bonjour...
Même sa voix était fatiguée, vidée de tout espoir. C'en était épuisant.
- B'jour... Tu me veux quoi ?
- C'est vide...
- De quoi ?
Il prit une pause, regagnant la force de parler. Il s'adossa contre ma porte, comme s'il fondait d'ennui.
- Rien ne vaut le coup... Tout est si vide...
- Il est minuit passé, c'est normal que tout soit vide...
- Et après ? Tout est toujours vide... Dans ta poitrine c'est vide... Tu n'as même plus mal... Même plus de réelle souffrance... Tu es vide...
- Et alors ? Ça va passer...
- Tu en es sûre ?
Un blanc s'installe. Il est long, s'étire et s'étiole avant de tomber que je le brise.
- Oui.
Il ne répond rien. Ses lèvres, trop vide pour sourire, ne bougent plus. Son regard est marqué par cette petite étoile, comme s'il avait mis une braise sous cloche, pour l'empêcher de brûler.
- À quoi bon être vide ?
- J'évite les blessures, répondit-il en baillant.
- Je ne suis pas blessée.
- Non, tu es trop fière pour l'admettre. Nuance.
- Je vais bien.
- Alors pourquoi suis-je à ta porte ?
- Tu es le concept que j'envoie pour le défi, rien de plus.
- Ah bon ? Les autres concepts ne te parlent pas. N'as tu pas vu la déchance de tes textes ? Ils sont vides, dénuées de sens ou de morale ! Ils sont aussi vides que toi !
- Tais toi...
- Tes textes ont perdu leur rire ! Leur âme ! Ils sont aussi vides que le gouffre sous tes pieds !
Je m'apprête à répliquer mais ravale mes mots. Il a raison, mon corps est un gouffre sans fond, échos de blessures que je n'ai jamais assumés. Même ce texte est vide, sans talent. Rien n'en vaut la peine. J'ai l'impression que tout est éphémère, même le bonheur.
- Va-t-en...
- Quoi ?
- Pars, vas-t-en retrouver ceux qui partcipent aux concepts.
- D'accord, d'accord...
Il s'en va, me laissant seul à mon vide. Je retourne dans mon lit, cogite cinq minutes et attrape mon portable puis je vais dans mes messages et retrouve cette personne.
"T'as raison au final. En même temps, c'était logique. Je pensais que me mentir ferait passer la chose. Et tout est si... changeant. Parfois je suis heureuse, je ris à tout... surtout qu'en t'es là. Et parfois c'est vide. Purement vide. J'ai pas envie de sortir de mon lit, j'arrive plus à aimer ce que j'aime. Je ne supporte personne sauf toi. Tout devient dur, pénible et chaque victoire rallume une braise que mon axiété s'empresse d'éteindre. J'aurais dû te croire plus tôt."
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