La classe de littérature.

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Elle était seule au milieu de sa classe de littérature. Elle contempla médusée le chaos qui y régnait. Au milieu des livres et des pupitres renversés, elle se fraya un passage le plus silencieusement possible vers l’une des nombreuses fenêtres. Avec précaution, elle passa derrière une tenture de velours, elle cachait une des nombreuses fenêtres à meneau de la grande salle, ses volets intérieurs étaient ouverts. Tremblante, elle se blottit dans l’embrasure, sur l’un des deux coussièges qui la flanquaient. Elle fit attention à ne pas se couper sur les débris de verre qui jonchaient le sol. Les grilles de bronze en avant-corps n’avaient pu les protéger des nuées de traits qui s’étaient abattues sur ce bâtiment. Son regard se porta d’abord sur le rinceau qui décorait le linteau, son motif ornemental constitué d'une tige se développait en volutes et en contre-volutes, ornée de feuillages multicolores masquant un des nombreux psaumes du livre des Vādshāhs*. Elle se pencha, pour regarder par-dessus la ville. Elle put mesurer l’étendue des destructions. Des colonnes de fumée s’élevaient vers un ciel serein des quatre coins de la cité. Dans la cour d’honneur, elle voyait de belles femmes nues enchainées en colonnes parallèles, elles gémissaient, pleuraient, parfois, quand elles le pouvaient, certaines se recroquevillaient. Bien qu’étant loin, elle croyait pouvoir deviner des visages familiers, ce qui lui donna un bref sentiment de joie, car elle pensa qu’elles avaient échappé à la mort.

***

Le Cakravartin* seigneur de guerre haletait. Il était arrivé en haut de l’escalier accédant au dernier palier, il donnait sur une enfilade de portes. Et, après avoir repris son souffle, il grogna en entrant dans une des classes.

  • Sabirr ! Je devrais te clouer à une de ces portes pour m’avoir fait monter jusqu’ici, taquin il sourit en disant.
  • Si c’est ainsi que vous voulez me récompenser de vous avoir donné la ville de Valdhore ? répondit Sabirr. La dernière défense de l’ennemi… celle qui est à l’Ouest, vient de tomber mon seigneur. Mais si c’est ce que vous souhaitez ? Alors je m’inclinerai. Devrais-je envoyer chercher un marteau et des clous ? Ou préférez-vous avoir du vin ? Des rafraîchissements et parler d’abord ?
  • Tu es un bâtard ! Petit nabot effronté, ironisa Subarnipal en riant sous cape. Du Vin ! Beaucoup de vin !
  • vous avez entendu votre Maitre ? qu’on aille chercher du vin ainsi que Sodo et Phéla ! Notre Grandissime lumière de l’Est a besoin de réconfort.

Ashka, cachée derrière la tenture se recroquevilla encore plus. Heureusement pour elle, Subarnipal et le nain Sabirr s’approchèrent d’une embrasure mitoyenne. Son allège et le pilier central avaient été fracassées par un boulet de pierre.

  • Ne voulez-vous pas profiter de la vue sur ces terres qui sont maintenant les vôtres, mon seigneur ? demanda-t-il, et il poursuivit. Voyez mon seigneur, l’étendue de cette cité état. Elle ne sera bientôt que cendre et gravas.
  • Oui c’est ainsi que je la veux… Mais je crois que toi aussi tu jubiles à cette perspective.
  • Assurément votre majesté, votre victoire est pour moi la plus complète des vengeances.
  • C’était pourtant ta ville ?
  • Oui, une ville qui a chassé un être sans défense, une ville qui a couvert d’opprobre une jeune fille enceinte qui a du accoucher dans un fossé. J’ai juré sur la tombe de ma mère que je la vengerai, voilà qui est fait.
  • J’ai été ici assez souvent méprisé en tant qu’invité. Les khalifes Vādshāh m’ont toujours pris de haut. Boire leur vin, baiser leurs filles. Mais tu dis qu’il semble qu’un seul ait pu nous échapper. Où est-il maintenant ?
  • Il s’est enfui seul, votre grâce. Il y avait un tunnel secret que je ne connaissais pas.
  • Ah ! Putain de merde, Sabirr ! Il y a toujours un tunnel secret ! Tu es certain qu’il a pu s’échapper ? grogna le Cakravartin.
  • Je suis désolé mon seigneur ! Mais nous avons quand même la ville et toutes les nobles familles de Valdhore.
  • Bordel de Vādshāh où va-t-il pouvoir aller ce maudit khalife ! Maintenant, s’il est sans couilles, il ira se réfugier chez Honorius. Connais-tu son nom ?
  • Je pense qu’il s’agit de Nicéphore Pashapalas. Mais nous avons pris sa femme, elle est d’une beauté toute Valdhorienne, vous pouvez l’avoir comme esclave. Ses filles iront dans les bordels pour les troupes. Nous garderons son fils en otage, mais vous pouvez le castrer et l’envoyer dans une mine ou aux galères. C’est comme vous le souhaitez, mon seigneur.
  • La partie ouest de la ville est en assez mauvais état, ai-je remarqué. Les nouvelles machines de siège ont-elles effectué ce travail ?
  • Elles ont parfaitement fonctionné, mon seigneur. Mais ce que vous voyez, c’est l’œuvre de nos sicaires, de ceux qui sont passés par les souterrains. Nos machines, elles ont attaqué la muraille sud pour créer une première diversion. Mais elles ont causé pas mal de dégâts. Au moins cela a donné à nos fantassins plus de facilité pour entrer, tout ça pendant que les sicaires ouvraient la porte ouest à notre cavalerie.
  • Qu’en est-il des soldats ennemi ?
  • La plupart sont morts ou se sont rendus. Seule la garde d’honneur des khalifes et les mercenaires nous ont donné du fil à retordre jusqu’à la fin pour couvrir l’évasion de Nicéphore.
  • De bons combattants ?
  • Assurément mon maitre.
  • Eh bien, je sais qu’ils ne nous feront pas beaucoup d’argent, mais tu peux vendre les sans couilles qui se sont rendus… et quand je dis sans couilles, ce ne sont pas des paroles en l’air.
  • J’avais compris grand Cakravartin. Mais nous allons remplir tous les marchés d’esclaves de l’empire.
  • je sais, mais notre flotte et nos mines sont voraces. Au fait, tuez tous leurs commandants, il faudra faire sanglant et beau spectacle avec eux. Je te laisse imaginer un divertissement capable de me distraire. Empaler, écorcher, tout ce que tu veux. Les mercenaires survivants peuvent rentrer chez eux s’ils le souhaitent, mais assure-toi de leur proposer de se joindre à nous en premier. As-tu une estimation du butin ?
  • Comme promis, mon illustre maitre, il nous faudra bien deux cents chariots pour tout transporter.
  • Et pour la crypte ?
  • Nos sapeurs y ont pénétré, mais il n’y a rien d’autre qu’un khalife mort. Pour ce qui est du Cristal de la Connaissance, si jamais il a existé, il a disparu… pourtant il reste encore certains mystères, comment le khalife a pu fermer les portes de la crypte, car il faut être au moins deux pour le faire.
  • C’est qu’il doit y avoir un passage secret, un de plus.
  • Non seigneur, les pionniers ont tout sondé, il n’y a aucun souterrain.
  • Eh bien, qu’ils continuent ! Et même s’ils doivent démonter cette fichue crypte pierre par pierre. Je dois en avoir le cœur net ! Pour la famille de Nicéphore… Les femmes, je les veux en cage dans ma ménagerie. Le garçon tu le feras égorger… mais pas tout suite.

Ashka, morte de peur, était toujours prostrée dans sa cachette. Elle ne perdit pas une miette de la conversation, apprenant beaucoup de choses de ce qui se passait autour d’elle. Entendre parler de la femme et des filles de Nicéphore l’avait titillée et pendant quelques minutes elle hésita à regarder dans la cour. Elle essayait de voir si elle pouvait reconnaitre parmi la foule enchainée quelqu’une qui pourrait correspondre à une de ces trois femmes qu’elle connaissait.

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