Jonathan

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  • Bonne nuit, Jonathan.

Elle. M’a. Embrassé.

Mollo, Cupidon. Ce n’était qu’un bisou sur la joue, mec !

T’es con.

C’est officiel. Natacha me plaît. Elle me plait vraiment. Surtout si je me fis aux réactions de mon corps… Frissons, poils qui se hérissent et chaleur douce dans le bas ventre. Tout ça pour un malheureux bisou sur la joue.

Mon vieux t’es dans la merde ! Je ne dois pas tomber amoureux ce n’est clairement pas le moment… Pas avec trente ans de réclusion criminelle…

Douche froide. Malgré le fait que je ne sois pas coupable, j’ai encore vingt-huit ans à tirer. Enfin, quatorze si Varaud tient parole, ce que je doute… Il faut encore que je réussisse cette mission… découvrir le réseau de drogue ne va pas être une mince affaire… Du peu que j’ai vu, cet établissement n’est fréquenté que par l’élite… Je fais effectivement tâche parmi eux. Varaud m’a assuré qu’il y avait quelqu’un d’autre sur le coup. Je me demande bien qui cela peut-il bien être : un prof ? un surveillant ? un agent ? Je n’en ai pas la moindre idée. Je verrai tout cela la semaine prochaine...

Je rentre dans mon appartement. Il est minimaliste : quelques vêtements, mes bouquins et ma… non, notre photo. Dans un petit cadre en bois, trois visages souriants : Mathéis, quinze ans, roux aux yeux verts, carrure d’athlète fuselé, Myra, six ans, petit visage poupin avec ses joues rondes de bébé, ses long cheveux auburn et ses yeux verts, parfait mélange des parents et moi dix-sept ans, cheveux bruns courts et mes yeux noirs qui semblent continuellement tristes malgré mon grand sourire. Je suis le portrait craché de notre père. Souvent, grand-mère disait que Louis ne l’avait pas volé celui-là ! Je souris. Malgré tout le mal qu’il a pu nous faire, notre père s’est battu pour nous. Il aura fait de son mieux. Krishna n’a été qu’un passage dans sa vie, passage qu’Alain a marqué au feutre indélébile.

Cette photo a été prise il y a deux ans, nous étions alors dans l'œil du cyclone. Maman se remettait, Alain était plus ou moins accepté malgré son caractère de cochon et je m’étais un peu calmé. Oui, c’était une bonne période. Puis… puis… Il est venu frapper à notre porte et… et tout a dérapé.

Rien que d’y penser, je sens la rage bouillir au fond de moi. Une rage profonde, vile. Je ne sais pas de quoi je serai capable si je la laissais exploser.

Tu serais capable de tuer.

Oui. Je serai capable de LE tuer.

Le visage de Natacha choisit ce moment-là pour surgir dans mon esprit. Je me calme aussitôt et sens mon cœur battre plus fort mais d’une autre manière.

Seigneur.

Je dois lui dire la vérité. Juste à elle. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais je le dois. Je prends mon portable et décide de lui envoyer un message.

{Je ne vous ai pas tout dit… Promis, je vous raconterai tout demain. Bonne nuit Natacha.

Ne te sens pas obligé, Nathan. Stev peut être un fouineur mais je vais le calmer t’inquiète.

Au fait, j’ai retrouvé ton bracelet. Le fermoir s’est cassé.}

Mon bracelet ? Merde ! Je ne m’étais même pas aperçu l’avoir perdu. Je regarde l’heure : 21h45. Tant pis. Je dois le récupérer.

Et puis tu pourras la revoir.

Oui et ?

Je sors discrètement, je ne sais pas ce que je risque, ce que nous risquons si je suis pris dehors à cette heure-ci.

Quelque chose de pire que ton trois mètres sur trois mètres tu veux dire?

Je préfère ignorer cette remarque. Je frappe doucement à la porte. Peut-être trop doucement, vu le temps qu’elle met à répondre. Je sors mon portable et m’apprête à lui envoyer un SMS quand la porte s’ouvre sur une Nat en pyjama. Pyjama mignon d’ailleurs : débardeur et pantalon en flanelle rose, agrémenté de petits personnages manga. Elle me prend la main et m’attire à l’intérieur. Il fait noir, je l’entends allumer une lampe de chevet. Une lumière douce et diffuse se répand dans la pièce. Devant mon air surpris, elle se justifie.

  • Nous sommes au même palier que Virginie !
  • Virginie ? C’est qui déjà ?
  • Sérieusement ? Elle ne va pas apprécier…, elle met sa main devant sa (jolie) bouche pour étouffer son rire. Si je te dis Miss Renata…
  • Oh ! Tu veux parler de Bimbo sans cervelle ?

Là, elle éclate franchement de rire et prend son oreiller pour le cacher. Une fois calmée, elle farfouille dans le tiroir de son bureau et me tend mon bracelet.

  • C’est bien ce que tu es venu chercher non ? chuchote-t-elle.
  • Oui, merci, je lui réponds, soulagé de ne pas l’avoir perdu pour de bon. Va falloir que je répare le fermoir…
  • Tu as l’air de beaucoup y tenir… Non oublie, voilà que je remplace Steven… me fait-elle, avec un sourire penaud.
  • C’est… c’est… le dernier cadeau de ma mère. Un bracelet acheté 10 euros à un marchand ambulant gravé de son prénom et du mien. Aucune valeur pécuniaire mais une sentimentale inestimable. Comme ça les filles croiront que Maya est ta copine avait-elle dit.

Comme à chaque fois que je parle de ma mère, je sens les larmes monter puis couler.

Non, non, non...

Impossible de les arrêter. Natacha a alors une réaction tout à fait inattendue : elle essuie mes larmes et me prend dans ses bras. J’hésite à lui rendre son étreinte. Je me lance quand même, l’enserre et plonge mon visage dans le creux de son épaule, à la base de son cou. Je respire son parfum à grande goulée et cela m’apaise petit à petit. Mon cœur s’emballe. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi : une minute ? Cinq ? Une heure? Le temps s’est arrêté pour moi. Elle m’éloigne d’elle doucement et repasse le bout de ses doigts sur mes joues pour s’assurer que mes larmes se sont taries. Je n’ai qu’une envie, c’est d’accentuer cette caresse en pressant ma joue dans le creux de sa main. Il faut que je sorte d’ici au plus vite ou...

  • Je… Je suis… Désolé… lui dis-je en me levant.
  • Non, tu n’as pas à l’être… me répond-elle en m’ouvrant la porte. Les amis sont faits pour ça non ?

Je réponds à son doux sourire par un qui j’espère ne paraît pas trop forcé et retourne à mon appartement.

Amis hein… oui, ami…

Qui crois-tu tromper ?

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