Jonathan

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Nous avons rendez-vous en ce dimanche matin radieux à… 6h30. Abusé! Le premier bus passe à cette heure-là et si nous voulons aller voir ce fameux film d’horreur choisi par Nat, il va falloir se plier à cet horaire… Je m’avance vers l’arrêt et aperçois Virginie.

Oh non…

  • Salut Jonathan, me fait-elle en bombant exagérément la poitrine.
  • Salut Virginie.

Je lui réponds uniquement par politesse, lui tourne le dos et m’appuie sur l’un des panneaux publicitaires composant l’abribus. Je la sens venir se coller à moi et passer un bras autour de mes hanches.

  • Tu sais Nathan, tu me plais. Tu me plais énormément.
  • Je croyais avoir été clair la dernière fois, Virginie. Nous ne serons que des camarades de classe. Rien de plus.
  • Tu craqueras à un moment ou à un autre Nathan. Crois-moi.

Une voiture aux vitres teintées s’arrête. Vincent en sort : notre proximité n’a pas l’air de lui faire plaisir et il lâche un sifflement méprisant.

  • Vi, tu viens ?
  • J’arrive… À bientôt mon chou, me lance-t-elle, tout en s’engouffrant dans la voiture.

Celle-ci démarre en trombe, laissant un nuage de fumée noire derrière elle et une sensation d’amertume. J’entends le rire cristallin de Natacha et me déride aussitôt. Incroyable comment cette fille peut m’apaiser.

Nous prenons le bus direction les mi-hauteurs de l’île. Je n’ai pas pu me renseigner sur l’endroit que nous allons visiter. Natacha me fait un rapide résumé.

  • Le couple Desbassyns était un grand propriétaire terrien de la fin du XIXe siècle. Ils ont prospéré grâce à la canne à sucre et au commerce d'esclaves. Le mari est mort assez tôt, les fils étant en métropole pour études, Mme Desbassyns a donc décidé de mener l’entreprise elle-même, chose qui était impensable à l’époque. Une femme a la tête d’un domaine sucrier ! Mais où allons-nous ?

Elle semble passionnée par ce qu’elle raconte et je dois dire que je suis captivé.

Par ce qu’elle dit ou par ses lèvres ?

Nous arrivons à destination. Comme il est encore tôt, nous décidons de visiter d’abord les extérieurs de la demeure avant de payer pour une visite guidée. Nous partons pour la chapelle pointue. Steven sort un cahier de croquis et un crayon : il s’installe dans un coin et entame de dessiner la chapelle. Je n’en crois pas mes yeux : il est très doué en plus ! Natacha m’attire dans la petite église. Elle me raconte son histoire.

  • Mme Desbassyns était une personne très croyante. Elle a fait convertir la plupart de ses esclaves à la religion catholique et leur a fait construire cette chapelle. Elle a été détruite deux fois et reconstruite. Certains disent que cet endroit est hanté par le fantôme de Mme Desbassyns… Sa tombe est juste là, me dit-elle en désignant l’autel. On dit que Dieu lui-même l’a frappé de sa foudre car Mme Desbassyns était cruelle envers ses esclaves… La légende voudrait qu’elle soit grand-mère Kal...

Elle finit sa phrase dans un chuchotis avant d’éclater de rire. L’entendre parler de toutes ses histoires de la grande Histoire me fascine. Nous remontons l’allée centrale bras dessus, bras dessous. Ses yeux se fixent partout : elle dévore littéralement l’endroit des yeux.

Et toi c’est elle que tu dévores des yeux…

J’entends Stev derrière nous chanter l’hymne nuptial. Je rigole pendant que Nat se détache vivement de moi en rougissant. Stev, tout fier de sa blague, se rapproche en riant.

  • Les visites guidées commencent dans une demi-heure. Si nous allions voir l’hôpital des esclaves en attendant ?
  • Bonne idée ! s’exclame Nat. Vas-y montre-nous ton dessin.
  • Tiens.

Je regarde par-dessus l’épaule de Nat : le croquis de Steven est superbe ! Il a un talent inné ! Je le lui fais remarquer et il me sourit d’un air gêné en me murmurant un pâle merci. Adieu l’extravagant Stev !

Nous suivons Natacha à travers le jardin de la résidence ou elle prend le temps de nous donner une petite explication sur chaque endroit où nous nous arrêtons. Elle semble connaître l’histoire de notre île sur le bout des doigts. Stev se pose une fois encore dans un petit coin pour dessiner l’une des façades de la maison.

  • Quand as-tu eu le temps d’apprendre tout ça ?
  • Depuis petite je suis passionnée par l’histoire de mon île, je trouve ça dommage qu’on ne l’apprend pas aux plus jeunes…

Nous prenons nos entrées pour la visite guidée de la maison.

  • Oh tiens ! Salut Natacha ! Ça fait un bail, dis-moi !

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