La compote maison

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L'odeur de la compote encore chaude emplie la cuisine, mes papilles frétillent et mes yeux scintillent de bonheur. Grand-mère sait tout à fait combler mes espérances. Elle a toujours de bonnes idée, en sa présence, jamais je ne me suis ennuyé. Ce midi, au moment du dessert, Grand-mère s'est exclamé : "J'ai bien envie d'une compote, qu'en dis-tu ?". A ces mots, je n'imaginais pas la micro-aventure que cela annonçait. J'acquiessai bien volontiers, me lechant les babines d'avance. Après la vaisselle, nous avions mis nos cirets jaunes et nos bottes, je ne comprenais pas encore pourquoi nous revêtions cela pour aller au super-marché. Elle me sentis songeur, elle m'apporta quelques explications. "Ne sois pas inquiet, tu l'auras ta compote au diner, nous partons dans le verger du voisin chercher des pommes tombées pour faire une bonne compote maison, douce et acidulée". Elle me pris la main, ma petite main dans la sienne, bien au chaud, bien calée dans sa paume. Sa peau quelque peu détendue n'était pas désagréable, son contact était accueillant et apaisant. Dehors, c'était un vrai temps de novembre, des nuages sombres et menaçants, un vent violent et des averses gelées. Dans mon coeur, c'est un véritable oasis de bonheur, j'y voyais des pommes et des compotes à n'en plus finir ! Sur la route, je marchais dans les flaques d'eau, m'arrêtai pour regarder un insecte puis faisai un signe amical aux vaches normandes dans un champs. Grand-mère souriait, elle sourit tout le temps. Elle est un vrai soleil, même au mois de novembre. Sous son bras, elle tenait deux paniers emboités l'un dans l'autre. Courir avec des bottes dans l'herbe haute et mouillée du verger est un vrai régal, un délice annonciateur de la suite. Aux pieds des pommiers, Grand-mère me tendit le petit panier en osier, calé dans le plus grand qu'elle garda pour elle. Grand-mère chantait, des chansons douces, des chansons pour moi, pour elle, pour les oiseux et pour les pommiers. J'inventais des paroles de chansons et Grand-mère, toujours douce, me souriait. Nous avons mangé une petite pomme ou deux, ne pouvant résister à l'envie débordante de croquer dans la chair juteuse et sucrée. Le retour me parut long, mon panier était lourd et mes jambes fatiguées. Grand-mère me proposa de porter mon panier pour reposer mes petits bras, je refusai, ne voulant pas la charger plus que ce qu'elle était déjà, j'étais fort et j'allais lui montrer. Pour elle, j'aurais porté les deux paniers remplis ! Rentrés dans sa petite maison de campagne, dont la vigne vierge avait perdu toutes ses feuilles, nous avons remis du bois dans la cheminée. Nous nous calions l'un contre l'autre, sur un banc, devant la belle cheminée en briques. Les flammes dansaient avec une lenteur sensuelle, je sentais la chaleur frissoner ma peau encore humide. Après avoir réchauffé chaque partie de mon corps, j'ai pelé les pommes avec un économe. Grand-mère les a coupées en morceaux, en veillant à enlever chaque pepin. Elle disait que les pepins de pommes, c'était dangeureux, alors elle vérifiait soigneusement qu'aucun ne s'accroche à un morceau de chair. Après avoir mis le feu sous la grande casserole, Grand-mère disposa une chaise devant la gazinière, me donna un tablier et une grande spatule en bois. Grimpé sur cette chaise, je remuais lentement les pommes qui chauffaient. Grand-mère se tenait derrière moi, me prenant la spatule des mains par moment pour remuer plus efficacement les morceaux. Ses bras me fasaient comme un ceinture, ses mains me retenaient, m'empechaient de tomber ou de m'approcher trop près des flammes. J'entendais et ressentais son souffle tiède dans ma nuque, parfois cela me chatouillait, alors je riais et Grand-mère aussi. Ses conseils étaient toujours avisés et préventifs. Après une demi-heure passée sur le feu, il était temps de sortir les morceaux de fruits tout assouplis et de les passer dans un moulin à légumes, que j'avais renommé moulin à pomme pour aujourd'hui. Le couinement de ce moulin me faisait rigoler, à chaque tour, le moulin grinçait et couinait. Il était un peu vieux son moulin à pomme à Grand-mère alors je me suis dit que c'était normal. Lorsque ce fut fini, il est arrivé la meilleure chose possible, il restait des morceaux de pommes chauds et sucrés dans le fond du moulin, avec mes doigts, tranquillement pour ne pas me couper, je récuperais chaque particule pour satisfaire ma gourmandise de petit garçon. Normalement, la compote devait être laissée de côté pour refroidir. Malhereusement, une bonne partie de cette merveille n'eut pas le temps de refroidir et finit tout droit dans nos estomacs pour notre plus grand bonheur à tous les deux. Grand-mère fermait les yeux à chaque bouchée, elle mettait sa cuillère dans bouche, fermait les yeux,attendait, retirait sa cuillère et sourait, toujours les yeux clos. Je m'inspirais et fit la même chose. Je repétais la même mécanique, au battement de cils près. Grand-mère me regarde, tendrement, avec ses yeux pleins de sagesse et de patience.

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