Il m'arrive des fois, de m'allonger sur mon lit pour méditer un peu avant d'invoquer et de complètement m'abandonner entre les bras de Morphée. Généralement, ce moment arrive tard dans la nuit ou tôt le matin. Selon votre propre perception de l'heure et du temps.
En fermant mes yeux, je laisse la voix de mon Gouru m'apaiser, me guider puis me transporter loin de mon corps et j'aime cette sensation. Des fois, je ressens des frissons m'envahir depuis le bout des orteils. Ces sensations qui vous sèchent la bouche et les lèvres. Toutes les lèvres.
Je ressens aussi, une énergie me transpercer les entrailles, comme si, je n'étais plus seule. Comme si, je recueillais une différente énergie en moi. Forte, trépidante et intense. Avec un peu de concentration, je présume entendre une voix sensuelle me murmurer des mots à l’oreille et j’en ris.
Je tente de me concentrer sur cette voix pour la distinguer, où l’avais-je entendue auparavant ? Pourquoi et comment est-il possible de me couper de mon monde et de me faire tant d’effet ?
Cette voix, je la reconnais. C’est celle d'un amant de mon passé.
Notre amourette était charnelle avant de devenir platonique, il y'a plus d'une dizaine d'années.
Lui, je l'ai au plus profond de moi et en surface comme une cicatrice qui te renvoie à cet instant où elle s'est accaparée de ta peau et que tu décides de la garder pour je ne sais quelle raison. Il s'appelle Alexandre, et ce n’est pas un prénom d’emprunt.
J’écoute encore sa voix me murmurer des mots qui font frémir même la plus insensible des âmes et j’en étais bien une. Une âme insensible. Cette escapade dans mon lit me renvoie directement sur la pelouse de son jardin. Deux corps enlacés et des regards qui transmettent beaucoup plus qu’une bouche ne peut exprimer.
Je me rappelle de sa peau brûlante, de ses cheveux lisses qui me couvraient le visage alors qu’il était bien enfoui dans mon intimité et qui me faisait crier intérieurement. Mes cris étaient étouffés par cette envie que je porte pour lui alors que je le connaissais à peine.
Sa main sur mon coeur pour éviter qu’il ne s’échappe de ma poitrine. Nous n’étions pas seuls. Une ribambelle d’oiseaux nocturnes nous jouait une sérénade et le ciel était juste parfait. Des nuages qui se frayaient un chemin pour une destination inconnue. J’aurais aimé être un nuage et nous regarder d’en haut. Nous étions en phase. Nous étions apaisés. Nous étions heureux.
A l’instant où j’ai senti cet apaisement, mon corps s’est raidi. Je le cherche et il n’est plus là. Soudain, je me suis sentie froide et perdue alors que mon gouru était toujours là essayant de me guider à travers sa méditation. J’ai perdu le fil. Alexandre ?
Après quelques instants tourmentés et d’une envie inassouvie pour lui. Comment puis-je oublier ce qu’il a fait de moi ? C’était comme l’atmosphère créée par le 2e concerto pour piano de Prokofiev. Impétueux, tourmenté, sombre, angoissant et tellement frémissant.
Alexandre est parti et Morphée ne s’est toujours pas montré. Je ferme les yeux et me fait parcourir le corps à l’aide d’une phalange. Mon rythme cardiaque s’accélère et ma Iwach me le fait constater. Je soupire, je suis en manque de lui, de nous.
Brusquement, mon moment intime se rompt et j’entends une autre voix qui me ramène à des baisers endiablés. Contrairement à Alexandre, je ne me rappelle pas de son prénom. Appelons-le Théo.
Oh Théo, si tu savais toutes les sensations vécues avec toi le long d'un jogging commencé à 5h30 du matin. Où se cache la raison quand la passion, le frisson et deux regards décident de se croiser et de se barrer mutuellement la route ?
Il faisait encore noir et le son de la mer agitée a crée ce moment où seul toi, moi et nos corps pouvaient se partager. Nous nous sommes réfugiés au giron de rochers pointus. Quel rôle pouvait avoir la douleur à ce moment-là ? Je l'ai prise cette douleur et je l'ai savourée.
Tes mains si grandes me caressaient le visage faute de le voir, faute de me voir alors que je te caressais la nuque et qu'on soupirait en choeur. Je me rappelle de cette main frémissante, rebelle et baladeuse. Elle traversait mes courbes avec délicatesse. J'en gémisais doucement. J'ai aimé ce qui tu me faisais Théo et j'ai commencé à m'abandonner. Me voici étendue sur un rocher qui m'a marqué la peau et les os pendant longtemps mais pas autant que notre petite escapade matinale qui n'a pu voir le jour alors que justement le jour s'est mis à se lever.
Tout comme Alexandre, Théo est parti mais cette fois, il a pu céder place à Morphée.