La Chaumière à la dérive

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 Située au bord de la nationale 223 qui jouxte la commune de Saint-Erdre-les-Pléchoux, se dévoilait une vieille longère à la devanture tapageuse. Un gigantesque néon rose fluo, dont la lumière avait dû connaître un plus bel éclat, était accroché à la façade et indiquait le nom de l’endroit par clignotements : La Chaumière. Deux palmiers aux feuilles jaunies par l’excès d’humidité étaient plantés de part et d’autre de l’entrée. Du parking, presque vide en ce début de soirée, on pouvait entendre la musique qui se jouait à l’intérieur. Le son devenait plus perceptible lorsque la porte de l’entrée s’ouvrait de temps à autre, les employés venaient de commencer leur service.

Lorsque Joséphine avait repris la discothèque en 1977, ce lieu d’amusement et de rencontres était à son apogée. La foule se pressait à l’entrée, dans le froid et la fumée de cigarette. Il y avait les habitués, présents chaque samedi soir. Les inconditionnels de la piste de dance, qui ne partaient pas avant de s’être déhanché sur les derniers tubes du top cinquante. Les séducteurs, pour lesquels le quart d’heure américain sonnait comme une invitation aux rencontres et plus si affinités. Et puis, il y avait aussi ceux qui venaient seulement siroter un Blue Lagoon au bar et regarder les gens danser, s’imprégnant avec délice de la fièvre du samedi soir.

Depuis, l’établissement avait quelque peu subi les affres du temps qui passe. Quarante ans après, la foule s’était amenuisée d’années en années, même si les clients se faisaient un peu plus présents durant les vacances scolaires.

Ces derniers mois avaient donc été difficiles pour Joséphine, et ce soir était un soir particulier. Un potentiel acquéreur s’était manifesté il y a maintenant quelques semaines à la suite de l’annonce qu’elle avait postée sur un site spécialisé reconnu. Ils étaient alors convenus que ce dernier assisterait au fonctionnement de l’établissement en situation, le samedi soir de la Saint-Sylvestre. Ce soir-là en particulier, le public était toujours au rendez-vous, les étudiants rentrés passer les fêtes en famille en profitaient pour retrouver leurs amis d’enfance, les plus âgés s’autorisaient une sortie dansante après le dîner, les habitués conservaient leurs habitudes.

Joséphine se sentit en proie à une vague de stress. Elle avait répété en boucle cette soirée dans sa tête depuis des jours et espérait que tout se passerait pour le mieux, sans couacs ni imprévus à gérer. La discothèque avait subi un véritable ménage de printemps, les joints du carrelage rose parme des toilettes avaient même été récurés pour l’occasion et le parquet de la piste de dance lustré à tel point qu’on y glissait comme au premier jour.

Pour se donner du courage, Joséphine avait revêtu une robe à sequins dorés que sa sœur Nathalie lui avait prêté pour l’occasion « tu es un peu la star de la soirée après tout, c’est peut-être ta der des ders du nouvel an ! » lui avait-elle lancé en riant. À présent, elle avait l’impression d’être fagotée comme la boule à facettes qui tournait inlassablement au milieu de la piste et aurait préféré passer la soirée sous la couette en compagnie de Berny, son chat, à écouter du George Michael en lisant un bon bouquin.

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