Chapitre 2-1 L'épreuve du Feu

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Au-delà de la foule rassemblée devant le temple, une multitude d’hommes et de femmes attendait déjà le long du parcours de l’épreuve du Feu. Malgré le soleil piquant d’altitude qui inondait la plaine volcanique et rendait l’attente pénible, le trajet permettrait aux spectateurs de voir passer l’Éligible au plus près d’eux, et pour les plus téméraires de pouvoir le toucher de la main. Il arrivait davantage de fidèles à chaque instant et ils borderaient bientôt l’ensemble du chemin que Pamba allait ensuite parcourir.

Pamba se demandait en quoi le ciel pur et le soleil de plomb le jour de la reconnaissance pouvaient être de bon augure pour l’Éligible. Non seulement lors de l’épreuve précédente le contraste de température entre l’eau et la peau devenait insupportable et augmentait la difficulté à résister, mais l’épreuve suivante, celle de l’harmonie avec le Feu qui se déroulait en plein après-midi, devenait, elle aussi, infernale.

Cette dernière était pourtant considérée comme de moindre importance. Le feu n’était pas vraiment un élément constitutif du monde, mais plutôt un principe transformant, alors que l’eau était la première source de l’univers, à l’origine de la terre et du ciel selon l’Enūma-Eliš[1].

Cependant, cette épreuve était bien plus spectaculaire. L’Éligible devait porter un lourd récipient contenant des charbons ardents jusqu’à la montagne en face du mont Tendurek. Ce deuxième cône volcanique à peine moins imposant était la montagne sacrée du dieu Enlil, le dieu du vent qui domine l’air et le ciel et qui, quelques siècles plus tard, deviendrait le roi des dieux. À vol d’oiseau, les deux cratères, celui de la montagne où se trouvaient la cité et le temple de Theshub et celui du temple d’Enlil semblaient proche. Mais le parcours pour s’y rendre était beaucoup plus long. Il descendait du côté opposé puis contournait les deux montagnes pour trouver le temple d’Enlil sur le flan en face du mont Ararat. Durant ce parcours, l’Éligible devait vaincre les entités échappées des forges de Gibil[2], le petit-fils d’Enlil. Ces Serviteurs du Feu s’interposeraient et tenteraient de dérober le feu que portait Pamba pour le ramener aux forges de leur maitre. La chaleur insupportable d’un jour sans nuages portait les prêtres à redouter un échec de l’Éligible. Après quelques accidents les années auparavant, cette partie du rituel de Reconnaissance avait été simplifiée. Les prêtres du temple de Teshub, responsables des rites de cette cérémonie, firent en sorte de la rendre plus sure. Ils remplacèrent les prêtres dans lesquels s’incarnaient les Serviteurs du Feu. Initialement choisis parmi les prêtres-combattants les plus forts de chaque tribu, on les substitua par de simples prisonniers de droit commun issus des prisons de chaque cité qu’on sélectionnait de plus en plus chétifs pour être sûr de voir l’Éligible gagner son combat sans être blessé gravement. Il faut dire que l’Éligible parcourait près de vingt kilomètres sans boire, transportant les charbons ardents en pleine chaleur, et pouvait donc avoir quelques difficultés à bien se battre malgré sa parfaite maitrise des arts du combat.

Sachant à quel point cette épreuve avait été facilitée, Pamba ne l’appréhendait pas vraiment, même avec une telle canicule. Au combat, il valait déjà un bon élève du plus haut niveau des classes des élèves lutteurs. Rares étaient ceux du commun, des simples mortels, capables de le dominer. De plus, les élèves, durant toute leur scolarité, s’entrainaient à courir des distances bien supérieures, même sous un soleil de plomb. Pamba ne redoutait pas combattre les transfuges, il ressentait surtout l’impatience de s’enivrer dans la course précédant l’affrontement. La course à pied, si dure fut-elle pour lui au début de son éducation, avait fini par devenir le moment de plus grande jouissance de ses années d’école. Là encore, il y fut contraint par des évènements qui marquèrent sa scolarité.

[1] Enūma eliš en akkadien=Enûma Elis en babylonien : Épopée de la création babylonienne et de l’ascension de Marduk. Elle s’ancre dans des origines plus anciennes dans des religions de Sumer, où l’eau reste l’élément principal à l’origine, du monde.

[2] Gibil : Déification du feu sous toutes ses formes, fils de Nusku et petit-fils d’Enlil.

ls de Nusku et petit-fils d’Enlil.

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