Mercredi 1 février 2064

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Enfin le bureau des Hypothèques, enfin je frappe à la bonne porte, mais le bureau est fermé. Le bureau voisin m’indique que les uns sont en stage et que les autres sont en réunion et que je peux prendre une place sur une chaise dans le couloir en attendant. On jette un œil tout de même sur la convocation que j’exhibe dans un mouvement de timide espérance. Le front de mon interlocuteur se plisse.

- Ce n’est pas le bureau des Hypothèques qui vous convoque !

- C’est pourtant bien ce qui est écrit, voyez-là, bureau des Hypothèques...

- C’est un document qui émane du bureau des Hypothèques à destination du bureau des Sommations. C’est écrit là, dans l’objet, bureau des Sommations, vous voyez ? Il est fermé aujourd’hui mais quelqu’un va vous recevoir, suivez-moi je vous prie.

J’ai suivi mon interlocuteur le long de ces interminables couloirs jusqu’à une salle d’attente exiguë, surmontée d’une petite lucarne, à peine éclairée. J’avais devant moi trois portes closes et parfaitement hermétiques quand bien-même je m’approchais, l’oreille tendue, pour distinguer derrière laquelle je pourrais peut-être surprendre le bruit assourdi d’une conversation.


- Vous avez des amis ?

- Oui, je…

- C’est bien d’avoir des amis.

- Oh, mais oui…

- Vous en avez combien ?

- Combien de…

- Combien d’amis ?

- Combien… A vrai dire, je n’ai jamais vraiment fait le compte.

- Ce qui serait bien, c’est vous puissiez m’en présenter quelques-uns

- Des amis ?

- Des amis, à vous, vos bons amis quoi !

- Vous voulez dire, que je vous les présente, à vous, ici, personnellement… ?

- Voyons Monsieur, nous ne sommes pas au club Mickey ici, ce n’est pas un thé dansant, c’est une administration, vous l’aurez remarqué. Je vais vous confier plusieurs formulaires que vous voudrez bien me retourner. Vous comprenez ?

Le gros personnage qui m’a reçu se gonflait puis se dégonflait comme un soufflet. C’est ce souffle un peu rauque que j’ai d’abord perçu venant du couloir tandis que j’attendais depuis une heure. Il y avait en plus de ce souffle inquiétant le bruit de ses semelles en caoutchouc qui faisaient à chacun de ses pas une sorte de crissement spongieux. Il passa devant moi sans mot dire, avec un petit sourire sucré, un peu comme la cerise confite que l’on dispose au sommet d’un choux pâtissier surmonté de chantilly. Il ouvrit la porte avant de s’asseoir dans un large fauteuil à accoudoir qui l’accueillit dans un râle de succion.

- Avez-vous jamais entendu parler du crédit social ? Si ? Hé bien, cher Monsieur, le vôtre est au plus bas ! C’est bien joli de faire dans la fantaisie charmante, votre association de sauvegarde du hanneton en a fait sourire plus d’un mais dans l’état de crise planétaire qui est le nôtre vous comprendrez bien qu’il faut donner un peu de sa personne. Vous êtes encore jeune. Vous n'avez pas connu l'Effondrement. Ce n'était pas une mince affaire, croyez-moi ! Il n'aura pas fallu plus d'un trimestre pour que les vérités du monde ancien s'écroulent les unes après les autres. Quand une civilisation conduit le monde au chaos, on change de civilisation. D’aucuns prétendent que nos méthodes sont radicales. Dans votre cas ça me fait doucement sourire : des hannetons ! Et quand bien même nous ferions preuve d’un peu de fermeté : radicalité, racines, c’est la même origine, n’est-ce pas ? Nous sommes purs et nous prenons les problèmes à la racine!

Pufff, pufff ! Il s’échauffait en parlant et la couleur de ses yeux virait du bleu gris au vert pâle. Mais il se détendit soudain pour remettre sur son visage ce gros sourire de bonbon confit.

- Vous percevez chaque un mois votre RBU. Ce revenu a beau être dit universel, il n’est pas versé sans contrepartie, vous le savez bien. Vous devez donc faire preuve de votre implication, ce sont les documents que vous ferez remplir par tous ceux qui voudront bien en attester.

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