Réflexions
Il est une chose qui m’étonnera toujours, les gens qui ne supportent pas les adaptations de romans au cinéma. Je ne comprends pas. Regardez bien les génériques, la plupart du temps, l’histoire que vous allez voir est tirée d’un roman, d’une nouvelle. Parce que le cinéma cristallise beaucoup d’arts et de sciences comme la photographie, la musique, la peinture, le théâtre, la littérature, la philosophie, la psychanalyse et j’en passe. Comme un condensé, un précipité pour la fabrication d’un parfum. Donc dire que le cinéma empêche l’imagination en proposant des images déjà toutes faites, c’est comme de dire que l’interprétation de Beethoven ne vaut que par Beethoven et personne d’autre. C’est comme d’affirmer que la lecture de bande-dessinées ne serait pas de la vraie lecture parce qu’il y a des images et que ça s’adresse à des enfants, ce qui d’ailleurs n’est plus vrai. Ça n’a juste pas de sens !
Il suffit de lire des analyses et des critiques de films pour s’en rendre compte, si tant est que le film que vous regardez ne soit pas un de ces navets qui vous prend par la main et est démonstratif à en mourir d’ennui. Je déteste ces films sans profondeur et sans âme. Déteste.
Tout le monde sait bien que la musique, classique ou pas d’ailleurs, n’est vivante que lorsqu’un autre interprète se l’approprie. Je me suis amusé à prendre un titre et d’en écouter toutes les reprises possibles et imaginables, c’est… fascinant ! Réellement fascinant !
Et pour la Bd, enfant, je me suis ramassé des calottes à plusieurs reprises parce que je dévorais des Bds et pas de la vraie littérature. Le dessin pour moi était presque une deuxième nature, imaginez l’impact qu’ont eu sur moi ce genre de punitions plutôt débiles. Et tout ça pour entendre, adulte, que ça demandait au cerveau une sacrée gymnastique que de corréler l’image et le texte pour faire sens, et que oui, c’est bien de la lecture en soit.
Pourquoi cette digression me direz-vous ? Parce que, dans la dèche et ne pouvant pas aller au cinéma, j’empruntais à la bibliothèque les livres dont étaient issus ces films. Plus tard, lorsque j’ai pu voir ces films, j’ai parfois relu ces bouquins. Bref, pendant un temps de ma vie, je n’ai eu de cesse de naviguer d’un médium à un autre, découvrant ainsi des richesses propres à chacun des deux arts, et leurs singularités. Le tout en écoutant des musiques assez pointues, intellectuelles disent certains, en découvrant plus tard la photographie, presque comme un prolongement du dessin et de la Bd. Et, petit à petit, la narration, le rythme narratif, tout ce monde encore un peu nébuleux pour moi s’est révélé. Je n’ai fait aucune école de quoi que ce soit, ma seule curiosité, insatiable et gourmande m’a mené là, et j’adore ce que je découvre petit à petit, j’adore, juste j’adore ! Encore ! Mais encore !
Et j’ai osé montrer mes premières photos, entendu les critiques et essayé d’en faire un quelque chose d’honnête ; j’ai osé commencer à écrire alors que chez moi la grammaire, l’orthographe, la syntaxe et tout le bordel derrière, m’est terrifiant de technicité que je ne maîtrise pas. Mais j’y suis allé, en faisant bourdes sur bourdes, en corrigeant ce qui pouvait l’être, mais en étant empêtré quand même dans une culpabilité de ne pas en savoir assez, de ne pas être à ma place, de jouer les imposteurs.
Et la pandémie.
Je regardais jusqu’à cinq films par jours, je lisais tout ce que je pouvais lire sur tel ou tel film, le comparais à tel autre, lisais le livre si je l’avais sous la main, et décidément non, je ne suis vraiment pas d’accord avec cette affirmation qui dit qu’un film réduirait le champ imaginatif. J’ai plein d’exemples prouvant, à mon sens, le contraire. Le dernier en date, l’adaptation par Steven Spielberg de ce monument du cinéma, West Side story. Regardez les deux versions. J’en reviens à Beethoven à ce moment-là. Le premier opus est somptueux, mais le deuxième aussi, et entre il y a toute l’histoire et les progrès du cinéma… mais aussi de notre société et de nos interrogations, et c’est réellement fascinant !
Alors si moi, je pouvais adapter un livre au cinéma, ce serait ma madeleine de Proust, mon premier souvenir de livre lu, appuyé contre un poteau dans une bibliothèque, oublié des autres et plongé dans un livre plus grand que moi, Little Nemo in Slumberland. Je rêve de m’offrir un jour tous ces bouquins ! Mais encore plus de pouvoir l’adapter sur grand écran. Je ne veux pas tomber dans les facilités de Steven Spielberg avec son Tintin (comme quoi), ni non plus dans celles qui prévalurent, à mon sens, dans l’adaptation de l’œuvre de Lorezzo Mattoti. Cette façon, parce qu’on s’adresse à un jeune public, de stroboscoper l’image. Un plan toutes les trois secondes, maximum. C’est proprement idiot ! Prenez le temps, bordel ! Et Little Nemo in Slumberland, parce que dans un monde de rêve ne pourra pas souffrir de ce traitement à la hache. Ni non plus être dans le sirupeux gnangnan. Le rythme de La tortue rouge, voilà. Ou des Triplettes de Belleville. Voire, le contemplatif zen de Ghost in the shell. Avec un cinéma en argentique, bidouillé à la Michel Gondry avec bizarrement cette référence en tête, ce clip pour ce titre-ci, Like a Rolling Stone des Rolling Stones.
Ou alors, une autre adaptation, plus punk celle-ci, de Spinoza encule Hegel. Un petit ouvrage écrit par Jean-Bernard Pouy et auquel je voue une vraie admiration, pour son écriture nerveuse et sans concession. J’adorerai fabriquer ces images ! Mais pas en cédant à une esthétique de fond d’aquarium mal lavé comme on le voit trop souvent dès qu’il s’agit de film post-apocalyptique. C’est cliché, cliché et encore cliché. Et d’un lourdingue ! Il y a mine de rien des touches de couleurs dans ce bouquin, presque du Jacques Demy, tout en délicatesse. Et je pense qu’il y a un vrai travail de photographie à faire avec celles-ci. Et je verrai bien des plans statiques, similaires à La poursuite impitoyable d’Arthur Penn, ce cinéma d’avant. Et pour autant bien poisseux.
Et un caprice, un film d’animation à partir des dessins de Tardi du Voyage au bout de la nuit. Parce que c’est ce livre, illustré par ce Monsieur, qui m’a permis de comprendre Céline, qui m’a permis de comprendre l’horreur de la Première Guerre mondiale. Donc caprice. Gros.
Mais ma vraie gourmandise, ce serait d’adapter À l’Est d’Éden en s’inspirant des photos d’Ansel Adams, comme Jim Jarmusch et son directeur de la photographie, Robby Müller, l’ont fait pour Dead Man.
Robby Müller ! La lumière et les couleurs de Robby Müller ! J’adore sa photographie à ce monsieur ! Il était juste extraordinaire ! Vous regarderez les films auxquels il a collaboré avec un autre œil désormais, j’en suis certain !
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