Nage avec les phoques
La semaine dernière, j’ai des amis du Sud qui sont venus me voir, sur la route de retour de leurs vacances dans les Côtes d’Armor. Le mardi 16 août, il ne faisait pas vraiment beau (pluie, crachin… non ne me dites pas un temps breton, ce n’est pas vrai, cet été il y a même eu des incendies en Bretagne !) et du coup, nous avons tous été à Océanopolis, l’océarium de Brest.
Visiblement, nous n’étions pas les seuls à avoir eu cette idée, c’était noir de monde. Les enfants que nous avions emmenés ont pu se glisser entre les adultes présents et ont bien pu profiter de cette visite. Pour nous, les adultes, ça a été un peu plus compliqué.
Trois attractions particulières m’ont marqué : les aquariums des hippocampes, ces animaux sont juste fascinants, on ne comprend pas comment la nature a pu créer de telles formes.. À la fois si fragiles et si étranges…. L’aquarium du Pavillon Bretagne avec les phoques veaux-marins, Phoca vitulina et le film concernant le continent antarctique avec notamment les phoques (toujours eux) vivant là-bas.
Je ne vais en fait vous parler que des phoques, car c’est bien d’eux qu’il s’agit. Voir nager ces animaux est tellement impressionnant. Comment avec quelques mouvements qui semblent minimes, ils arrivent à changer de direction brusquement et à accélérer de façon incroyable sous l’eau. Leur nage est juste magnifique. Ils semblent perpétuellement en train de s’amuser. Dans le film, on les voit jouer et nager dans des algues filamenteuses (dont je n’arrive pas à trouver le nom, ça m’énerve, même si ce n’est pas le propos de ce texte). Bref, j’ai été marqué par ces animaux.
Pile une semaine après, je me suis trouvé sur un Zodiac (un Zeppelin en fait), au large du Finistère, habillé d’une combinaison de plongée toute neuve, achetée pour l’occasion, en approche d’un îlot rocheux qui semblait couvert de rochers bizarres. Quand nous nous sommes approchés, une partie de ces « rochers » s’est jetée à l’eau. Il s’agissait d’une colonie de phoques gris, Halichoerus grypus. Il devait y en avoir une bonne vingtaine, voire une trentaine. Il fallait les voir avec leur tête de chien triste, sans oreilles, et d’une curiosité sans pareille.
Les consignes étaient simples : ne pas chercher le contact, juste les laisser venir et ne jamais essayer de les toucher. Une fois à l’eau, équipé de masque, tuba et palmes (et aussi de gants, l’eau n’était vraiment pas chaude), je me suis dirigé vers une zone avec pas trop de fond, de façon à pouvoir mieux les observer (c’est ce qu’on m’avait dit). En passant au-dessus d’un herbier, il y en avait 2 ou trois qui dormaient, posés sur le fond.
Au début, forcément, je me tourne dans tous les sens, pour essayer de les voir, de regarder de tous côtés pour voir où ils sont. Petit à petit, je me calme et me détends. Je bouge moins, quasiment assis dans l’eau avec juste le tuba qui dépasse (c’est mieux si on veut respirer, croyez-moi). Petit à petit, ils approchent. D’abord en passant vite, en me frôlant, en changeant de direction brutalement à un mètre de moi. Puis un (une ?) plus téméraire vient plus près, frotte son museau sur le bout d’une palme, se gratte le cou dessus.
À un moment, assis dans l’eau, l’extrémité de mes palmes sort de l’eau et j’ai un phoque qui s’en sert d’une sorte d’oreiller, la tête sort dans le « v » de l’extrémité. Cela dure de longues secondes, personne ne bouge. Je suis fasciné par ce contact. Il est à moins d’un mètre de moi. Plusieurs fois, il vient me donner des coups de museau contre les jambes, les cuisses, amicalement. Il essaye d’attraper une de mes palmes maladroitement avec ses nageoires griffues. C’est vraiment un instant magique. J’en oublierais presque de respirer.
Je suis venu chez lui, sans rien déranger, comme un invité et il m’accueille. Il vient me dire bonjour. Il m’étudie, il m’analyse. Je dois être sans danger pour lui parce qu’il reste, plusieurs minutes. Et puis, je fais un mouvement (sans doute un peu trop brusque) involontaire. Il est déjà parti.
Je me promène à nouveau dans l’herbier, lentement, avec le moins de gestes possible, essayant de me calquer sur leur économie de mouvements (mais moi, je reste en surface, je ne peux pas faire d’apnée durant 20 minutes, juste quelques secondes).
Il revient (est-ce le même ou un autre ? Je n’en sais rien …). Il s’approche, cherche à nouveau le contact avec l’extrémité des palmes. Remet son cou dans le V en la sortant de l’eau. De nouvelles longues minutes, il reste si proche de moi. Je pourrais le caresser, lui grattouiller le cou mais non, les consignes sont strictes. Ils sont chez eux, nous ne sommes que de passage.
Au bout d’une bonne heure et demie, j’ai vu que tous les autres plongeurs étaient remontés sur le bateau. Il a bien fallu rentrer.
Malgré le froid, le fait que j’ai bu un peu d’eau plusieurs fois - par manque d’habitude des changements de position quand on respire avec tuba -, ça a été un des plus beaux moments de ma vie. Ce contact avec des animaux sauvages, dans leur milieu, en les perturbant le moins possible, en les laissant venir a juste été extraordinaire. Je me suis senti vraiment comme un tout petit élément de ce grand tout qu’est la Nature, admiratif de la grâce et de la beauté de ces animaux qui m’avaient accueilli chez eux.
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