PROLOGUE

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 En ces temps-là, dans le royaume de Shamsen, se trouvait une femme. Elle était réputée pour sa beauté peu commune dans le pays. Pour une majorité de blonds aux yeux clairs et à la peau hâlée, ses cheveux noirs, ses yeux sombres et sa peau blanche, lui donnaient un charme exotique. Ses yeux bruns reflétaient sa sagesse acquise au cours du temps. Sa douceur et sa générosité touchaient le cœur des gens. Elle avait épousé un des généraux du roi et n'avait pas hésité à quitter sa patrie pour le suivre chez lui. Elle aimait son mari et il le lui rendait bien. Il lui avait donné, depuis cinq ans maintenant, deux beaux enfants, qui la comblaient de joie. Mais certains soirs, comme celui-là, ils mettaient ses nerfs à rude épreuve.

 « Les enfants ! Il est l'heure d'aller au lit ! »

 La petite Leïla s'accrocha à sa jambe et la regarda de ses yeux larmoyants.

 « Oh non, Umi* ! Pas déjà ! »

 Son frère tira sur sa robe avec insistance.

 « Raconte-nous une histoire, s'il te plaît. »

 Elle rit de leur attitude et leva ses mains en l'air, en signe de reddition.

 « Très bien, très bien ! J'abandonne ! Mais au lit d'abord et l'histoire ensuite ! »

 Ils crièrent de joie, tout excités, sautillant de droite à gauche dans leur petite chambre. Elle les calma et les aida à se coucher. Une fois bordés, la couette remontée sous leur menton, elle s'assied sur le fauteuil situé entre les deux petits lits.

 « Quelle histoire voulez-vous que je vous raconte ? »

 Leïla se redressa d'un bond.

 « Une histoire de princesses et de guerriers ! »

 Son frère s'offusqua immédiatement ! Il était hors de question qu'il entende encore une fois une histoire de princesse. C'était un futur grand guerrier, tout de même.

 « Ah non ! C'est nul les princesses ! »

 Leur mère se pencha vers eux en les regardant avec un sourire conspirateur.

 « Et si je vous racontais l'histoire d'une guerrière qui devient une princesse. »

 La petite était aux anges, mais le garçon bouda dans son lit, ses petits bras croisés sur son torse.

 « Oh oui, Umi !

 — Les princesses, c'est pas des guerriers. C'est nul d'abord. Et même qu'elles ne savent pas se battre ! »

 Sa mère l'ignora et commença son histoire.

 « Il était une fois, une jeune fille dont la beauté n'avait pas son pareil. Ses parents lui donnèrent le nom de Mulan, car sa peau était aussi douce et belle que la fleur dont elle portait le nom. Son père était un général de guerre très respecté ...

 — Comme papa !?

 — Oui, c'est exact, habibti** comme ton papa ! Donc, je disais, c'était la fille d'un général très respecté et c'était aussi son unique enfant. Souhaitant qu'elle sache se défendre et triste de n'avoir aucun fils à qui transmettre son héritage, il décida de l'initier à l'art du combat. Quand elle devint femme, il se dit qu'il était temps qu'il lui trouve un époux afin qu'elle puisse lui donner une descendance. Mais elle refusait de se marier, ne voulant pas le quitter, car il était très malade. Il insista tout de même pour qu'elle aille au moins chez la marieuse afin qu'elle lui trouve des partis qu'elle serait ensuite libre d'épouser ou non. Voulant lui faire plaisir, la jeune fille accepta. Mais cette visite tourna à la catastrophe. La conclusion s'imposa et on lui cria : « Tu as peut-être l'air d'une fille à marier, mais jamais tu ne feras honneur à ta famille ! » Même si cela ne la concernait pas pour tout de suite, cette nouvelle l'attrista beaucoup, car l'honneur était très important dans son pays.

 — Mais pourquoi ?

 — Et bien, pour la même raison qu'aujourd'hui. La famille se fera rejeter par la communauté. Aucun homme ne voudra épouser les filles et aucun des fils ne pourra faire carrière dans le métier de ses rêves. Tous les membres seront maudits sur plusieurs générations par leurs ancêtres et cela est une chose vraiment terrible, tu sais. »

 Leïla fit de gros yeux et le regard de Leith devint grave, attentif à ses paroles.

 « C'est pourquoi, vous deux, vous devez toujours veiller à ce que vos actes nous fassent honneur, c'est votre devoir ! Et ainsi vous vivrez heureux, vous et vos descendants ! »

  Ils la regardèrent, l'une sceptique, l'autre légèrement contrarié. Elle se demandait comment des gens morts et enterrés pouvaient agir aujourd'hui puisqu'ils sont morts, ils sont dans la terre et ne peuvent plus bouger.

Quant à lui, il espérait que son incorrigible jumelle ne ferait pas de folie parce qu'il rêvait de devenir officier et de servir son roi dans l'armée. Et il était hors de question qu'elle l'empêche de réaliser son rêve.

 Leur expression fit sourire leur mère.

 « Reprenons mon histoire. Rentrant à sa maison, le papa remarqua la triste mine de son enfant et tenta tant bien que mal de la réconforter. Mais des coups de tambours se firent entendre pour que tout le monde se rassemble sur la place du village. Ils y allèrent répondant à l'appel. Le conseiller impérial se tenait debout devant tout le monde et déclara d'une voix forte : « L'ennemi a envahi le pays par ordre de l'empereur, un homme de chaque famille devra rejoindre l'armée impériale ». Mulan, sachant son père malade et trop faible pour le combat, décida de prendre sa place. Elle se coupa les cheveux et revêtit son armure, elle scella ensuite son cheval et partit rejoindre l'armée. Pendant douze ans, elle se battit contre l'ennemi. Elle devint générale après s'être faite remarquer durant ses batailles. Elle était connue pour ses brillantes stratégies. Et en douze ans de guerre, personne ne se rendit compte qu'elle était en réalité une femme.

 — Elle est trop forte, Mulan ! »

 Leïla avait les yeux pétillants d'admiration, et même son frère dut admettre qu'elle était plutôt douée, pour une fille, évidemment. Leur mère poursuivit son histoire, amusée de leur réaction.

 « Tu as raison, elle était très forte. Mais un jour, un des officiers haut gradé l'a trahie. Il s'opposa à l'attaque contre l'ennemi, alors que le Premier ministre y était plutôt favorable. Quand le roi se rangea de cet avis, il en fut très jaloux. Alors, il décida de saboter l'attaque en donnant aux autres généraux une heure erronée au rendez-vous. Cette traîtrise mit en péril la vie de Mulan et celle du prince héritier présent dans les rangs de l'armée, avec qui elle était très amie. Après cet épisode, l'empereur transféra son autorité à son successeur, tout en continuant à exercer le pouvoir en coulisse. Ce dernier dut épouser l'héritière du royaume ennemi pour mettre fin à la guerre.

 — Mais Umi, et Mulan alors ? C'est pas elle qu'il a épousé ? »

 Leïla était triste. Elle n'aimait pas l'autre princesse. Elle voulait que ce soit Mulan qui se marie avec le prince.

 « Patience, j'y viens. Elle prit alors sa retraite et retourna vivre auprès de l'homme qui l'avait élevée. Elle ne demanda comme récompense qu'un cheval rapide pour le rejoindre au plus vite, et reprit l'ouvrage de tissage qu'elle avait abandonné pour partir en guerre. Mais le nouvel empereur l'aimait beaucoup et quand sa femme mourut, il décida de l'épouser. Elle devint alors l'impératrice la plus respectée et aimée de toute l'histoire du royaume. À sa mort, on lui organisa des funérailles accompagnées d'honneurs spéciaux. »

 Leïla avait les yeux pétillants de bonheur.

 « Moi aussi, quand je serai grande, je serai une guerrière comme elle ! »

 Sa mère la contredit gentiment.

 « Mais non, malayka***, la place d'une femme n'est pas sur le champ de bataille. »

 Elle bouda un peu et son frère ajouta son grain de sel.

 « Ouais parce que d'abord les filles, c'est des faibles !

 — Tu vas voir qui c'est qui est faible ! »

 Elle se jeta sur lui et ils commencèrent à se battre.

 « Umiiiiii ! Leïla, elle m'a mordu ! »

 Leith pleurait à présent, caché derrière les jupes de sa mère pour échapper aux coups de sa jumelle qui se tenait fièrement debout sur son lit, les mains sur les hanches, tel un capitaine sur son navire. Elle s'adressa à lui avec une voix de méchante.

 « Mouhaha ! C'est parce que je suis plus forte que toi d'abord. »

 Leur mère leva les yeux au ciel, habituée à assister à ce genre de scène depuis leur naissance.

 « Ça suffit, maintenant. Allez-vous coucher ! Le rôle d'une femme est de protéger et de prendre soin de sa progéniture, et, croyez-moi, cela demande beaucoup de force et de courage ! »

 Ils se calmèrent enfin et se couchèrent. Le père les rejoignit, alerté par le bruit qu'ils avaient fait. Leurs parents déposèrent un bisou sur chacun de leur front et ils finirent par s'endormir, bercés par la voix de leur mère qui leur chantait une chanson.

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*Umi : maman

**Habibti : ma chérie, ma puce

***Malayka : mon ange

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