24. Ashton 

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Entendre la voix de mon connard de frère gueuler sur ma copine m’a fait vriller. S’il s’était trouvé devant moi, il aurait pris mon poing dans la tronche. C’était quoi son foutu problème ? D’où s’est-il permis de s’emporter après elle ? M’a-t-elle menti sur leur relation ? Etait-il plus que son plan cul ? Ce sont les questions qui sont venues me hanter dès qu’elle a interrompu la visio. J’étais paumé, complètement largué. Sans compter que revoir sa gueule d’enfoiré venait de me retourner méchamment les tripes, en me rappelant que tous ceux que j’aimais finissaient par me tourner le dos. Toutefois, je n’étais pas prêt à la perdre. J’ai besoin de sa présence à mes côtés, bien plus que celle de n’importe quel membre de ma famille. Cette fille me complète à la perfection sur tous les plans. Plus je passe de temps avec elle et plus je redeviens celui que j’étais. Ce gars qui, malgré une vie totalement merdique, a tout fait pour s’en sortir en tirant son frangin dans son sillage, celui qui aurait dû monter sur les plus grands rings du monde. J’avoue, j’ai pris des risques pour y parvenir. Les combats underground n’étaient pas vraiment nécessaires, mais ils nous permettaient de bouffer et de payer nos frais de scolarité, ce qui comptait le plus à mes yeux. Survivre et poursuivre nos rêves, tel était mon credo jusqu’à ce putain de jour maudit. Mes démons remontent à la surface alors que les souvenirs se bousculent. Ma respiration se hache pendant que je me revois rendre coups pour coups à ce salopard et continuer alors qu’il est au sol. De plus en plus nerveux, je ferme et ouvre mes doigts avec de plus en plus de rapidité. Il faut que je me sorte ces connards de la tête et très vite, si possible, faute de quoi je risque d’aller démolir la porte de l’écurie à coup de poings.

Pense à Sav, à sa façon de te chevaucher.

Ouais, putain, qu’est-ce que c’était bon ! Mon esprit s’envole vers elle et mes muscles se détendent. Un sourire débile se dessine même sur ma tronche. D’ailleurs, il n’échappe pas à Kyle qui vient à ma rencontre, en se marrant, le con.

— Sérieux, ne me dis pas que tu l’as encore fait décoller !

— Je ne dis rien, alors.

— N’empêche que soit t’es sacrément accro, soit la jolie Savannah est un putain de bon coup. Je devrais peut-être tenter ma chance avec elle pour voir si elle me fait le même effet.

À cran devant ces conneries, j’empoigne son t-shirt et le ramène vers moi en tirant dessus d’un coup sec. D’un regard menaçant, je le jauge pour lui faire comprendre qu’il a plutôt intérêt à retenir ce que je vais lui sortir.

— Si tu t’approches d’elle, je te refais le portrait, pote ou pas, compris ?

Plutôt que de l’effrayer, je l’amuse. Il se bidonne autant qu’il peut.

— Elle t’a vraiment piqué, hein ?

Non, c’est pire que ça, elle a carrément marqué ses initiales au fer rouge dans mon âme et mon cœur. 

— Ouais, soufflé-je en le relâchant.

— Je vais te dire un truc, mon pote. Ne le prends pas mal, hein ? Mais t’es beaucoup mieux avec elle qu’avec Harper. Quand tu t’es mis avec ton ex, je me suis demandé ce que tu branlais, vous êtes bien trop différents tous les deux pour que ça puisse coller, alors qu’avec Sav, vous vous complétez à la perfection.

À qui le dit-il ? J’ai parfaitement conscience de tout ça.

— Il n’y a jamais rien eu de concret entre Harper et moi. Elle m’aidait à tuer le temps, c’est tout. Et encore, il faut le dire super vite, madame veut attendre le mariage pour se faire dépuceler.

— T’es sérieux ? 

Il hallucine clairement.

— Et ouais, mon pote. Je me suis fais chier tout le temps que j’étais avec elle et je peux t’assurer que ma main droite a été ma meilleure pote un sacré moment.

On éclate de rire à l’unisson.

— Je peux rire avec vous ?

Cette voix, je la connais déjà par cœur. Elle résonne en moi comme aucune autre. Je me tourne vers Sav qui attend nos explications et je franchis les quelques pas qui nous séparent pour glisser mon bras autour de ses épaules. Même si ça la met encore mal à l’aise que nous nous affichions ensemble ici, je m’en tape carrément. Je n’ai qu’un seul désir, que tous sachent qu’on est ensemble et qu’elle me rend heureux comme personne.

— Maintenant, t’as plus besoin de ta meilleure pote, me chambre Kyle en me lançant un clin d’œil.

— Non, j’ai trouvé bien mieux, répliqué-je, avant de poser un baiser sur les cheveux de ma rouquine.

Elle me repousse légèrement afin de pouvoir mieux m’observer. La ride qui se dessine au-dessus de son nez la rend terriblement craquante.

— Mais de quoi vous parlez ? C’est qui ta meilleure pote ? 

Kyle et moi explosons de rire devant son ignorance.

— Il parle de ma main, glissé-je au creux de son oreille. 

Je vois l’instant où ça fait tilt dans son cerveau et, à son tour, elle se marre. Le son qui quitte ses lèvres est la plus belle mélodie que je n’ai jamais entendue. Qu’on me rappelle pour quelles raisons je n’ai jamais voulu tomber amoureux jusqu’à ce que ça me dégringole sur le coin de la tronche ? Même pas besoin de répondre, je n’ai aucune envie de me souvenir. Peu importe mon passé, ce qui compte désormais c’est mon présent et mon futur avec elle près de moi.  Je veux voir beaucoup plus loin que ma condamnation, croire que j’ai le droit à une seconde chance et celui d’aimer sans avoir peur de me faire rejeter.

— Et si on allait s’occuper de Star ? me questionne ma rouquine.

— Ouais, allons- y.

Alors qu’on avance vers les écuries, j’entends Kyle me héler. 

— Elle a bien dit de Star, hein, pas d’elle !

À sa feinte, ce con se bidonne dans notre dos. En guise de réponse, je dresse mon majeur dans sa direction. 

Arrivés dans les écuries, j’attire Sav contre moi. On vient peut-être tout juste de s’envoyer en l’air, mais je suis bien trop friand de ses baisers pour ne pas en profiter dès que l’occasion se présente. Celui-ci est doux, tendre, plein de sensualité. À travers lui, j’essaie de lui déclarer ce que je ressens pour elle. Ces trois mots qui n’ont pas encore réussi à franchir mes lèvres, mais qui les brûlent de plus en plus souvent. 

Son front contre le mien, elle me sourit timidement. Ses joues légèrement rougies la rendent magnifique. Je fonds carrément devant cette beauté volcanique et me noie dans son regard qui en dit tellement long quand on prend le temps de la découvrir. Il me faut plusieurs longues secondes pour réussir à m’extraire de cet océan paradisiaque. Jamais personne ne m’a regardé avec une telle intensité. Et, putain, que c’est bon de se sentir important pour au moins quelqu’un sur cette foutue planète. 

— On devrait aller panser Star, soufflé-je histoire de me sortir de cet envoûtement.

— Oui, on devrait…

À sa manière de me répondre, je n’ai aucun doute, elle est très bien, là, tout contre moi. Toutefois, si Nills se pointe et nous trouve les mains dans les poches ou plutôt ma langue dans  sa bouche  comme j’en crève d’envie, il n'appréciera pas du tout. Je me fous une bonne claque mentale afin de me bouger. Ce soir, quand on sera tous les deux, je pourrais à nouveau l’aimer comme elle le mérite. 

D’un pas en arrière, je me détache d’elle, puis me tourne lentement vers le fond de l’écurie où sont rangés les accessoires de pansage. Notre rupture visuelle m’aide à y voir plus clair sur les tâches de la journée que j’ai encore à accomplir.

— Attends-moi devant son box, je vais chercher ce qu’il nous faut.

Quand je reviens, je crois rêver tant la scène est hallucinante. Ma jolie rouquine se trouve dans le box et caresse le cheval, tout en lui parlant d’une voix paisible. Si je ne la connaissais pas, rien ne pourrait me laisser imaginer qu’elle avait une véritable phobie à son arrivée. Elle a fait de sacrés progrès pour être si à l’aise avec Star. Certes, c’est avec lui que Kyle l’a fait travailler pour affronter ses peurs, mais je ne pensais pas qu’elle puisse être désormais aussi détendue en présence de l’animal. Je reste quelques secondes figé à la contempler jusqu’à ce qu’elle se rende compte de ma présence et se tourne vers moi. D’un simple sourire, elle me met K.O. Putain, je suis totalement et irréversiblement amoureux d’elle.

— Tu me montres, cow-boy, ce que je dois faire ?

Cow-boy ? C’est nouveau ça ? Je suis pourtant loin d’en être un. N’empêche que ça me fait marrer d’entendre ce surnom. Amusé, j’avance vers elle et lui tends le licol tout en lui expliquant comment le mettre. Elle grogne à plus d’une reprise alors qu’elle ne parvient pas à lui passer le muserolle et moi comme, un con, au lieu de l’aider, je la taquine sur son inexpérience. J’adore la chercher et surtout la trouver. D’ailleurs, comme à chaque fois, elle ne tarde pas à réagir et j’ai droit à un regard meurtrier. 

— T’as pas bientôt fini de te foutre de moi ? grince-t-elle. Tu crois qu’on a que ça à foutre ?

— Pour le moment, oui. Mais, si t’as une meilleure idée pour tuer le temps, je suis tout ouïe, princesse.

— Il y a beaucoup de moyens de tuer le temps, mais il y en a un que je préfère par-dessus tout.

Elle n’a pas besoin de me faire un dessin pour que je sache de quoi il en retourne, sa moue coquine me l’exprime clairement.

— Tu n’es jamais rassasiée, rouquine ?

— Tu l’es, toi ?

D’un bras autour de sa taille, je l’attire contre moi, avant de lui répondre.

— Jamais avec toi.

Un large sourire illumine ses traits.

— Je t’…

D’un doigt sur sa sublime bouche, je la fais taire. Je refuse d’entendre ces mots pour le moment. Je ne suis pas prêt, je n’ai pas oublié que tous ceux qui m’ont dit m’aimer m’ont lâché comme une merde.

— Ne dis pas ça. 

Elle arque un sourcil, plus que surprise, puis retire son doigt de ma bouche après y avoir déposé un léger baiser.

— Je ne sais pas ce que tu as cru, mais je voulais te dire que je t’adore. Pour le reste, je ne suis pas encore prête. J’ai encore trop peur des conséquences.

Comme moi, malgré ce lien évident qui nous unit, elle n’est pas prête à se jeter à corps perdu dans notre relation. Je ne lui en veux pas, bien au contraire, je suis certainement le seul à la comprendre comme personne. Peut-être qu’un jour, elle et moi parviendrons à nous affranchir de nos craintes. Elle l’a bien fait en surmontant sa plus grande phobie, alors pourquoi n’y arriverons-nous pas ? 

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