35. Savannah 

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Depuis la semaine dernière, je n’ai pas revu Ash. La crève que je me suis chopée m’a bien servie dans un sens, même si je n’ai pas quitté mon lit pendant cinq jours. Callie m’a dit qu’il s’était pointé à la salle de boxe à la dernière séance. Heureusement pour moi, j’ai eu mal à la tête en plein milieu d’après-midi et je suis rentrée me coucher. Aujourd’hui, je vais y aller. Surtout pour Kurt qui n’arrête pas de me le demander. Il m’a promis que je ne tomberai pas sur mon ex, alors me voilà dans les vestiaires en train de me changer. J’entends les autres filles jaser sur le dos de mon ex en gloussant comme des dindes.

— S’il est là, je vous assure que je ne rentrerais pas de cette séance toute seule, laisse échapper l’une d’entre elles.

Je pivote dans leur direction pour savoir qui vient d’éveiller ma jalousie en parlant de la sorte. Un léger coup dans mon épaule me ramène vers Callie. Elle m’observe avec une drôle de moue, celle qu’elle arbore quand elle se soucie de quelqu’un.

— Ça n’arrivera pas, chuchote ma meilleure amie pour que ces filles ne puissent pas l’entendre. La semaine dernière, il semblait vraiment déçu de ne pas te voir. 

Je hausse les épaules. Même si c’est vrai, il est désormais libre et s’il veut coucher avec l’une de ces greluches, qu’il le fasse. De toute façon, j’ai Kurt. Enfin, on ne sort pas ensemble, cependant il est là pour moi et attend que je me décide, enfin, à lui laisser une chance. Pourtant, imaginer Ashton avec une autre me comprime la poitrine. Je sais, c’est contradictoire. 

— Bon, allez, t’es prête ? On y va ?

L’enthousiasme avec lequel elle me pose les questions me met de bonne humeur. On passe les portes avant ces pétasses qui continuent à fantasmer sur Ash. Grand bien leur fasse ! 

Je suis à peine arrivée dans la salle que Kurt vient à ma rencontre. Il vérifie que mes bandes sont bien posées avant de m’entraîner avec lui un peu plus loin. La séance commence par un échauffement pour me mettre en condition. Puis, je donne quelques coups rapides sur une poire de boxe, avant de me diriger vers les sacs de frappe. Mon poing droit part, puis le gauche, avant que je ne sois perturbée par des picotements dans ma nuque. Machinalement, j’y porte ma main et frotte pour faire partir cette drôle de sensation. Une montagne de muscles se blottit dans mon dos. Je n’ai pas besoin de me retourner pour comprendre qui s’y trouve. La chaleur qui vient de s’emparer de mon organisme s’avère suffisante pour que je le devine. Je retiens mon souffle en attendant de savoir ce qu’il veut. En prenant tout son temps, il laisse glisser ses doigts jusqu'à mes poignets qu’il replace à sa guise. Ma peau se recouvre de chair de poule. Mon pouls s’affole. Il faut que je réagisse avant de devenir un pantin de bois entre ses mains.

— Tes poings étaient mal placés, me susurre-t-il.

Sa voix rauque me fait frémir. Je déglutis difficilement alors qu’il presse un peu plus son corps contre le mien. Il me laisse sentir plusieurs secondes à quel point il me désire à travers sa queue tendue entre mes fesses.

— Je crois que je suis mal, maintenant, murmure-t-il en laissant son souffle remonter le long de mon cou.

— La faute à qui, hein ? 

Je passe la tête par-dessus mon épaule pour lui montrer tout mon ressentiment à son égard. 

— T’as vraiment l’air furax après moi, princesse ?

Cette fois, je me retourne carrément pour l’affronter. Non, mais il se prend pour qui pour m’affubler à nouveau de ce surnom ? La dernière fois qu’il l’a prononcé, c’était pour le vomir. Je me souviens très bien de ce regard rempli de dégoût qu’il m’a lancé. 

— Ne m’appelle plus jamais « princesse », Davis ! craché-je.

— Tu préfères quoi ? Rouquine, peut-être ?

Je secoue la tête, totalement sidérée. 

— Ce que je préfère ? Que tu me foutes la paix comme ces cinq derniers mois ?

Son regard s’assombrit et il déglutit difficilement. Sans que je ne sache pourquoi, mes mots semblent l’avoir touché bien plus que je ne le concevais. D’un pas, il franchit la courte distance que j’avais instaurée entre nous pour venir me jauger de toute sa hauteur.

— Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu après ton départ, alors ne t’amuses pas à ça, princesse !

De mes deux poings sur son torse, je le repousse. 

— T’as vraiment envie de jouer à ça ? Me repousser comme tu viens de le faire ?

— Je veux surtout que tu disparaisses de ma vie.

Il hoche la tête, sans me lâcher du regard.

— Si c’est vraiment ce que tu veux, j’ai un dernier deal à te proposer.

Exaspérée, je souffle, puis l’invite d’un signe du menton à poursuivre.

— Viens avec moi sur le ring, si tu arrives à me mettre un coup, je te fous la paix. Dans le cas contraire, ne compte pas sur moi pour abandonner

— C’est mal me connaître, Davis. Rappelle-toi que j’ai déjà réussi à te foutre à terre.

Un sourire ravageur étire ses lèvres alors qu’il doit se souvenir de cet épisode. 

— Ce jour-là, tu m’as eu par surprise, m’avoue-t-il en retrouvant son air sérieux. Je ne me laisserai plus avoir.

Feintant le je-m’en-foutisme, je hausse les épaules, puis me dirige vers le ring. Alors que je grimpe dessus, je vois Kurt retenir le beau brun, qui, malgré tout, a su conserver un effet indéniable sur ma libido. Ce serait mentir que de dire que j’y suis insensible, mais je reste bien trop en colère pour pouvoir lui laisser la moindre chance. 

— Je t’ai déjà prévenu qu’elle n’était pas pour toi ! tonne Ash. Maintenant, dégage de mon chemin, putain !

J’ignore ce que lui a dit Kurt, mais ça n’a vraiment pas dû lui plaire pour qu’il réagisse avec autant de hargne. Un silence de plomb vient de tomber sur la salle et tous se tournent vers les deux mecs qui se toisent. Ash secoue la tête, puis saute sur le ring avec agilité et passe les cordes avec souplesse. Jamie lui tend une paire de gants dont il se saisit. Il vient ensuite vers moi pour que je les enfile. Son regard s’accroche au mien et ne le quitte plus. Troublée par ce que je peux y lire, j’ai toutes les peines du monde à glisser mes mains à l’intérieur.

— T’as deux minutes pour me toucher, princesse. Cette partie-là – il désigne l’emplacement de son sexe – ne compte pas. Un seul coup ici – cette fois, il me montre son visage et ses côtes – et tu n’entends plus jamais parler de moi.

D’un mouvement de la tête, je lui laisse savoir que j’ai bien saisi. 

Une cloche retentit pour annoncer le début de la partie. Le sourire d’Ashton me perturbe. Comment croit-il que je vais réussir à lui mettre un coup s’il met tout en œuvre pour me séduire ?

— Tu peux arrêter de sourire pour que je puisse me concentrer, grogné-je.

Forcément, j’obtiens l’effet inverse. Monsieur sourit encore plus. Je n’ai plus qu’une envie, le lui faire ravaler. Alors, je m’élance sur lui, sans même écouter les conseils de Kurt qui me dit d’observer mon adversaire, Ashton esquive sans mal mon poing et éclate de rire en me voyant me réceptionner dans les cordes.Hors de moi qu’il puisse se foutre de moi, je me jette sur lui. Droite, gauche. Gauche, droite. Il arrête chacun de mes coups sans fournir le moindre effort. J’accélère la cadence, mais le résultat reste le même. Je m’épuise de plus en plus tandis que lui semble réellement amusé. Mes bras me brûlent comme jamais. Je ne vais jamais pouvoir l’atteindre.

— C’est tout ce que t’as dans le ventre, princesse ? demande-t-il alors que je suis obligée de ralentir la cadence.

Ce surnom, je ne peux plus le blairer. Hargneuse qu’il puisse encore l’utiliser, je me rue sur lui avec rage. Au moment où je pense pouvoir le toucher, il me soulève comme une plume en m’attrapant par la taille. Fulminante, je peste et me débats pour qu’il me relâche.

— T’es qu’un tricheur, Davis ! explosé-je quand il me repose enfin au sol tout en me maintenant contre lui, face contre face. 

— Tous les coups sont permis, rouquine ! m’annonce-t-il, espiègle. Même celui-ci…

Je n’ai pas le temps de réaliser où il veut en venir qu’il me vole un baiser sur les lèvres, avant de bondir en arrière pour s’écarter de moi. Pourquoi il a fait ça ? Mon traître de cœur, lui, n'en a rien à foutre du pourquoi, du comment, il en veut encore plus. Sonnée, je perds plusieurs secondes à me remettre. Quand je me sens enfin prête à me relancer dans le combat, la cloche retentit pour nous annoncer la fin du temps imparti. Victorieux, Ashton lève les bras et salue son public féminin qui n’a pas capté l’enjeu qui se jouait entre lui et moi. Elles se comportent comme des dindes à glousser devant lui. Et moi, je reste en retrait avec la rage pour seule compagnie. Hors de moi, je balance avec force mes gants sur le sol. 

Pendant qu’il continue à faire son intéressant devant ces filles qui bavent sur lui, je ferme les yeux. J’inspire et expire lentement en bloquant ma respiration entre chaque mouvement des poumons, comme la mère de Callie me l’a appris lors de mes crises d’angoisse. 

Au moment où je m’y attends le moins, un corps massif vient se blottir contre le mien. Je n’ai pas besoin d'ouvrir les paupières pour en connaître le propriétaire. Même aveugle, je le reconnaîtrai entre mille.

— Tu n’es pas prête de te débarrasser de moi à présent, rouquine !

Outrée par son comportement de parfait connard, je le repousse avec force et lui donne une claque magistrale. 

— Va te faire foutre ! Tu n’obtiendras plus rien de moi !

— T’es sûre de toi, Savannah ? demande-t-il tout en se passant la main sur sa joue.

Je ne lui avouerai jamais, mais sa voix rauque parvient à enflammer chacune de mes cellules. Il me dévisage, attentif à chacune de mes mimiques. J’ignore ce qu’il voit, toutefois un sourire satisfait étire ses lèvres. L’instant suivant, il est à nouveau contre moi. Son pouce frôle mes lèvres, puis descend le long de ma mâchoire, de mon cou, avant de poursuivre vers la naissance de mes seins.

— Allez prendre une chambre, sérieux ! On est dans une salle de boxe ici ! entendons-nous.

Ash éclate de rire. 

— Tu vois, je ne suis pas le seul à penser que je te fais encore de l’effet.

— T’es qu’un connard, Davis ! T’as rien capté ! Il n’y aura plus rien entre nous, parce que je te déteste ! 

Je le repousse et il recule d’un pas.

— Je te déteste parce tu ne m’as pas fait confiance.

Mes souvenirs me submergent et je me noie sous eux. De colère, de rage et de désespoir, je martèle son torse de mes poings.

— Je te déteste, parce que tu m’as tourné le dos pour aller te réfugier dans les bras de Harper. Je t’avais confié mon cœur qui n’était déjà pas en bon état. J’ai cru que tu le réparais, mais en vérité, tu as juste voulu en faire de la charpie à la première occasion.

Des larmes perlent sur mes joues, incapable de les retenir plus longtemps. 

— Écoute, Savannah. Je sais que…

— Non, c’est toi qui dois m’écouter, parce que la dernière fois, tu n’as pas su le faire !. 

Je lui donne un gros coup dans sa poitrine pour qu’il saisisse que je ne plaisante pas, que je veux qu’il m’entende jusqu’au bout, qu’il comprenne combien il m’a fait mal. Combien je me suis sentie humiliée et désemparée devant sa réaction. Qu’il réalise le nombre de nuits où je l’ai pleuré. Et pendant que je lui livre tout ce que j’ai sur le cœur, tout ce qui m’a fait mal à en crever, je donne des coups de plus en plus rapide contre son torse. Il ne bouge pas, attendant certainement que j’en finisse. À la fin de ma longue tirade, il enroule ses doigts autour de mes poignets et m’attire contre lui.

 — Je suis tellement désolé, Savannah. S’il te plaît, mon amour, pardonne-moi d’avoir été un tel connard. 

— J’aimerais pouvoir, mais c’est impossible. Tu m’as fait trop mal. 

Il ferme les yeux et déglutit difficilement. Au moment où il les ouvre, son regard a changé, il s’est voilé de tristesse. Sans un mot, il défait lentement son étreinte, puis quitte le ring. Mon cœur se brise une seconde fois en me rendant compte qu’il vient de cesser de se battre. 

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