le temps béni
de
Christian David

La phrase sans verbe, obsession du maître, rature sur ma copie et jugement sans appel : le « moins un » dans la marge. Ma punition : cent fois à l’écrit : « absence de verbe égal pauvreté de l’écrit, signe d’un esprit simple »
Oh ! la mesquinerie de ce hussard des ténèbres de malheur et ses vieux livres de grammaire ! Marre de la troisième République !
Et lui ? l’homme-siècle, pas de centaines de lignes après ça ? :
« Pas un souffle, pas un flot, pas un bruit. À perte de vue, la mer déserte. Aucune voile d’aucun côté».
Voilà le nouveau combat de mon esprit avide de liberté: la guerre au verbe, ce dictateur de la grammaire, ce castrateur de la création. Vive la confusion identitaire « mais qui donc? », vive l’anarchie temporelle: adieu le passé, jamais de futur.
Au commencement non le verbe selon Saint Jean, mais la parole, le logos grec, le discours : des feux d’artifices de mots, des bordées de points d’exclamation , des volées de points d’interrogation.
À moi les phrases façon Tirade de Bergerac :
Agressive : « Moi ! Monsieur ! Jamais le verbe haut le matin !»
Amicale : « Ah ! mon amie, quelle sottise, cet exercice averbal » Souvenir de Diderot à Sophie
Descriptive : « ce verbe en conjugaison, tout dans l'action »
Historique : « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace »
Didascalique (de mon invention…) : « près de la servante, ses yeux dans le décolleté, la langue pendante »
Rappel à l'ordre brutal d'un coup de règle en fer sur les doigts. Triste réalité de mon éducation.
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Le temps béni | Chapitre | 16 messages | 1 an |
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