Epilogue
Il ouvrit les yeux. Il se trouvait dans son lit. Le même appartement. Les mêmes murs.
Mais lui, il n’était plus le même. Le monde avait retrouvé sa banalité. Les bruits de la ville, les notifications, le frigo presque vide… Mais quelque chose avait changé en lui. Son cœur battait autrement.
Il se rendit au bureau le matin même. Il prit le même ascenseur, le même couloir et se rendit dans le même poste de travail. Mais cette fois, il n’alluma pas son écran. Il se dirigea droit dans le bureau du patron. Il ouvrit la porte sans taper.
— Mais Thomas… Que diab…
Il déposa une lettre sur le vieux bureau en chêne. Il posa un regard sur le vieil homme, juste un regard calme et quelques mots :
— Je reprends ma vie.
Puis il sortit sans explication, ni colère. Aucun de ses collègues ne comprit. Certains l’avaient observé avec gêne, d’autres, avec une forme de respect silencieux. Mais il n’attendait pas leur approbation.
Dehors, le ciel était gris. Mais il y avait de la lumière. Il erra un moment, il voulait marcher, sans but. Laisser ses pas décider. Et puis, au détour d’une petite rue, il aperçut une vieille boutique coincée entre deux immeubles, qu’il n’avait jamais vu auparavant. La vitrine était un peu poussiéreuse et une affiche manuscrite s’y trouvait scotchée de travers :
« Cherche illustrateur. Rêveur bienvenu. »
Thomas sourit. Il entra. L’intérieur sentait le bois, le papier ancien, et le thé à la menthe. Derrière le comptoir, une femme aux cheveux blancs et au regard bienveillant l’accueillit comme si elle l’attendait depuis toujours :
— Vous savez dessiner ?
— Un peu, oui.
— Dites-moi, jeune homme… Vous avez souffert ?
— Ça m’est arrivé, oui.
Elle ne lui demanda pas de CV. Seulement de rester. Et c’est ce qu’il fit.
Les semaines avaient passé. Thomas dessinait. De temps à autre, il classait des albums ou conseillait des clients. Ici, dans cette boutique, la vie était simple, tranquille.
Il se sentait enfin vivant.
Puis, vint l’hiver. Ce matin-là, la neige commençait à tomber, comme si le monde, lui aussi, voulait tout recommencer. La clochette tinta. Debout devant le comptoir, il releva la tête. Elle venait d’entrer. Les cheveux cuivrés de la jeune femme brillaient entre l’or et l’ambre. Ses yeux noisette reflétaient un vert subtil. Son manteau trop grand semblait vouloir la cacher du monde. Mais ses yeux s’ouvraient déjà à lui.
Thomas se figea. Son cœur manqua un battement.
Elle s’approcha, souriante :
— Bonjour… Je cherche un livre… C’est pour mon neveu. Il aime les histoires étranges, avec des planètes ou des monstres gentils.
Thomas restait interdit. Ses pensées virevoltaient dans son esprit.
"Adia…"
— Tout va bien ?
Il se reprit :
— Oui, bien sûr... Je vais vous aider à trouver ça.
Ils passèrent de longues minutes à explorer les rayons, à feuilleter des albums, à sourire devant des couvertures aux couleurs vives ou des titres étranges. Ensemble, ils cherchèrent le livre parfait, celui qui ferait briller les yeux d’un neveu curieux.
Et puis ils le trouvèrent. La jeune femme le serra contre elle comme un trésor. Son visage s’illumina :
— C’est super, il va l'adorer….
Un peu émue, elle leva les yeux vers Thomas :
— Comment je pourrais vous remercier ?
Il tenta de percer le mystère de son regard, puis, avec un sourire à mi-chemin entre l’audace et la pudeur, il répondit :
— En acceptant de boire un café avec moi ?
Elle parut surprise, juste une seconde. Puis ses traits s’adoucirent, et elle tendit sa main :
— Avec plaisir.
Il la saisit, doucement :
— Je m'appelle Thomas.
Elle le regarda étrangement avant de répondre dans un sourire qui ouvrait une nouvelle page :
— Enchantée, Thomas. Je suis Aïda.
Annotations
Versions