Je ne suis qu'un arbre
je t’ai vu arriver. Tu étais pieds nus et tu grimpais la colline avec peine. Tu me fixais avec un seul but, moi. Tu te préparais à cette rencontre, assoiffé. Moi aussi. Je t’observais, je savais ce que tu venais chercher, mais je savais ce que je pouvais te donner.
Tu es arrivé. Tu as tourné autour de moi, en me caressant, comme on effleure le dernier espoir. J’ai soupiré. Comprendras-tu ?
Comprendras-tu que je ne suis qu’un arbre, j’ai le pied dans la terre, la tête au ciel. Tu peux venir contre moi, mais je ne suis pas ta mère nourricière, je ne suis qu’un végétal. J’ai les pieds captant la sève, les cimes le soleil. Je ne peux pas te nourrir ou alors qu’une fois par an, tu pourras goûter de mon fruit.
Je te reçois, je te donne ce que je peux te donner, un peu d’énergie. Tu peux t’immiscer sous mon écorce, tu peux étreindre mon tronc, tu peux monter dans ma ramure, tu peux observer quelles sont mes doutes dans les toutes petites brindilles qui s’élancent vers le ciel.
Je te laisserai même glisser le long de mes racines. Je te permettrai de découvrir de quelle semence se nourrissent mes radicelles. Mais au-delà de ça, je ne suis qu’un arbre, je n’ai pas de mamelles, je ne pourrai pas t’abreuver .
Accepte-moi. Tu peux venir te protéger quand le soleil te brûle. Tu peux venir te coller à mon tronc quand la pluie est trop ardue. Mais n’oublie pas : je ne suis qu’un arbre, j’ai mes hivers, j’ai mes printemps. Tu ne peux que les suivre et les accepter.
Je ne suis qu’un arbre, je ne suis pas ta mère nourricière. Je te laisse monter à mes branches comme un enfant. Je ris tendrement de te voir t’extasier d’avoir la tête hors de ma cime, fier de me dépasser. Regarderas-tu encore plus haut, au-delà de moi, l’immensité du ciel.
Tu seras venu t’abriter sous ma ramure, le temps de soigner tes plaies, le temps d’un été. Tu partiras déçu ou compréhensif. Je t’aurai donné tout ce qu’un arbre peut donner, un peu de sève, un peu de soleil.
Ne m’en veux pas ! je ne suis qu’un lien entre le ciel et la terre parmi beaucoup d’autres. Reçois-moi, comme ça.
Moi, je serai contente de te voir courir vers d’autres cieux, le cœur plus léger, même si je sais que je ne t’entendrai plus.

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