Chapitre 12 (2/5)

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Jamais une arme n’avait un jour été pointée sur moi. Si ça avait été le cas, je ne serais plus là pour en témoigner. J’espérais ne jamais voir une Arracheuse en action. La rumeur disait que c’était ultra douloureux. Normal, cette arme donnait la mort, la destruction de l’âme, sans retour en arrière possible.

Les secondes s’étiraient, interminables, alors que la R.D.Â. se déplaçait à travers la pièce. L’un des hommes passa à côté de moi. Je n'avais pas réalisé que je retenais mon souffle depuis un moment.

Quand il s’éloigna, je poussai un soupir silencieux. Trois des agents étaient maintenant autour de Vilenia et l’observaient comme une bête curieuse. Je ne l’avais jamais vu aussi pâle.

— On la tient, fit une voix grave, robotique.

L’un d’eux la saisit par le col et la souleva d’un seul bras, comme si elle n’était qu’une vulgaire poupée de chiffon. Ses cheveux noirs étaient coincés dans sa main ferme.

— Lâchez-moi ! hurla-t-elle, sa voix vibrante de colère et de terreur.

Je jetai un coup d’œil furtif vers Melvin, assis quelques rangées derrière elle. Son visage ne trahissait aucune émotion. Son regard croisa le mien, froid, distant. Pas le moindre signe d’inquiétude. Rien. Je fouillais ses yeux, y cherchais une réponse, mais il n’y avait que le vide. Puis, il tourna le visage.

— Calme-toi et viens sans faire d’histoire, ordonna l’un des hommes de la R.D.Â.

Vilenia ne se laissait pas faire. De toutes ses forces, elle se débattait, comme s’il y avait le moindre espoir de s’échapper. La R.D.Â. la traîna entre les rangs. Quand elle passa près de moi, mon regard croisa celui de mon amie. Des yeux implorants, un souffle coupé, un instant suspendu. Elle avait compris, je le savais. Elle avait saisi que j’étais comme elle. Que mon âme était aussi défectueuse que la sienne. Un souffle de résignation échappa de ses lèvres. Finalement, la pression se relâcha et elle se laissa entraîner, acceptant son destin.

Dans sa chute, toutes mes réponses s’envolaient avec elle.

Si j’avais su qu’elle était une fraude, j’aurais pu aller la voir. Ensemble, nous aurions pu trouver une solution. Peut-être que son destin aurait connu le même sort, mais au moins, nous aurions pu essayer. Ma culpabilité grandissait en moi, résultat de mon incapacité.

Mon regard traîna une nouvelle fois sur Melvin. Il devait connaître son secret. C’était obligé. Mais alors… Est-ce qu’il l’avait trahie ? Était-ce lui qui l’avait dénoncée ?

Autour de nous, le silence se faisait lourd, étouffant. Aucun élève n’osait cligner des yeux. Nous étions tous paralysés, comme si chaque mouvement serait un acte de rébellion.

Et, soudain, des pensées s’immisçèrent en moi : Viendraient-ils pour moi ? Allais-je subir le même sort que Vilenia, traînée de force à travers les rangs ? Mes amis me protègeraient-ils ou me dénonceraient-ils sans scrupules, comme Melvin l’avait fait ?

— Tenez-la, ordonna un colosse de plus de cent cinquante kilos.

Il s’approcha de Vilenia. Son poing géant se referma sur son visage fragile. Il l’obligea à lui faire face. Ses doigts écrasaient ses joues dans un silence de mort. Le visage de l’agent était dangereusement proche de celui de mon ami.

Comment faisait-elle pour ne pas hurler de terreur ?

Un faisceau électrique rouge vibra dans le casque de l’homme. Vilenia grimaça.

— C'est bien elle, affirma-t-il. Celui qui l'a dénoncée disait vrai.

Melvin.

Mes dents se serrèrent si fort que je sentis une douleur lancinante dans ma bouche. Il était le seul au courant. Le seul qui pouvait la dénoncer. Un goût amer de trahison se diffusait sur ma langue.

Je vais le tuer, cet enfoiré !

La R.D.Â. se redressa et tous les colosses frappèrent le sol du pied en poussant un cri effrayant. « Au nom des Âmes pures », hurlèrent-ils en chœur.

Ce cri, symbole de la nouvelle politique du Grand Conseil depuis l'ère Ekatya, résonna dans toute la pièce. Le membre de la R.D.Â. qui avait tenté de lui broyer le visage se plaça devant Vilenia.

Soudain, une fumée épaisse se diffusa et révéla un homme en trench-coat. Les bras croisés derrière le dos, il sifflotait et s'installa nonchalamment sur une chaise à côté du colosse. D'un simple signe de tête, il l'encouragea à continuer.

L'homme sortit son Arracheuse et la pointa sur la tête de Vilenia. Son doigt se plia sur la détente et la pressa avec un bruit mécanique. Un son aigu se diffusa et accompagna l'ondulation électrique dans le tube. Une lumière jaillit, puis pénétra dans les prunelles de Vilenia.

Ses yeux s’ouvrirent en grand, en même temps que sa bouche, qui tentait d’émettre un dernier cri. Aucun son n’en sortit.

L’arme aspirait toute la lumière de son corps. Toute sa vie était effacée. Puis, nous entendîmes son âme se déchirer, se craqueler. Et tout ce qu’il nous restait n’était que le vide, l’écho terrible de la fin.

L’agent qui tenait Vilenia la lâcha. Son corps s’écrasa lourdement sur le sol, ses yeux encore écarquillés de douleur. Elle n’était plus qu’une coquille vide.

Je serrais les dents, pour contenir le flot de larmes qui menaçait de jaillir comme une cascade sur mes joues. Ma respiration était saccadée. Mon cœur était comprimé. Mon amie était morte. Détruite. Plus jamais son âme n’ouvrirait les yeux sur ce monde.

Personne ne méritait ça. Personne.

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