Chapitre 15 (3/4)

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« Joyeux Noël, le grognon ! Profite bien. Je crois que le Père Noël t’a apporté un petit quelque chose chez moi par erreur. Je te le donnerai à la rentrée. Bisouuuuus »

Son message était accompagné d'un selfie en famille. Alice tenait son appareil et souriait devant l’objectif. Elle portait un pull rouge et vert kitsch, avec un serre-tête à fausses cornes de cerf. Sophie dépassait derrière elle, affublée d’un chapeau de Père Noël. Derrière elles trois autres personnes — son père et les parents de Sophie ? — levaient leurs verres. Elles étaient plus âgées. Elles semblaient s’amuser.

« Joyeux Noël à toi aussi, la sauvage. On se retrouve vite. Bise. »

J’observais la photo en souriant.

— Qui est l’heureuse élue ?

Je sursautai et laissai mon Platphone tomber sur le matelas. Célestin entra dans la chambre, vêtu de son pyjama gris.

— Tu sais bien qu’il n’y a que toi dans mon cœur, répliquai-je en le taquinant.

— À d'autres. Mon petit doigt me dit que c’est Alice qui t’a écrit.

Je fis une grimace.

— J’en étais sûr ! rigola Célestin en s'asseyant sur son lit.

— Et ton resto avec Sophie, on en parle ? Non, parce que tu ne nous en as pas dit grand-chose.

— Eh bien… C’était cool.

— Elle te plaît pas ?

— Non. Je sors pas avec des femmes.

— Qu’est-ce que tu vas faire pour Sophie ?

— Bah… elle est sympa, comme amie. Mais je peux pas vraiment profiter de notre amitié.

— Parce qu’elle t’aimera, quoi qu’il arrive ? demandais-je.

— Oui, ça. Mais surtout parce que je sais qu’elle va mourir. Donc… c’est pas pareil, je sais pas.

— J’aurais rien dû dire…

— Non t’inquiète, c’est cool. Ça fait partie de toi après tout. J’accepte La Mort en toi.

Je lui fis un sourire. Puis, j’ajoutais :

— Merci pour l’invitation. Ça me touche beaucoup d’être là, avec vous. Et puis, ça me permet de voir ton univers, mon roudoudou.

— Ça va me suivre toute l’année, ça, je sens.

— Oh, compte là-dessus !

Célestin posa sa tête sur le bord de son lit, pour me faire face.

— Et cette Alice, alors ?

— Quoi Alice ?

— Bah… Elle te plaît, non ?

— Je l’aime bien, répondis-je en haussant les épaules.

— Je voulais dire… Elle te plaît romantiquement parlant ?

Je fronçais les sourcils. Pour dire la vérité, je n’en avais pas la moindre idée. Je n’avais jamais été en couple avec qui que ce soit. Avant d’être ici, j’étais l’homme le plus neutre au monde. Alors… J’ignorais ce que nous étions supposés ressentir.

Je me contentais de hausser les épaules. Puis, je lui demandais :

— Tu as eu des relations, avant de venir ici ?

Célestin se pinça les lèvres.

— Oui, mais…

Il laissa sa phrase en suspens avant de reprendre :

— Comme je peux pas tomber amoureux, je sais pas… J’ai l’impression qu’il manque toujours un truc, tu vois ? Oui, j’ai eu des relations. Certaines étaient même vraiment cool. Seulement, je n’arrivais pas à me retrouver là-dedans. Comme si je ne pouvais pas être… Totalement moi.

Ça faisait écho en moi. Finalement, sans émotion, est-ce que j’étais complètement moi-même ? Pourrais-je réellement l’être avec quelqu’un ?

— Je comprends.

— Depuis tout ça, j’esquive les relations. Cole me tanne pour que je m’y remette, mais… Pour le moment, ça me rend plus triste qu’autre chose, me confia-t-il.

— Tu penses y renoncer toute ta vie, du coup ?

— J’en ai aucune idée. Peut-être pas. Je n’ai pas envie d’être éternellement seul, même si notre boulot nous y pousse un peu…

— Cole te pousse peut-être pour éviter ça, non ?

Célestin haussait les épaules.

— Je sais que c’est bienveillant de sa part. Je sais pas comment il fait, lui, pour passer outre ce manque de sentiment. Après tout, c’est ce qui avait bousillé sa relation avec Nybélia. Et pourtant, il continue.

— Il essaie sûrement de garder espoir. Si je peux changer cette partie-là en moi, vous le pouvez peut-être, tu penses pas ?

Célestin haussa les épaules avant de prendre son oreiller entre ses bras.

— Tu te rappelles de Fay ? Il continue de m’écrire et…

D’un geste las, il haussa une nouvelle fois les épaules, accompagné d’un soupir lourd. Je vins m’asseoir près de lui. Il balaya la conversation d’un mouvement de bras, comme s’il chassait une mouche invisible.

Ensuite, il me confia la discussion qu’il avait eue avec Vilenia avant son décès. Qu’il avait peur de s’attacher de nouveau, de peur de souffrir de leur perte. Je poussais un soupir de frustration.

Comme pour me redonner du courage, je sortis mon Platphone et observai la photo que m’avait envoyée Alice.

Est-ce que les humains aussi souffraient de leurs relations ? Ou bien était-ce plus simple ?

Soudain, Célestin m’arrache le Platphone des mains et se met debout sur son lit. Il sautillait, me faisant rebondir en même temps que lui.

— Je comprends que tu craques, elle est sexy ta petite Alice ! rigola-t-il.

Je me levais d’un bond et grimpai sur son lit pour tenter de récupérer mon téléphone. Célestin le tira en arrière et me poussa avec son bras. Je contrattaquais en lui chatouillant les aisselles, ce qui lui fit plier le bras. Non sans mal, je finis enfin par attraper mon Platphone, sous l’hilarité de Célestin. Mon rire se mêlait au sien. Nous nous laissions tomber sur nos lits respectifs dans la bonne humeur.

— Je pourrais jamais être moi-même, lui confiais-je quand nous retrouvâmes notre souffle. À quoi bon entamer une relation avec qui que ce soit ?

— Parce que ça peut tout de même être beau ?

Je poussai un soupir. Heidi, comme d’autres âmes depuis, m’avait fait vivre des moments d’amour. C’était ça, que je voulais : le véritable amour. Celui qui pouvait exploser notre cœur. Seulement, je n’étais pas sûr de pouvoir le trouver un jour.

Je m’endormis avec ces pensées.

Charme vint nous réveiller pour prendre le petit déjeuner.

— Vous auriez pu être discret, lança Cole à Célestin.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— J’ai entendu vos ébats toute la n…

Célestin lui donna une tape sur le sommet du crâne pour le faire taire, avant que leurs parents n’entrent dans la pièce. Je ne pus m’empêcher de lâcher un rire. Cole adorait faire des plaisanteries en tout genre. C’était agréable, de pouvoir rire. D’entendre toute cette joie.

Pendant le petit-déjeuner, Célestin en profita pour me montrer leur album photo de famille et me racontait des anecdotes sur leur enfance. J’en apprenais un peu plus sur mon ami, et sur le climat de sa vie passée ici.

Il me raconta la fois où Cole, dans un élan de plaisanterie, l’avait fait tomber dans les escaliers. Célestin s’était tordu le cou, et il a fallu que ses parents le remettent en place. Même si nous ne pouvions pas mourir, certains accidents étaient parfois douloureux. Il me tendit la photo de lui, avec le cou déboîté. Je fis une grimace de dégoût en observant le cliché.

Sur la page suivante, il s’arrêta avec un sourire aux lèvres et un regard animé, en montrant l’album à Cole.

— Tu te rappelles de ça ?

Il riait à moitié.

— Oh purée !

— Qu’est-ce que c’est ? demandai-je, intrigué.

Célestin tourna l’album vers moi et je découvris une espèce de carte avec des dessins dessus.

Enfants, ils avaient inventé une chasse au trésor dans le jardin. En creusant pour cacher le coffre, Célestin a percé un tuyau et avait provoqué une inondation. L’aventure a tourné au chaos, mais resta un souvenir drôle.

Célestin et Cole se lancèrent un regard rempli de complicité, et je ressentis un grand vide en moi. Comme ç'aurait été agréable de grandir dans ces conditions...

Les deux frères me montrèrent d’autres photos, me racontèrent d’autres aventures. Je les écoutais avec attention, le cœur rempli de joie.

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