Chapitre 27 - L'anniversaire

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L’anniversaire de Melvin allait débuter dans quelques minutes et je n’avais toujours rien trouvé à me mettre. Hier, il nous avait communiqué le thème de la soirée : « Porte ce qui te terrifie le plus. ». Honnêtement, je n’avais aucune idée de costume. La seule chose qui me terrifiait vraiment ne se portait pas sur le dos.

Alors, je parcourus une nouvelle fois mon dressing, comme si un habit allait apparaître avec évidence. J’aurais pu louer un déguisement, comme nous l’avions fait en début d’année. Mais je n’avais pas eu le temps de le faire. Finalement, je finis par en sortir un costume cravate, que j’avais porté lors de la cérémonie de mon père. Après tout, quoi de plus terrifiant que ces humains passant la majorité de leur vie dans un bureau, à répéter les mêmes tâches, attendant la libération par la mort ? Et comme ils jouissaient d’une pseudo-immortalité, il était piégé dans un éternel cycle de travail. La retraite avait été supprimée en 2135, jugeant qu’elle était inutile puisqu’ils n’avaient plus de dates de mort.

Tandis que je l’enfilais, je repensais à Mirabella, à qui nous avions offert son cadeau plus tôt dans la journée. Célestin et moi avions choisi un pendentif en or blanc prolongé par une pierre en quartz de la même couleur. Je revoyais son sourire reconnaissant, ses yeux pétillants d’amour sincère. Un sourire se dessina sur mes lèvres à cette pensée.

Quoi qu’il puisse arriver sur cette Terre, j’aurai toujours mes amis à mes côtés. Quelque part, ça me mettait du baume au cœur.

Quand je fus prêt, je me dirigeai dans l’aile B, pour rejoindre Alice à l’heure prévue. Mes mains étaient moites. Le stress coulait dans mes veines comme un poison, sachant que je devrais mettre fin à notre amitié. Ce soir était notre dernier soir.

Une fois que j’eus toqué, Alice ouvrit presque immédiatement, le sourire aux lèvres. Son déguisement déclencha mon hilarité. Bien qu’elle eût fait plus d’efforts que moi. Ses cheveux étaient d’un bleu fluorescent, presque irréel. C’était une perruque, qui brillait d’un éclat plastique sous la lumière. Son visage était teinté en gris pâle, lui donnant une allure malade, fatiguée. Un chapeau pointu noir était mal posé sur sa tête. Sa robe noire moulait parfaitement sa silhouette, accentuant sa poitrine, tandis qu’elle tenait un chaudron dans une main et un balai dans l’autre.

— Tu es merveilleuse, lui fis-je d’une voix amusée.

— Merci.

Elle me fit une révérence exagérée avant de me détailler de la tête au pied.

— Et toi… t’es censé être quoi, au juste ? Un banquier ?

— Quoi ?

Je fis semblant de m’indigner, portant une main sur ma poitrine.

— Tu trouves pas ça terrifiant, les hommes en costard ?

— Pas vraiment, non.

— Alors on peut dire que je suis déguisé en humain immortel travaillant encore et encore, sans jamais m’arrêter. Allant tous les jours dans le même bureau, avec les mêmes têtes de con, tout ça pour me payer un médicament qui me donne du temps dont je ne disposerai jamais.

Alice feinta un frisson.

— En effet, terrifiant.

— Tu vois.

Puis, Alice me désigna son chaudron, et reprit d’une voix déformée :

— Voulez-vous que je vous concocte une potion pour rendre votre vie plus intéressante, cher monsieur ? Je suis une gentille sorcière, ne vous inquiétez pas. Ma potion rendra tous vos rêves possibles, et vous remplira de joie pour le reste de votre existence. N’est-ce pas formidable ?

Elle bascula sa tête en arrière et simula un rire « Hinhinhin ».

— Si une potion comme ça pouvait exister, je la prendrais sans hésiter.

Elle haussa les épaules, son sourire toujours fixé sur ses lèvres délicates, puis attrapa mon bras. Son regard glissa sur moi sans qu’elle dise un mot.

La fête se déroulait au même endroit que la soirée costumée du début d’année. Les voix s’élevaient dans les couloirs à mesure qu’on avançait. De la musique était déjà diffusée et résonnait contre les murs.

En arrivant, je devais admettre que je fus surpris : la décoration avait été réalisée brillamment, avec goût. Alice siffla entre ses dents, détaillant la salle d’un même mouvement que moi.

Des fausses pierres tombales étaient disposées de part et d’autre de la pièce. De la fumée grisâtre s’en échappait. Celle-ci camouflait le sol, donnant un air mystique à la salle. La lumière était tamisée. Des toiles d’araignées décoraient le bar sur la droite. Sur la gauche, une grande table était affublée d’une nappe noire. Des grands saladiers étaient posés dessus avec des couleurs diverses et variées. La nourriture était transformée en morceaux de doigt, de main… Des personnes déguisées étaient déjà en train de s’attaquer au buffet.

Brendelia occupait le bar. Elle portait une perruque noire. Ses cheveux lisses descendaient tellement bas que je n’en voyais pas la fin derrière le comptoir. Une capuche rouge et noire était disposée sur son crâne, se transformant ensuite en une robe rouge.

— Tu veux boire quelque chose ? me proposa Alice.

— Pourquoi pas.

En arrivant au comptoir, j’aperçus Melvin s’approcher de nous. Ses cheveux avaient été teints en noir avec une bombe en spray. L’odeur qui s’en dégageait ressemblait à de la peinture. Il portait une cape noire qui finissait en robe. Dans une de ses mains, il tenait une faux. Quand je croisai son regard, je ne pus m’empêcher de lui faire une moue amusée.

— Très original, lui lançai-je.

— Et toi… Laisse-moi deviner… Tu es un professeur en colère ?

Je laissais échapper un rire.

— C’est un banquier, lança Alice, observant la salle avec enthousiasme. Franchement, ta déco est superbe. Joyeux anniversaire à toi, au passage.

Melvin prit sa main dans la sienne et lui fit un baisemain.

— Merci, ma sorcière bien-aimée.

Alice fit semblant d’être flattée puis gloussa. Je lui souhaitais également un joyeux anniversaire. Après tout, j’étais content d’enterrer la hache de guerre. Maintenant qu’on faisait partie de la même équipe, je n’avais pas de raison de douter de lui.

— T’as fait ça tout seul ? lui demanda Alice.

— Oui. J’y ai passé l’aprem.

Alice lui fit une moue approbatrice, impressionnée. Tournant la tête, j’aperçus Célestin et Mirabella. Cette dernière nous fixait les yeux plissés. Je leur fis signe. Quand ils arrivèrent vers nous, je constatai que Mirabella avait le même genre de costume qu’Alice : c’était une sorcière. La différence entre les deux jeunes femmes était que Mirabella n’avait pas mis de perruque, mais simplement ondulé ses cheveux. Son teint était blanchâtre, plus accentué que d’ordinaire.

Célestin était… Bonne question. Il portait une robe grise, des lentilles de contact grises, un chapeau en forme de nuage et des sortes de gouttes en coton parsemées sur sa robe.

Mes amis souhaitèrent un bon anniversaire à Melvin, qui se contenta de leur dire merci. Je ne savais pas s’il avait souhaité celui de Mirabella ou s’il s’en fichait éperdument. Il l’observait du coin de l’œil avant de se tourner vers elle.

— Tu t’es pas déguisée, Bella ?

Mirabella fronça les sourcils, tandis que Melvin lui adressait son habituelle moue amusée. Elle le jaugea quelques instants avant de serrer la mâchoire et de lui répondre :

— Ne m’appelle pas comme ça.

— C’est vrai que je devrais t’appeler par ton titre de sorcière, Miraffreuse.

Elle serra les poings, semblant être plus en colère qu’à l’ordinaire. Ses narines se dilataient, comme un taureau prêt à charger.

— Tu as bien fait de te déguiser comme la mort, tu es pourri jusqu’à la moelle ! Avec ton odeur de décomposition là.

Puis, elle reprit avec calme.

— Ouais, ça te va comme un gant.

Je l’observais sans un mot. J’eus l’impression que c’était plus tendu entre eux qu’à l’ordinaire. Tout du moins, Mirabella semblait prendre plus à cœur les remarques de Melvin. Ce dernier se contentait de rire, prenant une gorgée de sa boisson. Puis, ses yeux glissèrent sur elle, un sourire satisfait aux lèvres.

— Tu peux me haïr autant que tu veux, ça changera rien au fait que t’écoutes toujours ce que je dis, lança Melvin avec un demi-sourire, sa voix traînante chargée d’ironie.

Mirabella croisa les bras, les yeux noirs de colère.

— Je t’écoute pas, je te supporte. Nuance.

— T’as une drôle de façon de supporter les gens, souffla-t-il en s’approchant d’un pas. Tu les regardes comme s’ils avaient volé ton âme.

— Peut-être que certains ont volé plus que ça, rétorqua-t-elle, le ton bas, acéré.

Melvin s’immobilisa. Pendant une fraction de seconde, ses yeux perdirent leur lueur moqueuse. Il la fixa, vraiment.

— Tu parles de quoi, là ?

— Rien qui te concerne, répliqua-t-elle, en détournant le regard.

— C’est là que tu te trompes, Bella.

Elle grimaça à l’entente du surnom, mais ne réagit pas. Il s’avança encore, jusqu’à ce que seule une respiration les sépare.

— Tu peux cracher ton venin autant que tu veux, ça m’éclabousse à peine. Mais un jour, faudra que tu décides si tu veux qu’on continue à jouer à se haïr… Ou si t’as envie qu’on arrête de faire semblant.

Elle le regarda droit dans les yeux. Son souffle semblait s’être bloqué dans sa poitrine.

— Le jour où je déciderai, t’auras peut-être déjà pourri pour de bon.

— Alors j’espère que t’es rapide. Parce que j’ai pas l’intention de disparaître.

Mirabella lui tourna le dos, s’installant un peu plus loin au niveau du comptoir, derrière Alice. Elle se pencha en avant, commandant un verre, son regard hostile glissa sur Melvin un instant. Son visage était fermé. Melvin, lui, haussa les épaules avec indifférence avant de s’accouder contre le bar, m’observant avec un léger sourire. Puis, son regard se posa sur Célestin. J’en fis de même.

— T’es censé être quoi ? lui demandai-je, n’y tenant plus pour poser la question.

— Le mauvais temps, répondit-il en haussant les épaules. J’aime pas la pluie.

Je haussai les sourcils. À mes côtés, je sentais Melvin remuer. Il secouait une boisson dans un shaker. Je reconnaissais cet objet parce que Mirabella avait utilisé le même pour préparer les cocktails à la soirée dans la bibliothèque.

Quand il eut terminé, il versa un liquide rouge dans cinq coupes. Il se pencha par-dessus le bar et récupéra un seau rempli de glaçons en forme d’œil. Il en versa un dans chacun des verres. Nous nous empressâmes de goûter la mixture qui était étonnamment bonne. Melvin aussi savait faire de délicieux cocktails. Comme Mirabella. Ils avaient pas mal de points communs, c’était à se demander pourquoi ils ne s’entendaient pas, finalement.

En observant Mirabella lever son bras pour boire, j’aperçus un bracelet que je n’avais jamais vu auparavant à son poignet. Le bijou était fin, en or blanc. Des fleurs de toutes les couleurs entouraient la chaîne.

— Joli bracelet, lui fis-je remarquer.

Mirabella eut un mouvement de recul, sous mon regard perplexe. Elle nous raconta :

— J’ai retrouvé un paquet devant ma porte ce matin, avec ce bracelet… Je sais pas qui me l’a offert. Il est vraiment beau…

— Sûrement un admirateur secret, se moqua Melvin.

Elle lui fit une grimace.

— C’est vrai qu’il est beau, ton bracelet, confirma Alice, l’observant de plus près.

— Oh Alice, ton costume est génial !

Elle sursauta, ne s’attendant pas à ce qu’on lui parle. Jaya était derrière elle. Son visage était peint de blanc. Ses yeux entourés de rouge. Elle arborait une grande cape noire et rouge. Ses dents étaient également complétées par un dentier de canines pointues. C’était un vampire.

— Le tien aussi, Dracula ! lança Alice.

— Par contre, toi… commença Jaya en me pointant du doigt.

— Tu peux pas comprendre, il se rebelle contre notre société !

— Cesse de te moquer, sorcière ! m'écriai-je.

— Calme-toi ou je te lance un sort !

— Oh non, quelle horreur.

Je levais les mains en l’air, cédant sous la fausse menace. Mes amis levèrent les yeux au ciel. Au loin, j’aperçus Sophie, dans un costume identique à celui de Melvin. Elle salua tout le monde. Je ne pus m’empêcher de rire.

— Quoi de plus terrifiant que la mort ? se justifia-t-elle.

— Je doute que La Mort s’habille ainsi, me moquais-je.

— Et qu’est-ce que t’en sais ? T’en connais des Maîtres de La Mort peut-être ?

— Tu veux que je t’en présente un ?

Alice lâcha un rire.

— Ça serait marrant, dit-elle.

— Quoi donc ? demandai-je.

— D’en rencontrer un. Ça doit pas être évident de récupérer des âmes à tout bout de champ.

— À qui le dis-tu.

La salle continuait de se remplir. Melvin en profita pour s’éclipser, allant voir le DJ présent sur l’estrade. La fumée qui sortait des tombes se densifia, donnant une ambiance mortuaire au lieu. Sophie invita Célestin à danser. Mirabella était accoudée au bar. Elle jetait un coup d’œil vers Melvin. Jaya semblait chercher quelqu’un dans la salle.

Alice m’entraîna sur la piste de danse.

— Qu’est-ce que tu fais ? T’es folle, tu sais que j’aime pas danser…

Pour me dérider, elle commença une danse absurde. Je ne pus m’empêcher de rire en la voyant faire. Elle m’attira plus proche d’elle et je finis par me prêter au jeu. Puis, nous finissions par danser collé-serré, dans un slow revisité.

Mirabella nous rejoignit. Je l’observais tandis qu’elle murmurait quelque chose à l’oreille d’Alice avant de m’attraper par la main.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Viens avec moi. Faut que je soulage ma conscience, et j’ai pas envie de le faire seule.

Elle m’entraîna à la suivre. Nous rejoignîmes Melvin qui discutait avec un Timéo déguisé en chien. Sans demander l'avis de Melvin, elle l’attrapa par le bras, avant de nous conduire tous les deux à l'écart.

— Qu’est-ce qu’il y a, Bella ? Tu veux nous faire danser tous les trois ? fit Melvin, commençant à se remuer bizarrement.

— Non. Je voulais juste te dire… Je… Je suis désolée d’avoir insinué que tu avais fait tuer Vilenia. Je sais que ça n’a pas dû être facile pour toi, puisque c’était ton… Amie...

L’expression de Melvin devint glaciale. Ne lui donnant aucune réponse, il s'en allait brusquement. Mirabella le retint par le bras. L’expression de Melvin était indifférente, neutre.

— Tu cherches quoi, Bella ? Ta dignité ? Tu la retrouveras sûrement dans les objets trouvés.

— Je savais pas, OK ?

— Qu’est-ce que ça change, au juste ?

Ils s’observaient dans un duel silencieux. Melvin finit par rompre leur échange, retournant dans la foule. Mirabella poussa un soupir de frustration. Son regard était bloqué sur l’endroit d’où il avait disparu, comme si elle venait de perdre un ami cher à son cœur.

J'ignorais quoi lui dire. À vrai dire, je ne comprenais pas ce changement soudain.

— Il a raison, qu’est-ce que tu cherches, Mira ? Tu l’as traité comme un ennemi toute l’année, c’est trop tard pour les excuses.

— Oh, mais je le supporte toujours pas, répliqua-t-elle, amère. C’est juste que… Si ça avait été toi ou Célestin qui étiez morts et qu’on m’avait balancé à la gueule que j’aurais un quelconque lien avec votre disparition, ça m’affecterait.

— On parle de Melvin. On peut pas dire que ce soit le genre de personne à avoir de la compassion.

Mirabella haussait les épaules avant de glisser sur moi un regard inexpressif. Puis, elle aussi, disparue dans la foule. C’était également son anniversaire, et, quelque part, je fus triste qu’elle ne trouve aucune joie dans cette soirée.

Alice vint me rejoindre, le sourire aux lèvres.

— Tu pensais pouvoir m’échapper ?

— J’y pensais pas une seule seconde.

— Tu veux qu’on sorte un peu ? Il fait chaud…

— Si tu veux.

Alice passa son bras sous le mien et nous nous dirigeâmes vers le hall. L’air extérieur était doux.

— Tu n’avais plus envie de danser ? lui demandais-je.

— C’est pas trop mon truc non plus, tu sais.

— Pourquoi tu vas à des soirées comme ça, si t’aimes pas danser ?

— Je peux te retourner la question, me lança-t-elle, le sourire aux lèvres.

— C’est vrai. J’y vais surtout pour passer du temps avec mes amis. Pendant les cours, c’est pas pareil. Ça fait du bien de penser à autre chose le temps d’une soirée.

— Et pourtant, à chaque fête du campus, c’est avec moi que tu passes ta soirée, se moqua-t-elle.

— Peut-être parce que tu es la plus importante de toutes.

Alice détourna les yeux, le feu aux joues.

— Si j’aime pas danser, reprit-elle sans me regarder, c’est parce que ça me rappelle trop ma mère. Elle adorait ça. C’était son truc. Alors que moi… Je suis nulle.

Je relevais sa tête du bout des doigts.

— Tu es tout sauf nulle, Alice.

— Si. Regarde, je suis venue ici pour savoir la vérité sur ma mère et, en presque un an, qu’est-ce que j’ai appris ? Rien.

Mes mains retombèrent mollement contre mon buste. Mes yeux fouillèrent les siens, à la recherche d’une solution. Comme il m'était impossible de lui dire, je ne voyais pas comment la rassurer. Et puis, j'étais censé disparaître après cette soirée, je ne pouvais pas lâcher une bombe pareille.

— J’ai pas besoin de ta potion, tout compte fait, dis-je pour changer de sujet.

Alice plissa les yeux.

— Pourquoi ?

— Parce que c’est toi ma potion. Une dose d’Alice dans ma journée et hop ! Je suis heureux.

Alice haussa les sourcils, surprise. Puis, elle fit un pas vers moi. Un autre. Encore un autre. Réduisant l’écart entre nous. Son visage se retrouva à quelques centimètres sur mien. Son souffle chaud me donnait des frissons. Sa bouche s'était entrouverte, laissant apparaître sa langue.

Je clignais des yeux, à deux doigts de céder. Mais je tins bon.

L’effluve d’Alice s’accrocha à moi. Sa vapeur blanche se diffusait autour de mon corps. Mon regard glissa sur elle, détaillant son visage, son corps, ses formes. Des pensées interdites m’envahirent. Je me pinçais la lèvre.

— C’est vrai ? Tu le penses vraiment ?

— Bien sûr.

Elle s’approcha une nouvelle fois, son corps était désormais collé contre le mien. Sa poitrine était posée sur mon torse. La douceur qui émanait de son regard fissurait la barrière qui tenait encore entre nous. Elle posa une main sur mon buste, caressant mon torse du bout des ongles.

Résiste, résiste, résiste…

Ma main se leva comme un automatisme, touchant sa joue avec délicatesse. Puis, je les dirigeai vers sa nuque. Alice posa sa paume contre ma joue, avant de descendre une nouvelle fois vers le haut de mon corps. Elle jouait avec moi, son regard brillait d'un désir contenu. Son chaudron heurta le sol dans un bruit sourd.

Elle mordilla l’intérieur de sa joue.

— Tu te rappelles notre soirée sous les étoiles ? me murmura Alice.

Son odeur s’infiltra dans mes narines. Le désir grandissait en moi. Pourtant, je tentais une nouvelle fois de le contenir. En vain. Je voulais la sentir contre moi. Goûter sa bouche. La plaquer contre le mur avec passion. Toucher chaque centimètre de sa peau.

Résiste !

Ma respiration était saccadée. C’était un supplice, je n’en pouvais plus. Je fermais les yeux pour tenter de retrouver une contenance.

— Oui.

Les images de notre soirée prirent forme dans mon esprit. Si nous n’avions pas été interrompus, nos lèvres se seraient rencontrées.

Et puis merde !

Je la poussais contre le mur derrière elle, passant ma main dans ses cheveux, avant d’incliner son visage. D’un mouvement rapide, je plongeais ma bouche sur la sienne. Alice poussa un grognement de plaisir, se mêlant au mien. Elle me rendit mon baiser avant de se serrer plus violemment contre moi. Comme si nous avions urgemment besoin de nous coller l’un contre l’autre. Je commençais à me sentir à l’étroit dans mon pantalon de costume.

Sa bouche était chaude, douce. Comme une drogue, j’en voulais encore. Je ne pouvais plus me décrocher d’elle, tant j'avais attendu ce moment depuis longtemps. Nous n'étions plus que le prolongement d'un même corps, brûlant d’une même chaleur.

Avec délicatesse, j’embrassai ses joues, son cou, ses clavicules. Puis, je pressai une nouvelle fois ma bouche contre la sienne, n'ayant plus envie de la quitter. C’était enivrant. Douloureusement exquis. Je passai mon bras derrière son dos et la collai contre moi. Elle poussa un léger grognement et ça réveillait tout le désir que j’avais en moi.

Au bout de plusieurs minutes, nos bouches se séparèrent. Je posais mon poing contre le mur derrière elle, comme vaincu.

— Merde…

— Tu l’as dit… murmura-t-elle, un sourire aux lèvres.

Elle porta sa main sur ses lèvres. Son regard brillait de malice. Je savais qu’elle n’en avait pas fini avec moi.

Sans attendre, elle se colla contre moi et m’embrassa de nouveau. Je ne pus y résister. C’était trop tard. Mes sentiments étaient trop forts. Comment pourrais-je m’éloigner d’elle avec la violence de mes sentiments ? Ce n’était plus possible.

Ma bouche se pressa contre elle, comme si mes lèvres me brulaient.

Qu’est-ce qu’il m’arrive, merde…

Je finis par m’éloigner, replaçant mon caleçon qui me gênait. Je devais faire redescendre mon désir, qui était désormais voyant. Alice s’en amusa, m’observant de haut en bas. Elle se délectait de mon excitation.

— Ma magie opère, se moqua-t-elle.

Je levais les sourcils en soupirant. Si elle savait. Elle opérait même plus que ça.

— On devrait retourner à la soirée, suggérai-je.

Alice fit une moue déçue.

— T’es sûr ?

Elle avança lentement vers moi. Je la tenais à l’écart, évitant de me laisser replonger.

— Si tu veux pas que je te dévore dans ce couloir, oui, je pense qu’il vaut mieux.

Alice gloussa. Elle m’attrapa par la cravate et plaqua sa bouche contre la mienne. Puis, elle caressa mes cheveux. Sa bouche se décolla légèrement de la mienne, son menton contre le mien.

— D’accord mon beau… Tu as raison, c’est peut-être mieux…

Sa moue était joueuse. Elle s’avança, feignant de m’embrasser avant de me pousser.

Je l’observais de haut en bas, m’attardant sur sa poitrine. Puis je plongeais mes yeux dans les siens.

Qu’est-ce que j’avais envie de la sentir encore contre moi. Je secouais la tête. Alice me tendit la main, que j’attrapai volontiers.

De retour à la soirée, j’aperçus Célestin au loin, qui dansait avec Sophie. Quand mon ami croisa mon regard, il vint me rejoindre. Il eut un rictus amusé.

— Tu feras gaffe, t’as du maquillage gris autour de la bouche !

Je détournais le visage et m’essuyais les lèvres. Alice gloussa dans mon dos tandis que Célestin riait encore.

— T’as croisé Mira ? me demanda-t-il une fois que j’eus fini de me frotter la bouche.

— Non, pourquoi ?

— Je l’ai pas revu de la soirée.

— On devrait peut-être la chercher ?

— T’as raison.

Je fis un signe de la tête à Alice, qui me répondit dans le même ton. Je la suivis du regard, tandis qu’elle rejoignait Sophie qui se trouvait au bar. Un peu plus loin, j’aperçus Melvin, à l’écart. Ses bras étaient croisés. Il semblait s’ennuyer. À côté de lui, se trouvait une fille aux cheveux bruns, qui l’observait avec insistance.

— Ça va ? lui demandai-je quand j’arrivai à sa hauteur.

Par surprise, il décroisait les bras.

— Pourquoi ça n’irait pas ?

Je haussai les épaules.

— T’as l’air de t’ennuyer.

Ses sourcils se levèrent. Puis, il se tourna vers la fille à ses côtés, la saisit par la taille. D'une main ferme, il l’entraîna sur la piste de danse. La brune paraissait ravie. Elle se jeta contre lui pour l’embrasser. Melvin parut surpris, mais finit par resserrer son étreinte.

— J’imagine que je me trompais…

Célestin ne put s’empêcher de pouffer.

— Je m’attendais pas à ça.

Moi non plus, à vrai dire. Je n’arrivais pas à cerner Melvin, c’était un personnage complexe. Il battait sans arrêt le chaud et le froid. C’était difficile de comprendre ses motivations. Le laissant s’amuser, nous partions vers le hall avec Célestin. Nous montions les marches en silence. Après avoir toqué, je posais mon oreille contre la porte. Aucun bruit.

— Qu’est-ce qu’elle fout…

Célestin se tournait vers moi, l’air inquiet. Il toqua une nouvelle fois. Rien. Au moment où nous allions partir, la porte s’ouvrit sur une Mirabella en pyjama.

— Bah, qu’est-ce que tu fais ? fit Célestin, relevant les sourcils.

— J’avais pas le cœur à la fête, répondit-elle en s’adossant contre le cadre de la porte.

— Pourquoi ?

Elle haussait les épaules, les yeux tournés vers le sol.

— Je croyais que bonne musique était égal à toi qui ne rentres pas seule ? lui fis-je remarquer avec douceur.

Un nouveau mouvement d’épaule.

— Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Pas le moral, j’imagine, dit-elle d’un ton fatigué.

Mal à l’aise, elle tira sur son t-shirt.

— Tu veux qu’on reste avec toi ? proposa Célestin.

— Non, vous inquiétez pas, je vais juste dormir.

— T’es sûr ? On peut faire une contre-soirée tous les trois, tu sais ?

— Une prochaine fois, répondit-elle avec un semblant de sourire.

— Si besoin, tu nous appelles, OK ? fis-je d’une voix basse.

— Merci.

Avec hésitation, elle s’avança vers nous, puis finit par nous prendre tous les deux dans ses bras. Ensuite, elle retourna dans sa chambre d’un pas lent. Célestin me lança un regard peiné. Nous restions en silence devant sa porte, n’osant pas faire le moindre mouvement. Puis, nous repartîmes vers la fête.

— Ça avance avec Alice, alors ? lança-t-il en me mettant un coup d’épaule complice.

Je répondis par un sourire.

— Il semblerait.

— T’as pas peur que ça change… ton âme ? murmura-t-il.

Pour dire vrai, je n’y avais pas pensé. Les paroles de Monsieur Rhânlam me revinrent en tête, je me demandai si je faisais le choix approprié. Je réalisais que je n’avais toujours pas révélé à mes amis qu’il faisait partie des Anges Noirs. Mais, cette révélation serait pour une prochaine fois. Ce soir, je voulais être avec Alice. Pour notre dernier moment ensemble.

Une fois de retour à la fête, j’aperçus Melvin qui tentait de se défaire de la brune, qui le collait comme son ombre. Son visage était déformé par une grimace, tandis qu’il se débattait avec elle. Un rire glissa d’entre mes lèvres.

Célestion et moi retournâmes auprès d’Alice, de Sophie et de Jaya. Nous passions un morceau de soirée avec elles. Puis, quand la musique sonna la fin, Alice me proposa de la raccompagner.

Nous marchions en silence. Je l’observais du coin de l’œil, me demandant comment allait se dérouler le reste de la soirée à ses côtés. Il ne fallait pas que je craque, que je donne une autre dimension à notre relation. C’était grisant d’être au bord du précipice, près à tomber, puis se rattraper au dernier moment.

Au fond, peut-être que les plus grands fantasmes sont ceux qui ne se réalisent jamais.

— Ça te va si on garde notre relation secrète pour le moment ? Histoire de voir où ça nous mène, avant de laisser les gens s’immiscer ? me fit Alice tandis qu’elle déverrouillait sa porte.

— Pas de soucis.

Elle s’approcha de moi et m’embrassa tendrement. Je posais une main sur sa joue, pour sentir la chaleur de sa peau. Son odeur se collait à moi. Je m’en imprégnai.

— Tu veux dormir avec moi ? proposa-t-elle.

— Dans ce mini-lit ?

— Ça n’a pas eu l’air de te déranger, les autres fois.

Elle me fit un sourire espiègle. Puis, elle m’attira avec elle et me poussa sur son lit. Ensuite, elle m’emprisonna de son poids, m’entourant de ses bras avant de m’embrasser avec fougue.

— Tu triches…

— Alors, tu restes ?

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