Chapitre 22 ~ Chute (1/6)

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*Mattheus*


— C’est ma faute, putain ! hurlai-je dans mon oreiller, la gorge nouée.

Depuis ce qui s’était passé avec Alice, le sommeil avait déserté mes nuits. À chaque seconde, je rejouais la scène en boucle, incapable de trouver la paix. Comment avais-je pu la laisser y aller ? Et l’accompagner dans le couloir de la mort ?

Je revois encore son corps s’effondrer, sa tête basculer en arrière. Elle avait perdu connaissance, et à cet instant précis, mon cœur avait cessé de battre. Qu’avais-je fait ? Et surtout, que s’était-il réellement passé ?

Quand la R.D.Â. est arrivée, j’ai pensé que tout était fini. Je m’attendais à ce qu’ils lisent à travers moi comme dans un livre ouvert, qu’ils flairent la fraude. Mais, à ma grande surprise, ma bague avait fait son œuvre. Elle m’avait protégée. Encore.

Le souvenir le plus vif qui me restait, c’était le regard de Vilenia. Juste avant qu’elle ne se laisse engloutir par sa propre fin. Il y avait dans ses yeux une tristesse indicible, une frustration mêlée de colère. Hier, j’ai cru que l’histoire allait se répéter. Que j’allais suivre ses pas. Qu’Alice allait y passer, elle aussi. Mais, contre toute attente, nous avons échappé à notre sort.

Pourquoi ? Comment ?

Je ne parvenais pas à comprendre. Ils avaient prononcé un mot étrange en scannant Alice. Quelque chose comme Olgua, OldaOlaf, peut-être ? Je ne savais plus. C’était un mot venu d’un autre temps, chargé de mystère et d’un sens qui m’échappait totalement.

Soudain paniqué, je bondis sur mon lit, feuilletant jusqu’à ma liste. Je fus soulagé de constater que rien n’avait changé. Je craignais que l’âme d’Alice s’inscrive entre mes pages.

Je laissai échapper un soupir. Je jetai mon ouvrage, soulagé. Je tremblais encore à l’idée de la perdre. L’autre soir, j’avais sincèrement cru l’avoir conduite, tout sourire, à sa perte.

Mais ce que je ne comprenais toujours pas, c’était la couleur de son scan. Noire. Comme le mien. Et ça… ça ne collait pas. Il y avait un lien, j’en étais certain. Il fallait juste que je me souvienne de ce qu’ils lui avaient dit. Mais mon esprit était trop embrumé, trop fatigué.

C’était ma faute. Ma. Putain. De. Faute.

Que devais-je faire à présent ? L’éviter ? En parler à mes amis ? À Monsieur Rhânlam ? J’étais totalement perdu. Et pourtant, au fond de moi, je savais depuis le début que tout cela finirait mal.

Mais je ne pouvais pas rester là à me morfondre. J’avais cours. Même si l’idée d’abandonner Alice seule dans cet état me rongeait. J’enfilai ma veste à la hâte et fonçai dans le couloir. Il fallait que je la voie. Que je m’assure qu’elle allait bien. Qu’elle respirait. Qu’elle était toujours de ce monde.

Je n’avais fait que quelques pas quand une voix familière me coupa net :

— À ta place, je ferais pas ça.

Je me retournai. Je savais déjà qui j’allais trouver derrière moi.

— Pourquoi ? demandai-je, les sourcils froncés.

Melvin me faisait face, son sac négligemment jeté sur l’épaule. Il me regardait avec ce calme agaçant, comme s’il savait tout.

— Tu sais très bien pourquoi, répondit-il simplement.

Je me rapprochai. Nos visages étaient proches, nos regards se croisaient dans un duel silencieux.

— Comment tu sais ça, toi ?

Un sourire se dessina sur ses lèvres. Ce petit sourire insolent qu’il arborait tout le temps.

— Qui ne le sait pas ?

Je sentis ma mâchoire se contracter. Avec lui, impossible de savoir sur quel pied danser. Était-il avec ou contre moi ? Ce mystère restait entier. Il ne dit rien de plus et s’éloigna vers la cour.

Je fulminais intérieurement. Mais il avait raison. Je ne devais pas attirer l’attention. Ni sur moi, ni sur Alice. Après les événements de la veille, c’était certain que le Grand Conseil allait être mis au courant. Si je séchais les cours, ça ne ferait que nourrir leurs soupçons.

Alors je pris la direction de mon aile. J’avais déjà manqué mon rendez-vous avec Monsieur Rhânlam. Je ne pouvais pas me permettre davantage d’écarts.

— Ça va ? me lança Mirabella une fois que je l’eus rejointe. T’es tout blanc !

— C’est ma couleur de peau naturelle, grognai-je.

— Non, sérieux… t’es encore plus pâle que d’habitude. T’es plus blanc que mon cul, c’est dire.

Un sourire involontaire m’échappa. Ça faisait du bien, quelque part, de sentir que quelqu’un s’inquiétait. Même si je restai silencieux.

Nous nous installâmes à nos places. Mirabella continuait de me lancer des regards en coin. Je n’avais pas l’énergie de répondre à ses inquiétudes.

Quand Monsieur Rhânlam entra, son regard s’arrêta sur moi un bref instant. Je lui lançai un sourire crispé, les lèvres pincées.

Sans un mot, il fit le tour de la classe, distribuant ses traditionnelles fioles. Quand il arriva à ma hauteur, il plongea la main dans sa poche et murmura :

— Celle-ci est spécialement pour toi.

Je fronçai les sourcils.

La fiole qu’il me tendit contenait une âme étrange. Bleu-gris, brumeuse, presque effacée. Elle s’agitait, frappait contre les parois, comme si elle cherchait à s’échapper. Quelque chose clochait.

Je la pris du bout des doigts, fasciné.

Le professeur parlait, donnait ses consignes à la classe, mais je n’écoutais rien. Toute mon attention était absorbée par cette âme prisonnière, énigmatique et floue.

Lorsque le silence retomba dans la salle, je portai lentement la fiole à mon œil… et plongeai mon regard dans la fente.

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