25 février, Tatti (deuxième woofing).

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La route allant vers Tatti n’est pas très fréquentée. Lacets rappelant les méandres d’un fleuve, ou d’un ruisseau, car la route est plus étroite après Meleta. Freinés par les côtes, on se grise de la lenteur et des paysages, on se grise de Toscane.

Tatti est un bourg de deux cents habitants niché sur une colline, au milieu de nulle part. Pétaouchnok italien réunissant le couple habituel des endroits préservés : le règne animal et le règne végétal. Nul ne domine : ils concourent.

Nous devons faire escale ici, chez une famille qui dit jouir d’une belle autonomie grâce à ses parcelles agricoles. Au bout d’une rue, tandis que nous nous sommes perdus, Valeria et Guido nous font signe en agitant les bras comme pour lancer des signaux de détresse, ils ont déjà gagné ma sympathie. Sourire majestueux de Valeria, qui n’en finit plus de montrer ses dents du bonheur. Chez Guido, ce sont les yeux qui nous sourient d’abord, des yeux couleur d’encre. Manifestement, nous avons conduit trop loin dans le bourg ; je recule pour faire demi-tour, et cogne un mur en pierre avec le marchepied. L’émotion, sans doute.

Nous visitons la maison, qui se révèle aussi chaleureuse que ses charmants propriétaires. Feu qui flambe dans l’âtre d’un poêle. Nous disons bonjour aux enfants, Helio et Xeno, quatorze et dix ans. En bas d’un escalier, c’est la chambre des woofers – nous aurons chambre avec vue. Sur la terrasse, il y a même un hamac depuis lequel on peut contempler la Toscane à son aise. Chemins comme des serpents, cyprès comme le cou des diplodocus, collines comme les seins des mammas, tantôts dénudées, tantôt garnies de vignes ou d’oliviers, puis mer Tyrrhénienne à l’horizon, soleil couchant comme un pomodoro, tous les clichés de la région réunis en un seul paysage. C’en est trop, nous n’enverrons cette carte postale à personne.

Le soir, nous mangeons des pâtes, et c’est un peu comme si c’était pour la toute première fois ; une extase qui ne s’arrête pas, exprimée par des hmmm sans cesse relayés par Marie ou par moi. Ces pâtes sont-elles vraiment meilleures qu’ailleurs ? Sans doute, mais le contexte est un réel exhausteur de goût. Les deux enfants ne se resservent pas : ils mangent ce plat depuis toujours. Sur la table, une bouteille de vino rosso sans sulfite, une autre d’huile d’olive, et du pain au levain ; Guido les produit lui-même afin de subvenir aux besoins quotidiens de la famille, et troque ou vend le surplus chaque semaine au marché. Pour le dessert, nous tremperons des cantuccinis, délicieux biscuits faits maison, dans un verre de vin doux qu’ils appellent Vin santo. Mais bon sang, que ne fabriquent-ils pas sur cette table ?

Tout le long du dîner, nous avons donc appris, sans le savoir, ce que nous ferons dans les prochains jours. Nous voilà redevenus des woofers, et Marie n’a jamais semblé si ravie de travailler demain ; c’est que mûrissent en elle des projets très concrets pour notre futur, des projets comme des chrysalides.

Le lendemain matin, Marie se réveille la première et s’en va dehors à tire-d’aile – une ébauche de papillon.

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