11 avril, Mycènes.

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À force de ne visiter que des ruines, on finit par être obnubilé par l’idée que toute civilisation n’est que ruine en puissance. Les vestiges de Mycènes sont comme un miroir vieillissant tendu vers notre civilisation, si puissante en apparence, et si vulnérable au fond.

À l’entrée de Mycènes, une porte monumentale appelée « porte des lionnes ». Au-dessus de son linteau, deux sculptures de fauves décapitées par le temps se font face : on a voulu faire peur à l’assaillant. Singeant la plupart des touristes ici présents, Marie et moi prenons la porte en photo. Malgré tout, ces deux lionnes ont quelque chose d’insolite à se faire ainsi photographier comme des bêtes curieuses, alors même que leur but originel était de flanquer la trouille à qui passait devant la porte.

À l’entrée de Paris, une arche monumentale appelée « arche de la Défense ». Mais comme il n’y a rien à défendre à notre époque, on n’a pas jugé bon de mettre en surplomb deux lionnes afin de mettre en déroute une armée. Autre temps, autres mœurs, l’arche abrite aujourd’hui des bureaux, ce qui n’empêche pas le flâneur de la prendre en photo. Faisons toutefois l’effort de nous projeter trois millénaires en avant : que révéleront les fouilles archéologiques en 5000 après Jésus-Christ ? Inutile ici de se moucher du coude : le béton armé ne fera guère mieux que les blocs de calcaire mycéniens. Au bout de cinquante ans, les armatures d’acier rouillent à l’intérieur du matériau, fragilisant toute la structure. Alors au bout de trois mille ans, soyons certains que l’Arche aura tout d’une belle ruine… À peine trouvera-t-on quelque carcasse d’ordinateur dans les décombres, alter ego des masques funéraires ou des vases mycéniens découverts dans la cité antique…

À l’entrée du site archéologique, Marie et moi finissons par franchir la porte des lionnes, un peu méditatifs. Âgée d’environ 3300 ans, la forteresse a gardé de beaux restes et ne paraît pas vouloir fléchir de sitôt. Derrière les murs, en revanche, Mycènes a mordu la poussière.

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