15 juin, Asclépion de Pergame

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Aujourd’hui, le soleil est de plomb, chauffé à blanc, dégoulinant sur le monde en rayons brûlants. En haut, sur le flanc de l’acropole, le grand théâtre antique est rivé dans son écrin montagneux, abrupt et glorieux pour les siècles des siècles. En contrebas, devant nous, les ruines de l’Asclépion, l’un des plus vieux établissements thérapeutiques, fondé sur l’emplacement d’une fontaine sacrée – en fait, une source d’eau. La légende dit qu’aux portes du site, on y aurait gravé : « Entrée interdite à la mort ». Nous entrons d’un pas décidé. Puis, mains sur la tête, on se demande où se trouve notre crème solaire indice 50 à l’extrait de pavot de Californie ? Dans la boîte à gant du fourgon.

Chaleur accablante. Où peut-on trouver de l’ombre ici-bas ? Les vestiges ont trop peu de hauteur. Un arbre imposant nous offre un refuge, en dessous duquel nous lisons ce que les patients venaient faire dans ce sanctuaire : bains d’eau thermale, bains de boue, bains de soleil, frictions, massages, ingestion de tisanes et de médicaments extraits des plantes, cures de sommeil, analyses des rêves, cures à base de musique, de spectacles et de jeux… La scène du petit théâtre était comme un cabinet médical ; la tragédie purgeait les âmes et la comédie ranimait les cœurs. Autour, la nature approvisionnait la pharmacie locale. En grec ancien, pharmakon veut dire à la fois remède et poison ; si la frontière est mince, c’est qu’il ne fallait pas se tromper dans le dosage ou dans les plantes utilisées. Ce minutieux travail d’herboriste était précieusement consigné dans les rouleaux de la bibliothèque attenante au théâtre, et la science avançait de la sorte, en open source. C’est d’ailleurs cet art ancien que nous découvrirons lors de notre prochain woofing, la semaine prochaine. Huiles essentielles et plantes médicinales : je vous donne ma curiosité contre tous vos secrets.

Nous quittons notre ombrelle végétale et nous dirigeons vers la fontaine sacrée, remplie d’une eau de source incroyablement fraîche et pure, tout le contraire de celle que nous avons dans le réservoir du fourgon. Marie se demande si nous ne pouvons pas revenir tout à l’heure avec notre bidon de quinze litres. Et pourquoi pas ? En attendant, Marie descend le petit escalier de trois marches et, joignant ses deux mains, se fabrique une coupelle pour se rafraîchir le visage. Emperlé, son front brille à la faveur du soleil, on dirait la vitre embuée d’un hammam. À mon tour, je descends pour me ressourcer de la plus animale des manières, en pendant la langue. Source d’eau, point zéro, dieu liquide, éruption vitale et bienfaitrice, abondance qui sourd de la roche-mère, qui mouille dans ce pays qui brûle, eau miraculeuse qui ne doit son existence à rien : c’est d’elle dont découle l’existence – et voilà ma soif étanchée. Soudain, une bourrasque emporte le chapeau de paille de Marie, qui vole sur plusieurs mètres et finit par tomber dans un trou, monde souterrain menant vers les chambres d’incubation. Il nous faut rentrer sur-le-champ : la peau de Marie est fragile, et ce n’est nullement nécessaire d’attraper une insolation dans ce haut-lieu de la médecine antique. Et puis, notre bidon d’eau brûle d’être rempli jusqu’à la gueule.

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