3 juillet

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Nous partageons maintenant notre yourte avec un Polonais du nom de Miłosz. Hier, il a pris connaissance du règlement de la commune, auquel il souscrit sans réserve ; il fait même déjà corps avec le groupe, il s’y sent comme un poisson dans l’eau. Ce matin, le réveil de son téléphone a sonné à six heures tapantes, il est parti à pas feutrés travailler dans le potager. Miłosz, premier de la classe.

Pendant le petit-déjeuner, tandis que nous racontons notre voyage et les prochains pays que nous traverserons, Miłosz suggère que nous nous arrêtions dans une ferme en Pologne, près de Cracovie, dans laquelle il était bénévole au printemps dernier. Ferme à visée thérapeutique, où des personnes autistes essaient de soigner leur maux par le biais de l’activité maraîchère. En tant qu’ancienne ergothérapeute, Marie ne peut que trouver l’idée formidable ! Et tandis que je les écoute parler de la Pologne, je m’aperçois par ricochet que je n’ai plus du tout envie d’être ici. Furieuse et familière démangeaison de reprendre la route, au point de me gratter vraiment le bras. Quelques instants plus tard, dans l’intimité de la yourte, j’annonce à Marie que je souhaite quitter la commune – elle était sur le point de m’annoncer la même chose ! L’affaire est entendue, nous partirons dans l’après-midi.

L’heure du départ a sonné. Les communards nous saluent de manière courtoise, en nous remerciant. Il n’y aura pas d’étreinte. Entre nous, l’écart était trop grand, le fleuve infranchissable. Étaient-ils trop en avance, ou trop en arrière ? En tout cas, nous nous sommes manqués. Chaudes embrassades avec Olivia et Almina ; nous leur disons güle güle – au revoir – car nous avons le sentiment que nous les reverrons. Quelque part, quelque année, qui sait ? Nous enlaçons du regard le vallon de verdure, la nature aux cent clochers, ces grands pins plantés dans ma mémoire. Nous emmenons dans nos valises Özgür, qui n’en pouvait plus de l’endroit. Marie met le contact, le moteur hennit de plaisir, et nous dévalons les pentes du massif en direction de la mer méditerranée. Grisés par tant de liberté soudaine, on croit décoller de la piste, on croit s’envoler vers le ciel, Bucéphale est devenu Pégase. Puis Marie pile au bord de la route : une tortue la traverse à son rythme. Özgür sort du fourgon pour déplacer le reptile près de son milieu naturel, une rivière qui descend des montagnes – et peut-être un prolongement de notre eau de source ? Au bout d’une heure, nous déposons Özgür à Fethiye, petite ville côtière qui nous semble immense et bruyante après ce temps passé coupés du monde. En bon Turc, Özgür a l’âme hospitalière et ne peut s’empêcher de nous inviter dans son village, en Cappadoce, où nous serons d’ici quinze jours. Nous prenons date. Le feu passe au vert, et nous devenons vite un point dans l’horizon d’Özgür.

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