17 août, Moscou

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À l’entrée de certains bâtiments touristiques de la capitale, comme ailleurs en Russie, on voit parfois dans un angle de la pièce (à l’image du coin rouge habituellement réservé aux icônes) une photo de Vladimir Poutine. Le regard est maternel, angélique, on pourrait le confondre avec la Madone. Omniscience, omniprésence, omnipotence. Quand je pense Russie, je pense Poutine, et c’est encore plus vrai à Moscou.

Mais ces jours-ci, Vladimir Poutine n’est pas à la fête. À Moscou, des manifestations massives ont tourné vinaigre. La plupart des opposants politiques ont été exclus des prochaines élections locales. Les leaders sont emprisonnés ; les manifestants arrêtés. Tous les samedis, c’est un déferlement de violences policières qui s’abat sur les Moscovites.

Et pourtant, nous voilà déambulant ce samedi dans le quartier du Kitaï Gorod en compagnie de Daniele, un espagnol vraiment charmant que nous avons rencontré devant le mausolée de Lénine. On fait connaissance, on se raconte autour d’un bortsch, on rigole, on se régale, on revient sur la place rouge, on atteint la rue Varvarka, on compare la fantaisie des églises à bulbes, on rentre à l’intérieur d’un parc, on s’assoit dans l’herbe, on respire, on partage, on se repaît de la coulée tranquille de la Moskova… Comme si de rien n’était. Les manifestants sont paraît-il à l’autre bout de la ville, et je ne sais quoi penser de ce décalage entre notre insouciance et leur gravité. C’est une chose étrange que de parcourir une ville en qualité de touriste, alors même qu’une abominable injustice est en train de déchirer nombre de ses habitants. Nous sommes avec, et pourtant nous sommes à côté. Tout proches, à l’autre bout. Ce n’est pas notre peuple qui se fait matraquer, mais est-ce vraiment si différent ? Ce peuple à qui l’on tord le bras, n’est-il pas tout à la fois de nationalité russe, espagnole et française ? Au bout d’un moment, nous finissons par tourner le dos à la Moskova, tandis que Daniele nous propose d’aller boire une bière – et nous partons boire une bière en terrasse.

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