27 septembre

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Comme tous les matins, nous buvons le kawa dans la cuisine en compagnie de nos « collègues ». Petits pains ronds, marmelade ou miel, sourires, éventuels éclats de rire, avant le passage aux vestiaires afin d’enfiler la tenue de travail. Puis nous prenons la direction des champs, suivis de Michal et de Krystyna (résidents). Patrycja, que nous croisons penchée sur les citrouilles, nous hèle et lance tout à trac : « Guys, Chirac is dead ! », et ce disant, elle tend les bras, lève l’index et le majeur pour faire un beau V, celui que Jacques Chirac arborait les jours de victoire. Avec son allure excentrique et ses yeux mutins, Patrycja ferait rire un tas de pierre. Tandis que nous arrachons les plants pourris de tomates à l’intérieur de la serre, la discussion balance entre la France et la Pologne. Marie demande à Jolanta : « Do you have good cheese in Poland? » Ce à quoi elle répond : « Of course we have : from France, from Italy… », et son rire aigu nous emporte avec elle. Patrycja n’est pas en reste, et nous apprend comment ramener par avion du fromage non pasteurisé : en le planquant dans son soutien-gorge ! Marie, qui n’en porte jamais, dit qu’elle pourra toujours remplir mon caleçon pour passer les frontières. Patrycja rit aux éclats ; la bonne humeur est si contagieuse que Krystyna, qui ne parle aucun mot d’anglais, qui ne connaît pour ainsi dire que son propre langage, Krystyna s’écroule également de rire. À la fin de la matinée, malgré les distractions, la serre est entièrement désherbée, parée pour les prochains semis de radis.

Il nous faut maintenant jeter tous les plants de tomates au compost. De son côté, Michal est assis sur une chaise, à l’ombre, et n’en bouge pas, car il est très sensible aux rayons du soleil. Par crainte d’une crise d’épilepsie, Jolanta le raccompagne à l’intérieur de la résidence, et nous invite à les suivre. Installés dans la cuisine, nous épluchons des céleris-raves et les coupons en petits morceaux. Jolanta remise les graines des citrouilles dans une boîte, et les sèmera quand la belle saison reviendra. Pendant ce temps, Michal ouvre un magazine people (le Gala local), non pour le lire mais parce qu’il apprécie beaucoup les couleurs vives et le papier glacé. Le regard concentré sur un quartier de citrouille, Krystyna semble essayer de le découper mentalement. En une heure, elle a bu deux carafes entières de thé noir. Deux litres. À plusieurs reprises, entre deux gorgées franches, elle s’est mise à crier en polonais : « Pas peur du monde ! », avant de reprendre son calme aussi subitement qu’elle s’était agitée. Patrycja dit que c’est grâce aux citrouilles, que Krystyna associe à sa famille, au chocolat, aux fêtes de fin d’année. De fait, elle a maintenant le sourire jusqu’aux oreilles, on dirait le ciel quand le vent chasse les nuages au profit du soleil.

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