Les gardiens

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J’attendais là mon heure sur la grève patiente, la jetée dans le dos, le regard au lointain des brumes et des flots. La journée sur sa fin, j’étais assis, serein, inerte au bord des eaux, sur les douces rocailles. Le désir en allé quand rien vraiment ne presse, sans but et sans voyage, quelque chose de soi se laisse s’écouler comme les beaux rivages...

Des mouettes et d’autres becs réclamaient leur dîner aux chalands, aux filets blanchis par les salins, transportant des festins frétillants et mourants. Du quai où j’écoutais quelque chose approcher, nimbé de ses embruns telle enfantée soudain par l’immense océan, venait en clapotant, avec quelqu’un dedans, une barque poussée…

Puis le bois déverni de son flanc sur la roche érodée par les ans, la rame aux cordages que tendaient leurs anneaux, un homme par les bras fut hissé par un autre, un fauteuil sur le quai pour accueillir son poids et le nocher fit signe que je vienne à mon tour…

J’allai, nonchalament, pris place dans la coque, avec dans chaque main un sac et un couchage. Nous prîmes par ces vagues qui forment les ressacs jusqu’à entrer bientôt dans le nuage opaque. L’aurore roussissait l’horizon familier que mes yeux embrassaient, soulevé par les ondes, un lainage douillet enveloppant mon dos…

Puis il me fit descendre, descendant à ma suite, arrimant le bateau. La tour de pierre muette face à nous comme un mur s’ouvrit dans le murmure où le vent s’engouffrait. Nous saisîmes nos torches accrochées au dedans, il referma la porte dans un vacarme sec et nous montâmes sans hâte l’escalier enroulé sur son axe ancestral...

Bien que froids et humides, le lichen au varech, l’un dehors, l’autre dedans, mêlés sur nous crachaient, exhalants et acides, leurs âcres puanteurs, la chaleur de nos flammes enveloppait nos âmes sans faillir de courage pour grimper forts et lourds jusqu’au foyer du haut…

Et là il alluma l’oeil du dieu fantastique, tournoyant, clignotant au-dessus des abîmes afin qu’aucun marin ne perdit sa boussole en fanchissant le cap ; et moi, trés simplement, j’étalai sur ma couche la couverture épaisse de mes nuits à venir de septembre à décembre.

Rien qui soit inquiétant et nulle houle à craindre, sauf le mugissement des vents qui aiment geindre et que le feu se mouille et qu’il faille partir. Je resterai perché dans ce mât millénaire aussi fort qu’un rocher dans les cris de la mer. Le nocher redescend et me laisse à mes pierres.

Mémoires oniriques

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