Chapitre 11 - La chute

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De retour au palais, l’atmosphère était chargée d’une lourdeur écrasante, de chagrin et de colère. Freyki, le visage figé dans un masque de douleur insondable, portait le corps sans vie de Jaelith à travers les couloirs silencieux, suivi de Tyrian, écrasé par le poids de la culpabilité. Les serviteurs, terrifiés, s’écartaient à leur passage, leurs regards emplis de stupeur et de crainte devant l’ampleur de la tragédie qui s’était abattue sur leur famille royale.

Dans la grande salle, Freyki déposa doucement le corps de Jaelith sur un autel improvisé, caressant son visage avec une tendresse désespérée. Puis il se redressa lentement, ses yeux étincelant d’une rage glaciale. Tyrian, incapable de soutenir son regard, se tenait en retrait, le visage dévasté par le chagrin.

« C’est ta faute, » murmura Freyki d’une voix basse et tranchante, une voix chargée de haine refoulée. « Tu les as tués, Tyrian. Tu as pris Jaelith et Tanis… Tu as pris ce que j’avais de plus cher. »

Les mots, lourds comme des coups, frappèrent Tyrian de plein fouet. Il tenta de balbutier une réponse, cherchant désespérément les mots pour exprimer son remords. « Père, je… je n’ai jamais voulu… »

« Tais-toi ! » hurla Freyki, sa voix résonnant dans toute la salle, emplie d’une rage incontrôlable. « Tu les as envoyés à la mort ! »

Soudain, il se jeta sur Tyrian, le saisissant brutalement par le col de sa tunique, le visage déformé par la colère et le chagrin. « Pourquoi, Tyrian ? Pourquoi as-tu fait ça ? Comment as-tu pu trahir notre famille de cette manière ? »

Tyrian, secoué par les sanglots, ne trouva rien à répondre, ses mots étouffés dans sa gorge par la honte et le désespoir. Mais les larmes qui roulaient sur son visage n’atteignaient pas Freyki, qui, aveuglé par la fureur, le frappa violemment au visage, le projetant à terre.

« Monstre ! » s’écria Freyki, le poing levé, prêt à frapper à nouveau. La rage se déversait en vagues incontrôlées, chaque coup marquant un peu plus le visage déjà meurtri de Tyrian. « Traître ! »

Au même moment, Talia, alertée par les cris, se précipita dans la salle, suivie de Feiyl et d’Elrynd. Elle resta un instant figée en voyant la scène qui se déroulait sous ses yeux. Son père, hors de lui, s’acharnait sur son frère, incapable de contrôler sa haine. L’horreur la submergea, et elle se jeta entre eux.

« Père, arrête ! » cria-t-elle, tentant d’écarter son père, les larmes aux yeux. « Tu vas le tuer ! Il est ton fils ! »

Feiyl, d’un geste rapide, s’interposa à son tour, attrapant le bras de Freyki pour empêcher un nouveau coup. « Assez, Freyki ! » Sa voix était dure et ferme, mais remplie de compassion. « Tyrian est ton fils, et quoi qu’il ait fait, il ne mérite pas cela. »

Elrynd, les yeux tristes et abattus, aida Talia à soulever Tyrian, dont le visage était marqué par le sang et les ecchymoses. « Seigneur, la violence ne changera rien. Elle ne fera que briser un peu plus cette famille. »

Le regard de Freyki vacilla alors qu’il reculait de quelques pas, la respiration haletante. Dans ses yeux, la rage fit place à un désespoir intense. « Il les a tués… il les a tués… » murmura-t-il d’une voix brisée, répétant les mots comme un sombre mantra. Son regard se vida, et il baissa la tête, muré dans sa douleur.

Talia, soutenant Tyrian, se tourna vers son frère, la voix douce mais tremblante d’émotion. « Nous allons te soigner, Tyrian. Ne t’en fais pas… nous ne t’abandonnerons pas. »

Tyrian, affaibli, hocha légèrement la tête, reconnaissant envers sa sœur. Le soutien de Talia, la présence de Feiyl et d’Elrynd étaient tout ce qu’il lui restait pour ne pas sombrer complètement. Ensemble, ils l’aidèrent à quitter la salle, le conduisant avec précaution vers l’infirmerie.

Resté seul dans la grande salle, Freyki s’effondra au sol, ses mains tremblantes pressées contre son visage. Son esprit tourbillonnait, assailli par les souvenirs de Jaelith, de son sourire, de sa douceur, et du regard innocent de Tanis. Ces images se superposaient avec la froide réalité de leur mort. Un cri de désespoir s’échappa de sa gorge, un cri qui résonna dans tout le palais, glaçant le sang de ceux qui l’entendirent.

« Jaelith… Tanis… » murmura-t-il, ses larmes coulant librement, un flot ininterrompu de chagrin.

Les jours qui suivirent furent marqués par une descente progressive dans la folie pour Freyki. Il s’enferma dans ses appartements, ne souhaitant voir personne. Les nuits étaient agitées, emplies de cauchemars où il revoyait les visages aimés de ceux qu’il avait perdus. Ses hurlements de douleur retentissaient à travers les couloirs, effrayant les serviteurs qui n’osaient plus approcher.

Le jour, il passait des heures à contempler les possessions de Jaelith et de Tanis, s’accrochant aux souvenirs d’un passé désormais irrévocable. L’alcool devint son seul réconfort, l’aidant à étouffer temporairement sa douleur, mais le plongeant chaque jour un peu plus dans un abîme insondable.

Pendant ce temps, Talia, malgré sa propre peine, se força à endosser les responsabilités laissées vacantes par son père. La jeune princesse, autrefois insouciante, était devenue le dernier pilier du royaume. Avec une résilience inattendue, elle prenait en charge les affaires royales, épaulée par Feiyl et Elrynd. Bien que dévastée par la perte de sa mère et de son frère, elle savait que le royaume avait besoin de stabilité, surtout en ces temps sombres.

Feiyl, toujours à ses côtés, veillait sur elle avec une loyauté indéfectible. Il tentait de soulager le fardeau qu’elle portait, lui offrant son soutien et sa force. « Nous surmonterons cela, Talia, » lui assurait-il souvent, un éclat d’espoir dans le regard. « Le royaume a besoin de toi, et je suis là pour t’aider. »

Talia trouvait du réconfort dans les paroles et la présence de Feiyl, et avec lui à ses côtés, elle sentait qu’elle pouvait encore tenir. Ensemble, ils s’efforçaient de maintenir l’équilibre fragile du royaume, malgré les épreuves qui secouaient leur famille.

Ce soir-là, Tyrian, blessé et abattu, trouva le sommeil sans résistance, comme une fuite désespérée vers un monde où la douleur ne le suivrait pas. Mais le sommeil n’apporta aucune paix. Il se retrouva dans un cauchemar, plongé dans un paysage désolé et terrifiant.

Le ciel, noir et menaçant, grondait comme un animal furieux, déversant une pluie froide et incessante. Autour de lui, le sol était jonché de corps sans vie, leurs visages figés dans des expressions de peur et de douleur. Le sol, trempé de pluie et de sang, semblait pulser sous ses pieds, comme un rappel sinistre de ce qu’il avait causé.

Tyrian baissa les yeux et vit ses mains couvertes de sang, un rouge vif et éclatant qui lui donnait la nausée. Chaque goutte de sang semblait incarner un visage, une voix, une vie détruite par ses actions. La culpabilité l’envahit, se répandant en lui comme une marée inarrêtable.

Alors, incapable de contenir la douleur qui dévorait son âme, il hurla, un cri désespéré où se mêlaient la colère, la honte et le chagrin. Ce hurlement résonna dans l’étendue noire, se perdant dans le néant. Mais aucune réponse ne vint. Il était seul, emprisonné dans les ténèbres de son propre esprit.

Soudain, une voix froide, distante, murmura à son oreille : « C’est ce que tu as voulu, Tyrian. Ce que tu as semé. » Le père Nidud, même dans les profondeurs de ses rêves, continuait de hanter son esprit, lui rappelant sa trahison.

Tyrian se réveilla en sursaut, le souffle court, trempé de sueur froide. La réalité revint comme une gifle, et il réalisa avec horreur que le cauchemar persistait dans le monde éveillé. Les souvenirs de ce qu’il avait fait, de la mort de Tanis et de Jaelith, pesaient sur lui comme un poids impossible à supporter. La voix du père Nidud résonnait encore dans son esprit, déformée, moqueuse, un murmure venimeux qui ne semblait jamais vouloir le quitter.

Il se leva, les jambes vacillantes, et s'approcha de la fenêtre de sa chambre. La lune jetait une lumière pâle sur les jardins silencieux du palais, et l’obscurité des ombres l’enveloppait. Il se sentait aussi froid et vide que la nuit elle-même. La douleur de la culpabilité déchirait chaque fibre de son être. Le souvenir du regard d’accusation de son père, de la déception de Jaelith, et surtout, de l’innocence de Tanis, qu’il avait trahie… tout cela s’entremêlait en une spirale de désespoir.

Des coups légers frappèrent à sa porte. « Tyrian ? » La voix douce de Talia perça la noirceur de ses pensées.

Tyrian hésita un instant, avant de murmurer d’une voix brisée : « Entre. »

Talia poussa la porte avec précaution et entra, portant une petite lampe dont la lumière vacillante illuminait son visage fatigué mais déterminé. En voyant l’état de son frère, elle ressentit un pincement au cœur. Elle savait que Tyrian portait une part de responsabilité, mais elle voyait aussi l’ampleur de la souffrance qui l’habitait.

« Je voulais m’assurer que tu allais bien, » dit-elle doucement en s’approchant de lui.

Tyrian, incapable de soutenir son regard, fixa le sol. « Talia, je… je ne mérite pas ta compassion. J’ai tout détruit. Je suis la raison de votre douleur. »

Talia s’approcha et posa une main réconfortante sur son épaule. « Tyrian, je ne prétends pas comprendre ce que tu ressens. Ce que tu as fait… » Elle marqua une pause, cherchant les mots. « …c’est impardonnable. Mais tu es toujours mon frère. Je ne veux pas te voir te détruire. »

La voix de Tyrian trembla sous l’effet de l’émotion. « Père a raison de me haïr. Et toi aussi. Je me déteste pour ce que j’ai fait. Je ne pourrai jamais réparer ça. »

Talia, luttant elle-même contre les larmes, serra un peu plus son épaule. « Peut-être que tu ne pourras pas réparer, Tyrian. Mais tu peux essayer de trouver un chemin pour t’amender. Si tu veux honorer notre mère et Tanis, commence par faire face à ce que tu as causé. Reste avec moi, ici, et trouvons ensemble un moyen de reconstruire ce qui peut l’être. »

Le jeune prince, bouleversé, hocha faiblement la tête. « Je ne sais pas si je le mérite, Talia… Mais si tu m’accordes une chance, je ferai tout pour te prouver que je peux changer. »

Un mince sourire apparut sur le visage de Talia, teinté d’espoir et de tristesse. Elle savait que leur famille était à jamais brisée, mais elle ne voulait pas perdre son frère à son tour. « Nous avons beaucoup perdu, Tyrian. Mais tu as encore le choix de devenir meilleur. Je serai là pour t’aider… si tu es prêt à essayer. »

Ils restèrent ainsi un moment, le silence de la nuit enveloppant leur douleur partagée, chacun d’eux cherchant la force dans la présence de l’autre pour affronter l’avenir incertain qui les attendait.

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