Stratagèmes

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Sa silhouette se découpe sur la porte. Sa main est sur la poignée et son dos me repousse déjà tel un aimant inversé, des forces contraires sont à l’œuvre. La porte est mon dernier et dérisoire rempart et je vois bien que je ne peux compter sur elle.

Mes ultimes stratagèmes veulent me faire croire que je serai plus forte que l’inéluctable, plus forte que cette foutue porte.

* Le lasso

D'un geste ample et précis, je déploie le lasso qui finit sa course sifflante autour de son torse. Je serre en douceur l'étreinte de cuir et commence à le tirer vers moi en enroulant le fil sur ma main. Nulle résistance, nulle opposition. L'espace rétrécit entre nous par le pouvoir de mon geste ferme et délié.

*Le sortilège

La porte recule à mesure qu'il s'en approche et le couloir de l'entrée s'étire comme du chewing-gum, à l'infini. Les perspectives se fondent en un point lointain, à peine visible. Il faut cligner des yeux pour le voir. La lumière est vive, presque blanche, absorbant les ombres et les recoins. Je m'approche de lui et ma main le rassure, le ramène dans le monde connu où il ignore tout de ma magie.

*Le chant des sirènes

La mélopée s'échappe de mes lèvres, se déverse, sirupeuse et mielleuse, à peine scandée, à peine chantée. Une ambiance de chamallow rose l'entoure et son esprit déjà, englué dans les paroles ensorceleuses a capitulé, captivé par ma voix, désireux de se fondre sans résister et totalement à ce chant-caramel.

*Le désir

Cambrer les reins pour tendre la dentelle où elle doit être tendue, pour attirer ses yeux, pour attirer sa main. Le plumetis noir montre plus qu'il ne couvre et le lien de satin se termine en un nœud qui ne demande qu'à être défait, glissement soyeux, murmure suave. Un souffle à peine retenu. Sa fébrilité est palpable, aimantée par la moue à peine esquissée de ma bouche.

Faut-il que je sois pathétique pour faire semblant d’y croire.

D’incantations en supplications vaines, je sacrifie le peu d’estime qu’il me reste pour la femme que je suis devenue, prête à ramper, à gémir, à supplier, à s'oublier pour le retenir.

Il va me quitter. A quoi bon chercher à le nier.

Désespérément je tente de le ralentir, l'empêcher, le soudoyer, l'emprisonner, le faire fléchir, le charmer, le contraindre.

Il me quitte.

Et cette garce de porte, à peine en aura-t-il franchi le seuil, claquera à la volée sous l’effet du vent mauvais soulevé par nos trajectoires contrariées.

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