Brouillard d'étincelles

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Les vampires n’étaient plus qu’à quelques mètres des forces de Lanterneg. Les loyalistes leur criaient des insultes auxquelles les buveurs de sang répondirent par des grognements, des cris gutturaux et parfois des insultes si alambiquées qu’un humain normal ne pouvait pas les comprendre. Certains d’entre eux sentirent toutefois leur attention être happée par un étrange phénomène : il neigeait. Ou plutôt, il tombait, comme tombe la neige, de petits flocons blancs venus visiblement du ciel ou d’assez loin en hauteur. C’étaient de minuscules points blanchâtres sculptés dans des formes qui rappelaient les flocons de neige, mais qui étaient composés de lumière pure. Les vampire reniflèrent de dégoût, mais décidèrent d’ignorer le phénomène pour se jeter sur leurs adversaires. Très vite, ils parvinrent au contact, et la ligne des loyalistes faillit plier sous l’assaut des monstres. Les vampires étaient furieux, rongés par la faim et la colère, mais poussés aussi par leur fanatisme, et ils chargeaient au cri de « Pour le prophète Tailing ! » et « À nous la lumière ! ». Mais bien vite ils déchantèrent.

La pluie de minces flocons s’intensifia. Lentement d’abord, puis de plus en plus vite, au point d’atteindre des degrés absurdes. La mêlée commençait, serrée pour les troupes de Lanterneg dont les hommes tenaient difficilement en respect des adversaires immortels, quand la pluie de lumière devint soudainement un blizzard. Les vampires hurlèrent de frustration, pris dans un torrent de lumière qui les cernait de toutes parts, qui pleuvait littéralement sur le champs de bataille depuis un ciel pourtant aussi noir que d’ordinaire. Les humains voyaient, les vampires étaient aussi aveugles qu’ils auraient espérés que leurs adversaires soient. Certains buveurs de sang en furent si perturbés qu’ils cessèrent le combat pour se mettre à prier, espérant que le dieu de la lumière produirait un miracle et passerait de leur côté, mais la magie cruelle de Licht ne cessa pas pour autant, pas plus que les vampires n’obtinrent soudainement le don de voir à travers la blancheur nitescente qui les entourait comme un brouillard d’étincelles.

Les paladins de Lanterneg organisèrent une contre attaque en chargeant conjointement avec un nouveau tir de bouche à feu sur le flanc gauche adverse. Les humains du royaume de la paix éternelle rompirent la ligne en premier, et le flanc commença à se déliter, mais la charge des paladins, menés par l’évêque Radharielle en personne qui ouvrait la voie de ses pouvoirs divins et de sa masse d’armes mit finalement les vampires en déroute. Les généraux hérétiques firent sonner la retraite, espérant que les choses se feraient avec le moins de désordre possible. L’armée de Lanterneg se mit à avancer sur les vampires qui reculaient, ramassant les buveurs de sang à terre pour les promettre au crucifiement. La victoire de Lanterneg semblait actée, et pendant ce temps, Licht tombait de fatigue, s’effondrant à demi. Ses sortilèges l’avaient épuisés, mais la fierté l’emplissait tellement qu’il résista à la tentation doucereuse de s’évanouir pour garder un œil rivé sur le champs de bataille où s’exécutait « sa » victoire.

C’est alors qu’il se produisit un phénomène surprenant. Les vampires tentaient désespérément de sauver leurs vies éternelles face aux paladins qui les poursuivaient, quand le flanc gauche, les humains, se reforma de lui même. Une sorte de mouvement spontané avait mené les soldats humains à reformer les rangs, et à se jeter sur les paladins. Ce mouvement inattendu perturba le champs de bataille comme une poussière qui bloque un engrenage bien en marche. Les soldats de Lanterneg qui avançaient en formation virent sur leur chemin de petites poches de quelques dizaines de soldats fanatiques qui refusaient de se rendre ou de fuir. On les massacrait jusqu’au dernier, puis on avançait sur quelques mètres, et alors arrivait la poche suivante. Avec frustration, les paladins qui avaient d’abord décidé de laisser une chance à leurs ennemis résolurent de ne plus les sommer de se rendre et de simplement charger à travers et les massacrer. Hélas, cette décision ne changea pas la donne, puisque les hérétiques se sacrifiant permirent à leurs « frères » vampires de gagner du terrain et de distancer les troupes de Lanterneg. Finalement, la majeure partie des vampires parvint à se replier à peu près en ordre et l’armée du royaume de la paix éternelle se retira, bredouille et exsangue, mais pas encore écrasée grâce au sacrifice de la majorité de leurs soldats humains. Licht vit cela d’un œil et grinça des dents sous la frustration de voir autant de monstres impies échapper à la justice. Ce n'était que partie remise.

« Ah ! Quand je pense que ça ne tenait qu’à vous d’empêcher ça ! » s’écria l’inquisiteur.

Licht tourna la tête vers lui, brusquement, trop brusquement.

« Je vous demande pardon ?

- Eh bien ! Si vous n’aviez pas gaspillé toutes vos forces avant la fin des combats, vous auriez pu utiliser les mêmes sorts pour ralentir la fuite des vampires et les empêcher de se replier. »

Licht le contempla d’un air incrédule. Il se surprit lui même en constatant qu’il était en colère. Non. Furieux.

Sa communion avec la lumière avait pris fin. Pas totalement puisque son corps et son sang étaient en permanence reliés à cette énergie magique, mais il avait plus ou moins épuisé les ressources de sa méditation, et maintenant, il se sentait bouillir.

« Vous voulez rire, votre excellence ?

- Rire ? Nous sommes sur un champs de bataille garçon ! Vous croyez que l’on rit ici ?

- Non, pardon, bien sûr. » Licht toussa dans sa main, d’abord l’air de rien, puis plus fort, avec virulence, transformant la chose en une toux sèche spectaculaire. Il se racla violemment la gorge avant de s’excuser.

« Vous me pardonnerez votre excellence… je ne me sens pas très bien… »

Et sans crier gare il ouvrit largement la bouche et, comme un magma luisant, un flot blanchâtre de lumière dangereusement vive jaillit de sa bouche. Il vomissait un flot de photons liquides dans la direction de l’inquisiteur qui se couvrit les yeux une seconde trop tard avec un couinement de douleur.

« Ah ! Mes yeux !

- Pardonnez moi votre excellence, c’était fortuit. Un effet secondaire qui arrive quand j’use trop de mes pouvoirs. Je suis sincèrement désol… »

Juste à l’instant où l’inquisiteur rouvrait ses yeux pour mieux le réprimander, il réitéra en gloussant intérieurement. Le flot immaculé se dispersait dans l’atmosphère avant de toucher le sol, mais son éclat était des plus douloureux pour la rétine, et l’inquisiteur couina derechef.

« Mais quel dangereux idiot ! Maudit sorcier ! Bon sang ! Qui nous a fichu un incompétent pareil ! »

Licht riait intérieurement. En portant une main à sa bouche dans une mimique pour faussement calmer l’élan de bile photonique, il camoufla son sourire.

« Excusez moi, votre excellence. Si vous me le permettez, je vais immédiatement aller me reposer afin d’éviter que cela ne se reproduise.

- Dépêchez vous alors, sale incompétent ! Ah mes pauvres yeux ! »

Et comme l’inquisiteur avait tous les yeux fermés, Licht s’autorisa un sourire ouvert avant de s’éloigner en direction de sa tente. Il était satisfait du rôle qu’il avait joué aujourd’hui, et était sûr que la prochaine bataille serait encore plus satisfaisante. Ainsi était la lumière, une énergie capable de se réjouir de tout, des douceurs comme des atrocités, de la froide rigidité du dogme ou de l’étincelle brulante d’une farce. Il fallait que le monde fut pour que la lumière existe, et il fallait que la lumière existe pour que le monde soit ; le monde dans son intégralité, et la lumière dans toutes ses nuances. Telle serait sa science pour aujourd’hui. Le dieu de la lumière complèterait ainsi sa sagesse chaque jour un peu plus jusqu’à sa mort.

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