Vous êtes conduite dans des dédales de couloir à l’aspect si ostentatoire que vous avez l’impression de vous balader dans l’Elysée. D’incroyables peintures trônent fièrement sur les murs, que votre maigre bagage accumulé dans votre école d’art vous permet tout de même d’estimer comme valant chacun probablement plus cher que la voiture de vos parents. Ce qui est sûr, ce que vous en prenez plein les yeux. Et que vous n’êtes pas de ce monde.

Bientôt, on vous invite à entrer dans une petite pièce dans laquelle vous allez probablement passer votre entretien. C’est une sorte de chambre d’une quinzaine de mètres carrés, sans fenêtre mais malgré tout bien éclairée par un plafonnier des plus chics. Pour tout mobilier, il y a un canapé en cuir blanc jouxtant une unique bibliothèque ne jurant pas avec la décoration que vous avez vue jusque-là, ainsi qu’un paravent très chic dans un coin. Pointée sur le canapé – et c’est là que vous commencez à sentir votre anxiété atteindre des sommets – une caméra sur un trépied est posée non loin de celui qui sera sans doute votre examinateur.

L’homme en costume et en chaussures noirs, le visage carré, les cheveux poivre et sel à la George Clooney, la quarantaine fringante, plutôt beau-gosse, est assis sur une chaise design style scandinave, un bloc-notes à la main. Clairement, vous auriez pu tomber sur plus moche... Les jambes croisées, les doigts sur les lèvres, il vous regarde entrer d’un œil attentif comme si l’entretien avait commencé au moment où vous avez passé la porte.

– Bonjour mademoiselle, vous lance-t-il d’un ton chaleureux.

– B-Bonjour monsieur, répondez-vous d’une voix mal assurée malgré vous.

En mode manspreading, Il décroise les jambes et vous invite à vous assoir sur le canapé, ce que vous faites en prenant bien soin de croiser les vôtres pour ne pas lui offrir une vue dégagée sur l’intérieur de vos cuisses et ainsi paraître vulgaire.

– Bien, reprend-t-il en consultant ces notes. Mademoiselle Cortes c’est bien cela ?

– Oui, tout à fait.

– Vous savez pourquoi vous êtes ici ?

Vous vous éclaircissez la gorge.

– Hem... Eh bien, j’ai entendu... Je veux dire, on m’a parlé d’un travail dans votre magazine. En tant que heu... modèle.

Décidément, votre voix ce n’est pas ça ! Vous essayez de vous calmer.

– Exact. Et que savez-vous sur SX Mag ?

La question vous surprend, car d’après ce que vous avez compris ils sont encore assez secrets.

– Heu... Pas grand-chose à vrai dire. Je sais que vous êtes un nouveau magazine de mode. Je suis allée sur votre site mais il était en construction alors...

– C’est exact. Et c’est parfait. Effectivement nous sommes très secrets. Nous recrutons des modèles d’un nouveau genre. Mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.

A cet instant, il vous adresse un clin d’œil amical. Vous ne savez que penser de lui. Il ressemble à un homme d’affaires, mais en même temps il vous paraît tout à fait sympathique.

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