"Dans mille ans, c'est de ça dont on se souviendra. Et les détails inutiles de nos bouquins, on les aura tous oubliés."
H. 19h26. BU médecine.

Les fragments sont petits, prennent si peu de place dans un cerveau que je bourre malgré les coups de ceux qui décident sans savoir. Mais H. a raison, ces instants, il faut en prendre en soin.

Plus tard, je veux me souvenir d'une touffe bouclée qui me faisait des signes douteux par les vitres de la bibliothèque, revoir cette main se tendre en poing pour me saluer aux rares pauses café. Il faudra dessiner les expressions des uns et des autres face aux imprévus, la rage des bouquins à n'en plus finir qui ne concordent pas entre eux. Savoir qu'on s'éclairait d'un sourire en voyant l'un de nous derrière le comptoir des bibliothécaires - c'est qu'on se gère seuls dans notre milieu.

Dans mille minutes, il faudra que ce soit ancré : ces quelques cartes qu'on aura balancé sur une table pendant les 30 maigres minutes qu'on s'accordait, les playlists Lofi dans les oreilles pour masquer les bruits, les crush de BU, les shots de madeleine et les verres volés.

Dans mille heures, on saura qu'un 28 octobre au soir, un estampillage dans le dos m'annonçait que j'allais périmer deux semaines plus tard.

Dans mille jours, il faudra connaître par cœur le goût insipide des sandwichs qu'on avalait à midi sans s'inquiéter de leurs compositions, retourner voir la plante qui porte des traces suspectes de dents et aussi, l'écharpe qu'on avait coincé dans la soufflerie malade.

Mille ans plus tard, je veux revenir aux personnes qui se sont tenues la conscience hors des vagues pour ne pas sombrer.