Chapitre 2

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  • On ferait bien de sortir, l’eau commence à refroidir.

 Mera rouvrit les yeux, qu’elle n’avait même pas sentit se fermer. Elle fit onduler l’eau de ses doigts, et releva la tête. Le visage d’Adraïd s’illumina alors.

  • Décidément, je crois que je ne m’habituerai jamais à ce spectacle…
  • Me voir nue ? Rit Mera, ravie de voir qu’Adraïd avait cessé de bouder.
  • Non imbécile, de voir tes cheveux se colorer autant quand ils sont arrosés.

 Mera regarda dans le miroir sa chevelure d’un vert jade lumineux.

  • Et oui, plus mes cheveux prennent l’eau, plus ils poussent et redeviennent verts. Et dire qu’avant on me surnommait Le Brocoli…

 Elle laissa Adraïd l’admirer, puis l’étreindre. Blottie contre sa compagne, Mera profitait encore d’elle, et de son odeur sucrée.

  • Quand j’étais petite, murmurait-elle. Mes amis n’arrêtaient pas de dire que mes cheveux ressemblaient à de l’herbe, ou à des légumes, et que mes bois étaient des branches que j’avais ramassé et collé à mon crâne. Ils trouvaient ça moche. A cause de ça, j’ai arrêté de les hydrater pendant tout un mois.

 Adraïd ne dit rien, attendant la suite. Elle connaissait cette histoire, elle savait ce qu’avait vécu Mera.

  • Mes cheveux sont alors devenus tous… jaunes, et puis ils ont commencé à tomber. Même mes bois commençaient à se dessécher et à ressembler à de vulgaires brindilles. Ça formait des trous inégaux, mes parents ont décidé de tout couper. J’ai du les hydrater quatre fois par jour et attendre un an entier avant qu’ils ne redeviennent comme avant. C’était horrible, les villageois m’avaient surnommée « le Brocoli sec » En plus, avec mes bois et mes épines que je ne contrôlais pas encore parfaitement, j’avais vraiment l’air d’un légume en furie.

 Elle resserra son étreinte et entendit Adraïd murmurer :

  • Je t’aime tellement… ils ont tous été bien sots de ne pas chercher à te connaître.

 Le cœur serré, Mera se refusa de lui dire qu’elle l’aimait aussi. Elle savait que cette relation était vouée à l’échec, et mettre des mots sur ses émotions serait encore plus douloureux.

  • Il nous reste quarante-cinq minutes avant que Lily vienne me coiffer, ça nous laisse le temps de profiter une dernière fois, susurra Mera d’un air taquin.

 Adraïd ne répondit rien, mais son regard malicieux parlait pour elle. Mera sentit ses doigts se mêler à sa peau, sa bouche effleurer la sienne, et dans un soupir complice, se laissa emporter par leur désir commun. Cette fois-là était différente de toutes les autres fois où elles avaient fait l’amour. Il y avait une sorte de bestialité, et d’abandon. Comme si pour cette dernière fois avant un très long moment, elles voulaient marquer le coup. La détresse se ressentait dans chacun de leur geste.

 Le temps sembla s’effacer, comme s’il avait mis le cours de la matinée en pause pour leur laisser un dernier moment intime. Il ne restait plus que la chaleur de leur corps, et cet élan dans leurs gestes, comme pour se dire au-revoir.

 Quand leurs corps se détachèrent lentement, Mera se dirigea vers la malle qui contenait sa tenue de mariage et ses accessoires. Tandis qu’Adraïd essayait tant bien que mal de regrouper ses cheveux épars en un chignon élégant, Mera déballait la robe et se hâta de l’enfiler. Quand elle s’observa dans le miroir, elle s’arrêta tout de même un instant pour s’admirer. Elle était d’une beauté époustouflante, et elle dû bien avouer qu’elle se trouvait magnifique avec cette tenue. Le tissu en soie semblait tissé de lumière. Le corsage brodé de fils d’or, suivait les courbes de sa poitrine, mettant en valeur sa gorge dénudée. Une broche en forme de jonquille, l’emblème de la famille De Janver, retenait le tissu à la naissance du décolleté, comme s’il représentait le cadenas d’un présent interdit. Les manches, d’un voile diaphane, s’évasaient autour de ses bras avec légereté. Quant à la jupe, elle s’étirait en un dégradé subtil de blanc et de crème. C’était une robe de mariée digne d’une reine, et pourtant, en voyant son reflet aussi bien apprêté, Mera eut le cœur serré.

  • Tu es sublime, mon ange, souffla Adraïd dans son cou.

 Elle-même était vêtue d’une robe épurée, dans les tons du coucher de soleil, s’accordant parfaitement à ses yeux ocres. Elle était assez modeste, mais très élégante. Mera se fit la remarque que le jaune et l’orange étaient les couleurs qui lui seyaient le mieux.

  • Toi aussi tu es très en beauté, renchérit Mera avec un sourire béat.

 Elle se retourna vers le miroir et orna ses bois de quelques breloques. Dans la malle, elle trouva deux beaux bracelets assortis à la robe et un collier de perles couleur crème. C’était celui que lui avait offert Octave pour ses 14 ans. Des pas se firent alors entendre et une petite voix de l’autre côté de la porte demanda :

  • Je peux entrer, mademoiselle De Janver ?
  • Oui, je suis prête.

 La femme de chambre entra alors et ne put s’empêcher de sourire.

  • Si je peux me permettre, vous êtes vraiment ravissante dans cette tenue.
  • Merci Lily. Quelle coiffure avez-vous prévu de me faire ?

 Lily sortit de sa poche un parchemin signé de la gouvernante avec les instructions.

  • Il s’agit d’une de mes spécialités, je n’ai pas encore trouvé de nom à cette coiffure, mais c’est en quelque sorte un chignon tressé de manière assez complexe. Vous verrez ça ira parfaitement avec votre tenue et ça mettra vos bois en avant.

 Alors que la femme de chambre s’affairait à la coiffer, Adraïd restait en retrait, le regard vide.

*

 Quand enfin elle fut prête, elle admit que le travail de la femme de chambre était remarquable. Ses cheveux avaient une allure féérique, ils semblaient tressés par des doigts magiques. Accompagnée d’Adraïd et Lily, elle se rendit dans le jardin qui donnait sur la chapelle ou se déroulerai la cérémonie. Adraïd s’éclipsa discrètement et rejoignit sa famille parmi la foule d’invité déjà installés dans la chapelle.

 Le père de Mera quant à lui, l’attendait devant l’entrée, les sourcils froncés et un air déçu, comme à chaque fois qu’il la dévisageait.

  • Te voilà enfin, j’ai bien cru que tu aurais du retard. Tiens-toi droite, par Dedit, c’est ton mariage, un peu de tenue. J’espère qu’au château de Rimabelle tu te comporteras mieux. Tu te dois d’être exemplaire, tu porteras bientôt les fils de ton mari alors comporte toi en adulte.

 Elle dû détourner le regard afin de lever les yeux au ciel, son père, lui, n’agissait jamais en père. Elle avait beau ne pas avoir envie de quitter ses habitudes et son manoir, elle avait tout de même hâte de quitter sa famille. Son père lui prit sans délicatesse le bras, et ils se dirigèrent vers la chapelle.

  • N’oublie pas de saluer le Suprême Philique en entrant, chuchota son père avant d’entrer.

 Elle opina de la tête, l’estomac trop noué pour parler.

 L’orchestre commença à jouer et ils entrèrent. Tous les regards étaient tournés vers elle, toute la cour était là. Elle essaya tant bien que mal de sourire, comme si c’était le plus beau jour de sa vie, mais son regard s’attarda surtout sur Adraïd qui la regardait avec passion. En face d’elle, sur l’estrade, était installé un Père Deditarque, Sa Majestée Philique, et Octave de Rimabelle. Son fiancé et futur mari. Il se tenait droit, sans sourire, et fixait Mera.

 Quand elle arriva devant l’estrade, son père et elle s’inclinèrent devant leur dirigeant, et la cérémonie pu commencer. Prenant place aux côtés de son fiancé, elle tachait d’être attentive au discours du prêtre.

  • J’en connais une qui a pris son pied avant d’arriver… murmura discrètement Octave entre ses dents sans se tourner vers elle.
  • Comment… ? Oh j’avais oublié ton odorat sensible. Et par je ne sais quelle déduction tu as réussi à deviner que ma transpiration émanait de… mes ébats avec Adraïd. Tu es incorrigible, chuchota-t-elle en retour.

 Elle vit une ébauche de sourire sur le visage de son futur époux et il répondit encore plus bas :

  • Je suis incorrigible ? Moi au moins je n’ai couché avec personne la veille de mon mariage… Imagine si quelqu’un d’autre s’en rend compte ?

 Elle attendit un moment avant de répondre, adressant un sourire à sa mère qui avait visiblement vu ses lèvres bouger.

  • Personne ne le remarquera, tu es le seul imbécile à avoir un odorat aussi développé. Et si quelqu’un m’en parle, je dirai que nous avons couché ensemble, murmura-t-elle sur un ton malicieux.

 Elle avait parlé si bas qu’elle n’était pas sûre qu’il l’ait entendu. Il ne répondit pas, mais un sourire en coin lui fit comprendre qu’il l’avait parfaitement écouté. Le père Deditarque leva les bras vers le haut plafond et l’orchestre se tut. La deuxième partie du discours commençait.

  • En ce jour bénit par Dédit, nous sommes rassemblés sous son regard divin pour unir ces deux jeunes gens dans les liens sacrés du mariage. Mera de Janver et Octave de Rimabelle, votre union n’est pas seulement celle de deux êtres, mais aussi et surtout, celle de deux lignées, nourries par la volonté de notre Fondateur. Par la sagesse de Dedit cet engagement a été approuvé. Aujourd’hui vous vous engagez l’un envers l’autre, mais également envers tout un peuple, sous la bénédiction de Sa Majestée Philique, afin d’apporter prospérité à votre lignée. Que l’esprit de Dedit soit avec vous, qu’il vous guide dans les bons et les mauvais moments.

 Octave se tourna vers elle avec un sourire timide, et elle le lui rendit. Un valet s’était chargé d’apporter les bagues. Elles étaient d’un argent très sombre, presque noir, orné d’une minuscule épée. Quand le Père Deditarque les leur enfila, il se recula et laissa place à Sa Majestée. De sa voix forte, cet homme imposant ne s’encombra pas de belles paroles, il déclara simplement :

  • Aujourd’hui, par l’autorité qui m’a été confiée par notre Fondateur en personne, je vous déclare mari et femme, devant notre royaume et devant Dedit. Puisse votre union être féconde, et votre destinée grandiose.

 Tout le monde se leva en même temps, et d’un hochement de tête, Sa Majestée leur fit comprendre qu’ils devaient s’embrasser. Le cœur tremblant, Mera sentait le regard d’Adraïd sur eux et dut se faire violence pour garder un air épanoui. Elle embrassa timidement son époux, et des acclamations se firent entendre sans retenue. Ça y est, ils étaient mariés. Elle appartenait maintenant à la famille de Rimabelle, dont elle portait maintenant le nom. Mera de Rimabelle.

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