BONUS : Dimanche, ultime interrogation

4 minutes de lecture

Je ne suis toujours pas satisfaite...

C'est terrible !

J'aimerais mieux, comme me l'a signalé un de mes fils, que ma nouvelle se solde sur la survie de ses protagonistes. Point final. En même temps, je ne veux pas perdre mon narrateur omniscient et son intervention.

Alors, j'ai eu une idée. Je vais mettre les quelques lignes (finales) le concernant... en prologue !

Voilà ce que cela donnerait :

Le festin

« Je te remercie Archange Raphaël, pour ce spectacle... C'est poignant, mais tellement vivant !

- Ma foi, Ange, ils la mérite, non ?

- Mais oui... elle les a toujours aimés.»

Elle les excite. Cela fait des jours qu'ils l'ont repérée. Ils ne pourront bientôt plus se contrôler. Totalement irrésistible, elle les affole complètement. Leur convoitise devient insoutenable. Un tel délice ! Comment peut-on imaginer lutter aussi longtemps contre de telles effluves ? Chaque nuit, elle leur fait parvenir cette odeur enivrante et, barricadée, elle leur interdit l'accès à ce cocktail qu'ils ne peuvent qu'imaginer haut en couleurs, intense en saveurs, volupteux ! Une sorte d'hallucination pour cerveaux affamés ! Une torture d'un raffinement extrême...

Aujourd'hui, la famille est dangereusement à l'étroit. Elle a dû changer de cachette à maintes reprises, sans cesse poursuivie. Cette fois, c'est vraiment malsain, dangereux. Il leur faut trouver où se reloger d'urgence. On les a menacés, agressés, pourchassés. Ça ne peut plus durer. Ils en sont réduits à sortir de nuit. Ils prennent ce qu'ils trouvent dehors. Les maisons désertées par ces temps de malheur leur permettent de récupérer quelque nourriture abandonnée, parfois pourrie. Pas moyen de faire autrement. À part ça, il n'y a que les détritus.

Ici, dans ce village, ils pensaient avoir trouvé un refuge. Il y avait de quoi faire. Les logements alentour leur fournissaient le nécessaire. Cela faisait des mois qu'ils s'organisaient pour piller la zone, maison après maison. Mais il restait des habitants valides... Ils avaient fini par se rebeller devant leurs exactions et par les rechercher. La situation n'avait fait, dès lors, qu'empirer.

Au début, leur famille était nombreuse. Une véritable bande. Ils s'organisaient bien. Mais petit-à-petit, ils étaient tombés malades. Évidemment, à force de manger n'importe quoi... Puis, devoir se cacher des villageois, toujours courir, fuir, déménager, sans pour autant trouver le courage de vraiment partir, cela les avait anéantis. Seuls les plus forts avaient survécu.

De nuit, heureusement, ils avaient pris des repères et connaissaient désormais tous les raccourcis. La lumière des réverbères ne les trahissait que rarement, pas si bêtes ! Ils connaissaient par cœur tous les trajets et n'avaient pas leur pareil pour voler le soir venu. Si la maison se révélait inviolable, alors, tant pis. En désespoir de cause, ils se rabattaient sur les poubelles et faisaient un carnage. La faim ne les quittait plus...

De plus en plus de malades parmi les habitants, eux aussi. Les poubelles se retrouvent donc, pour la plupart, jetées au plus proche, dans le champ en jachère tout près. La puanteur s'élève tel un suaire oscillant au-dessus du village. Une opportunité pour le clan en déliquescence. Les plus téméraires s'y risquent afin de tenter d'améliorer l'ordinaire des survivants. Le spectacle de désolation et l'odeur putride accentuée par leurs interventions régulières en témoignent. Tout cela cependant ne résout rien. Ils ne peuvent pas continuer ainsi, à se contenter des restes, ou ils y passeront tous ! Non, plus rien de frais ne leur parvient. L'eden perd ses feuilles. ll est temps désormais de partir.

Mais avant, ce coup de la dernière chance... le tout pour le tout.

Ils vont attaquer. Tous ensemble ; autant mettre toutes leurs chances de leur côté. Le festin capiteux qui s'est annoncé, il y a plusieurs nuits de cela, les rend fous de désir. À l'heure de la mort, il n'est plus temps de prendre de précautions. S'emparer de ce banquet leur permettra de reprendre des forces et fuir enfin ce lieu de désolation, infesté par les déchets et la maladie. Trouver un nouvel Eden pour la famille, qu'elle se soigne et se repose, qu'elle accède de nouveau à de la nourriture saine et fraîche. Ce n'est pas trop demander...

Elle est bien protégée. C'est une maison de plain-pied, entretenue. Les bas des murs sont jointifs avec le trottoir, les portes sont toutes fermées, comme les volets, le toit semble en bon état, et la seule lucarne est close. Une véritable forteresse pour de simples voleurs. Ils ont pris tous les risques pour venir cette nuit, ici, tous ensemble, au même endroit. Ils ont aidé les plus jeunes à les suivre, éviter les lumières des réverbères, stopper à la moindre alerte, se cacher au moindre bruit suspect, se taire tout le long du trajet, les mères portant les derniers nés. Et les voilà arrivés, porte close. les petits commencent à s'agiter et vont bientôt alerter les voisins. Ce sera un carnage. Il faut trouver une entrée, et vite. Les mères sont chargées de gérer les petits, tandis que les autres s'échinent à débusquer la moindre ouverture. Et c'est là, qu'à force d'examiner chaque recoin, ils trouvent leur bonheur : l'attache d'un volet est bel et bien descellée. C'est aussitôt l'affaire de quelques minutes et la famille entière se retrouve entrée par la fenêtre laissée entrouverte derrière le volet. Sauvés !

« Ô déesse, ô beauté ! Belle et sainte viande, rouge et crue, nous te saluons ! Nous te remercions ! Nous te mangeons ! »

Après cette prière, cri silencieux de leur cœur, ils se ruent vers le banquet, fort bien présenté, comme une offrande...

Légèrement surélevée la pièce est posée sur un linge blanc, certains morceaux pendant, vers le sol, l'un plus à gauche, au quart de ce qui pourrait passer pour une table rectangulaire, bordée de métal, l'autre morceau beaucoup plus petit dépassant complètement à l'opposé, sur la droite, presqu'au bout. Sur la partie supérieure, toujours à droite, la viande est à l'air libre, tandis qu'au centre, elle est recouverte, comme pour attiser leur appétit.

Frénétique, la meute des rats escalade, saute, court et mord à pleines dents. Ils déchirent les chairs, léchent et sucent le sang de la morte avec délectation. Leur survie est enfin assurée.

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