Demain, j'arrête.

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Mes paupières encore closes, ma matinée résonne déjà à mes tempes comme un lendemain d'hier. Mon corps en érection gît à poil sur un lit défait. Ma peau semble s'étonner du pyjama que ma conquête de la veille a revêtu quand une information cruciale transite violemment entre les quelques neurones en vie qu'il me reste : ce n'est pas la jolie petite blonde que j'ai levée hier, mais un berger allemand blotti contre mon ventre qui me lèche le visage à cet instant.

Au grand dam du clébard que je repousse comme je peux, je pars en quête de mes nippes, d'un grand verre d'eau et d'un café. Après un bref tour du proprio, le constat est sans appel : il n'y a que moi et ce qui ressemble aux restes d'un tsunami. Quelques pilules roses et bleues au milieu des décombres expliquent ceci et cela sans pour autant me rafraîchir la mémoire sur les évènements déroulés en ce lieu que je semble découvrir.

Je fouille parmi les débris et finis par exhumer mon froc enseveli sous un cendrier renversé et quelques bouteilles vides. N'ayant retrouvé aucune trace de mon caleçon, je me résous : mon taille basse devra remplir son rôle le plus dignement possible. Le projet aurait été qualifié d'ambitieux sans l'énorme tache de bière qui mouille encore l'entrejambe. Je sens ma fierté partir en quête d'une corde à laquelle se pendre. Je me rassure en repensant à ma chemise, juste assez longue pour sauvegarder ma dignité. Mon beau torse musclé attire sur lui les regards et les convoitises aussi sûrement qu'il ne parvient pas à retenir mon pantalon là où on l'attend.

Tandis que j'enfile mon futal, un parfum "délicat" vient flatter mes narines et percuter mon cerveau une nouvelle fois : puis-je rentrer chez moi en passant par les toits de cette ville et ne rencontrer personne ? Dans les égouts, les rats me laisseraient probablement passer, l'odeur annonçant l'arrivée d'un convoi exceptionnel sans qu'une escorte de flics ne soit nécessaire.

Au moment où je remonte ma braguette, la vision de ma chemise en lambeaux sonne le glas de mes derniers espoirs. À en juger par ce que je vois, j'ai dû me la jouer "Full Monthy" et ensuite planifier une évasion. L'étoffe du vêtement est taillée en lanières, lesquelles sont nouées entre elles et entremêlées avec ce qui pourrait ressembler aux restes de mon calbut. L'atelier d'upcycling a donné naissance à ce qu'il conviendrait d'appeler un lasso. Évasion par le balcon du quatrième étage, jeu érotique ou suicide avorté ? Mon cerveau répond que l'option de la pendaison est encore envisageable, peut-être même la seule issue vaguement honorable à cette situation.

Mon instinct de survie reprend néanmoins le dessus : le ridicule ne tue pas, je le sais par expérience. J'enfile mes baskets et je dégage. Je suis en train de dévaler les escaliers quand la porte de l'appartement du premier s'ouvre pour laisser sortir une femme. Je stoppe net : si l'avant dévoile le bas de mes abdos, je ne peux laisser voir l'arrière à celle qui ressemble à s'y méprendre à l'assistante RH que je drague depuis des mois. Elle m'a reconnu et son regard écarquillé s'attarde à la lisière de mon jean.

Dans l'urgence d'une répartie, la règle numéro un - n'avoue jamais ! - me dicte de me ressaisir. Je lui lance un : "Tu sais ce que c'est ! Avec les enfants, je n’ai pas pris le temps de m’habiller correctement aujourd’hui.", avant de reprendre ma descente d'un air détaché. Je sens son regard me lécher le torse au passage. Grâce au covid, elle a perdu le sens de l'odorat, mais pas le nord. Je jette un œil aux boîtes aux lettres en sortant : elle vit seule. Je repasserai.

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