Une hydre familière

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Mon professeur d'anglais d'autrefois, lointain cousin de l'un de nos anciens présidents de la république et personnage haut en couleur s'il en est, récriminait déjà contre elle d'un air méprisant :

" Vous irez vous renseigner auprès de l'ADMINISTRATION"

"Evidemment, l'ADMINISTRATION n'a pas jugé bon de m'en informer !"

A l'époque, l'administration était incarnée pour nous - naïfs que nous étions - par une jolie secrétaire blonde aux ongles vernis assise derrière une machine à écrire (car les ordinateurs, alors, n'existaient pas) et dont nous n'entendions presque jamais la voix.

Plus tard, à la faculté, au "secrétariat du département de lettres modernes" une quinquagénaire obèse et acariâtre reprit le rôle. Elle avait affiché, sur la porte de son bureau, un panneau qui indiquait, en caractères énormes : "CECI N'EST PAS UN BUREAU DE RENSEIGNEMENT".

Nous avions écrit au dessous, en petits caractères, faute de place, mais à l'encre rouge : "Où est le bureau de renseignement ???? "

Aujourd'hui, pour moi, L'ADMINISTRATION a à voir avec l'hydre de Lerne : pourvu de multiples tentacules baptisées de sigles et autres acronymes dont je ne comprends pas le sens (CDI, APA, SAFER, CAF, MACSF...), elle ne demande qu'à m'étouffer sous ses piles de formulaires, déclarations, attestations, certificats, notifications, bordereaux... J'ai chaud.

Rien qu'à y penser, je me sens mal.

Chaque matin à onze heures, sauf le dimanche (jour béni du Seigneur), je me rends à la boîte à lettres comme un condamné à l'échafaud :

Quelle joie lorsque je n'en retire que les huit prospectus publicitaires des huit supermarchés de la ville ! Et je frise la béatitude lorsqu'elle contient une "vraie lettre"...

Mais la plupart du temps, L'hydre me montre un tentacule en la personne d'un courrier administratif, signalé par un tampon peu engageant. J'ouvre, faisant appel à tout le courage dont je suis capable : qu'est-ce ENCORE ?

J'essaie de lire. Je lis. Je ne comprends rien. Je relis. C'est que l'ADMINISTRATION ne parle pas ma langue : une "personne physique", un "enfant naturel", des biens "mobiliers", une "SCEA", sont autant de termes qui m'échappent toujours, bien que je me les soit fait expliquer des dizaines de fois. La migraine s'annonce... Je consulte mon DPTACO (dictionnaire personnels des termes administratifs constamment oubliés), puis j'appelle mon mari à la rescousse.

Nous nous penchons tous les deux sur la même phrase sybilline pendant dix minutes : "Si vous êtes dans ce cas de figure et que..."

Quel est exactement le cas de figure dont on parle ? Ne confondons-nous pas "et" et "ou" ? Bref, le paragraphe nous concerne-t-il ? Avec un peu de chance, mon mari conclut que oui, et moi, que non. Et d'appeler notre fille de 24 ans qui arrive en soupirant pour nous donner son avis... Elle râle, on s'énerve. "Tu verras, l'an prochain, quand tu travailleras ! Tu verras ce que c'est l'ADMINISTRATION !"

Mais pourquoi, pourquoi, nous envoyer à nous, qui habitons Clermont-Ferrand, des consignes réservées aux marins pêcheurs ???

Ce matin, au courrier, il y avait une enveloppe format A4 d'au moins 300 grammes provenant de notre notaire. Je n'ai pas osé l'ouvrir.

L'apoplexie me guette.

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