7, 23,09,22, JEUX, EN BANLIEU PARISIENNE

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Je reviens un peu sur les jeux, car quand on est enfant c'est tout de même notre principale occupation. Pour moi, un enfant apprend en jouant. On devrait accorder bien plus de temps au jeu, plus qu'à l'école telle qu'elle est. Mais c'est une autre histoire.

À Sarcelles, nos jeux étaient organisés en périodes-saisons, suivant les envies, l'imagination.

Il y avait la saison des patins à roulettes. Avec des modèles variés, à courroies, extensibles ou pas. Il y avait peu de vélos. La rue principale passant sous le porche et surplombée par mon lieu de vie servait de terrain de courses. Elle en a râpé des genoux, des coudes et des mains ! Je me rappelle d'une de mes chutes, la vis de mon patin s'étant desserrée, celui-ci s'était agrandi intempestivement m'envoyant au sol en pleine vitesse. Pour ce jour là, ma participation à la cours s'était terminée par alcool à 90° et mercurochrome.

Une variante quand il faisait mauvais temps consistait à monter et descendre les escaliers de nos bâtiments avec ces fameux patins et de sauter le plus de marches possible sans tomber. Pas si aisé ! Et ça cassait les oreilles de tous les habitants qui protestaient assez vite...

En extérieur, il y avait aussi l'exploit de grimper sur le transformateur électrique du quartier et de sauter le plus loin possible sans rien se casser, et éventuellement de passer par dessus un buisson touffu et assez éloigné. Tout le monde l'a tenté, peu l'ont réussi, un certain nombre sont rentrés éclopés chez eux !

Parlons de la saison de la pêche. On n'avait pas de rivière à proximité et le matériel destiné à cette activité, c'était approximatif. La canne était un bâton ou manche à balai parfois avec une longueur de ficelle ou de vieux lacets et l'hameçon c'était la partie métallique d'une pince à linge ou un morceau de fil de fer. On ne visait pas le brochet ni la truite, mais, assis les jambes pendantes entre les barreaux de la balustrade, on tentait d'attraper une chaussure ou autre objet dans les descentes menant aux sous-sols.

La saison des jeux de cartes durait plus longtemps que celle de la pêche. On était souvent trop nombreux, assis en rond dans la pelouse, et il nous fallait deux ou trois jeux de cartes pour que tout le monde puisse participer aux parties de Bataille. C'était le jeux auquel même les plus jeunes pouvaient assez facilement participer avec le Pouilleux.

L'exploration des caves nous occupait bien aussi, surtout que c'était interdit. Je me rappelle du nom des meneurs : Georges M. mon préféré et Joël un peu plus jeune. Ne pas se faire arrêter par le concierge.

Faire la course dans les tours aussi, en commençant par le haut, deux équipe : une dans les escaliers et l'autre dans l'ascenseur. Ou même principe mais en plus toquer aux portes. Et ne pas se faire attraper par le gardien !

Au début, il y avait des jeux genre toboggan ou balançoires dans les espaces verts, mais les plus grands les ont rapidement détruits en jouant au foot comme des brutes. On était dégoûtés. Le jeu le plus idiot qu'on aie fait et heureusement pas longtemps : attraper les gros moustiques qu'on appelait des cousins sur les murs, les mettre dans un sac en plastique et les regarder se débattre un moment puis ouvrir le sac et laisser les survivants s'enfuir. Quelques fois il aurait fallu un adulte pour nous apprendre à ne pas faire des trucs aussi stupides.

On jouait aussi au bout du quartier, dans les montagnes que formaient les fondations des futurs bâtiment en construction. Je ne suis pas certaine que nous ayons eu le droit d'y aller en fait. C'était isolé et désert quand personne n'y travaillait, et quand il y avait les ouvriers, d'énormes engins y circulaient. Un jour, nous y avons trouvé un magnifique rat blanc aux yeux rouges qui habitait dans une vieille bouilloire. On l'avait de suite adopté, de peur qu'il ne se fasse écraser. Et puis, il était bien joli. On l'a ramené à la maison avec sa bouilloire et ma mère l'a installé dans un coin de la cuisine. Il est resté une certain temps à la maison, mais comme il dégageait une odeur assez désagréable et qu'il faisait ses besoins partout dans l'appartement, les adultes décidèrent qu'il devait s'en aller. Nous n'étions pas d'accord, mais que faire quand les adultes décident ? Alors on a pris le rat blanc et sa maison et on l'a emmené dans les vergers, derrière les bâtiments en construction, des rangées de poiriers alternant avec des pivoines, à perte de vue où il aurait à manger et pourrait s'installer dans la nature. Finalement, il serait mieux que dans l'appartement. Surtout que nous avions un chat !
Le chat s'appelait Albert. Il était noir et blanc. On l'habillait avec des vêtements de poupée et on le promenait dans un petit landau. Il se laissait faire avec beaucoup de gentillesse et de douceur.

Peu après, on a accueilli un chiot. Mon père l'avait adopté chez l'épicier et j'étais allée le chercher avec lui. C'était une chienne, un bébé berger allemand. Je lui ai donné le nom de Aline. Je devais en être à la lettre « a » au début du Cours Préparatoire !

L'école était très grande, de la maternelle au CM, peut-être même au collège. Sa cour était en rapport et clôturée d'un grillage. On y allait par un chemin piéton bordé de grands peupliers qui soulevaient le macadam de leurs puissantes racines et dégageaient leur parfum si particulier. De l'autre côté de l'école, la barre des habitations des gendarmes. On n'avait pas le droit d'aller par là, c'était trop loin. On circulait toujours en groupes.

Je me souviens de la lumière d'automne, de son gris jaunâtre sur les façades. Elle avait quelque chose de triste... La rentrée, l'hiver qui approche. Je passais déjà beaucoup de temps à rêver.

Et il y a eu cette rentrée terrible que je n'ai pas encore oubliée : J'étais en âge d'intégrer le CP. Mais comme on ne m'avait pas expliqué ça, j'étais allée à ma salle de classe habituelle rejoindre mon institutrice, Mme G. Quand on m'a dit que je devais aller dans la classe suivante avec une autre maîtresse, j'ai pleuré, hurlé, je me suis accrochée à Mme G. de toutes mes forces mais rien n'y a fait, je me suis retrouvée dans la classe de CP, la morve au nez, le cœur en larme. Ce fut la pire de mes rentrées scolaires. Mme G, l'après midi, elle tirait les grands rideaux de plastique noirs, nous faisait mettre la tête sur les bras croisés, les yeux fermés, et elle nous lisait toujours une histoire. Je l'aimais énormément.

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