Highway to Southie

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Quelque part au nord de Columbus, la neige recommença à tomber. En banderilles si serrées et si fines dans les phares de ma voiture qu'elle ressemblait presque à de la poudre grise. L'aube se dessinait, hésitante au-dessus des plaines agricoles et des petites forêts, mais ne chassait pas les ombres d'incertitude qu'avaient entraînées mon départ. Je ne cessais de repenser à ma dernière conversation avec ma femme et combien je m'étais senti aussi minable que désemparé face à son regard chargé d'électricité noire et celui empli de détresse de ma fille aînée. Les yeux d'Elsa couraient entre sa mère et moi. J'y lisais une anxiété grandissante et une pointe douloureuse avait traversé mon cœur.

La voix de Camille me fit l'effet d'une nouvelle gifle chargée d'un froid propre à abattre les plus solides monuments :

 " Comment comptes-tu t'y prendre pour nous rendre cette fameuse liberté, Sean ?

 - Je vais me rendre à Boston et négocier avec...

 - Oh, c'est une excellente idée, ça. Et nous ? Tu as l'intention de nous planter là ?

 - Bien sûr que non, Cam.

 - Sais-tu au moins ce qui t'attend à Southie ? reprit-elle après un coup d'œil vers notre cadette.

 - Oui, je le sais.

 - De quoi vous parlez, Papa ? Maman ?

 - De choses grave, ma puce. Mais rien qui ne devrait t'inquiéter parce que je vais régler ça.

 - Tu devrais peut-être donner de meilleures explications à tes filles, Sean.

 - Mon... non, notre rôle, Camille, est de les protéger avant tout.

 - Oh ! Et c'est ton sens du devoir qui les a conduites jusqu'ici ?

 - Ça suffit, Cam.

 - Oui, ça suffit, Papa, Maman ! Je ne veux pas que vous vous disputiez !

 - Tu as raison, ma puce. Excuse-nous. " lui dis-je en posant ma main sur sa nuque. Elle soupira et se réfugia contre moi. J'échangeai un regard dur avec mon épouse puis je l'attirai aussi à moi avant de l'entraîner vers la fenêtre. Quand Elsa fit mine de nous suivre, je lui demandai :

 " J'ai besoin de parler un peu avec Maman. Tu veux bien veiller un moment sur ta sœur ?

Elsa ne répondit rien, mais obéit. Je me tournai vers ma femme :

 " Toi aussi, Camille. Excuse-moi.

 - Et si nous partions ? Tout simplement.

 - Ce n'est pas possible. Ni Dom ni les hommes qui s'en sont pris à vous ne nous laisseront en paix. Je dois clôturer tous ces contentieux.

 - Nous pourrions refaire notre vie loin de tout ça. Le quartier n'est pas le terminus.

 - Nous repartirons de zéro, Cam. Dans peu de temps, je te le promets. Mais je dois d'abord en finir avec le clan.

 - Ton honneur est donc plus important que nous ?

 - N'interprète pas ça ainsi. Notre liberté à tous les quatre passe par ce chemin.

 - Estás jugando a la cuerda floja en el fılo de una navaja, Sean. Tout comme ton père avant toi. Toujours à chercher un équilibre qui n'existe pas. "

J'étais en panne de réparties. Peut-être que Camille avait raison ou bien j'avais manœuvré pour avoir le champ libre pour mes projets. Je la sentis capituler au regard vidé de tout ressentiment qu'elle m'adressa :

 " Est-ce que tu comptes fausser compagnie au FBI ?

 - Il le faut.

 - De quoi as-tu besoin ?

 - D'argent liquide, d'abord. Tu as ta carte bleue ?

 - Bien sûr. Combien il te faut ?

 - Le maximum que tu puisses sortir. Il me faut une voiture et procure-nous aussi des téléphones prépayés.

 - Tu veux rallier Boston en voiture ?

 - Oui, et en évitant les routes à péages. Je ne peux ni prendre l'avion ni le train. Nous allons mettre le nez d'Errico et de ses copains dans la farine. C'est un point de non-retour, Camille. J'ai tout intérêt à me faire le plus discret possible.

 - Et nous, Sean ?

 - Je vais exiger que vous soyez mises à l'abri. Dès que j'ai fini à Boston, je viens vous chercher et nous entamerons une nouvelle vie au soleil. Mexique, Costa Rica, où tu voudras.

 - Tu as toujours su te montrer convaincant, mi amor.

 - Nous allons réussir, Camille. À Noël, tout sera fini.

 - Où veux-tu que le FBI nous cache ?

 - Tu te rappelles du chalet sur le lac Memphrémagog ?

 - Bien sûr. Pourquoi là-bas ?

 - Parce qu'il est à cheval sur la frontière canadienne. Si les choses partent en vrille ici, nous pourrons toujours traverser le lac en bateau. Le temps que les fédéraux réagissent, nous nous serons envolés tous les quatre.

 - Alors, arrange-toi pour réussir ton coup, Sean. Et pas de poudre aux yeux. Ce n'est pas un jeu. "

J'aurais eu mille choses à lui dire encore, mais une infirmière entra dans la chambre pour s'occuper de Marisol. Camille en profita pour emmener Elsa à la cafétéria, un agent leur emboîta le pas. Stanley Errico s'entretenait avec deux hommes et une femme, tous vêtus de costumes sombres. Ses supérieurs, compris-je. Celui qui se présenta comme le chef de section de l'unité de l'agent Errico utilisa un ton solennel pour s'adresser à moi :

 " Mr. Fogartu, au nom de l'agence, nous vous présentons nos plus sincères excuses concernant les évènements subis par votre famille. Soyez assurés que...

 - C'est tout bonnement inadmissible. Il y a clairement eu une défaillance de votre côté. J'exige que vous nous mettiez en sécurité dès que mes filles pourront quitter l'hôpital.

 - Bien sûr, Mr. Fogarty.

 - Et en dehors de cet état.

 - Vous n'êtes pas sérieux ? intervint la femme au chignon austère.

 - Qui me dit que vous n'avez pas d'autre taupe infiltrée dans vos services ?

 - Je puis vous certifier que non...

 - Rien à secouer de vos garanties ! Je vous demande de nous trouver une planque hors de l'Ohio.

 - Ce n'est pas aussi simple, Mr. Fogarty.

 - Ça, c'est votre problème, pas le mien.

 - Des suggestions, peut-être, Mr. Fogarty ? lança Errico.

 - Je vous ai parlé du lac Memphrémagog.

 - Où est-ce ? demanda le chef de section.

 - Dans le nord du Vermont. À vous de voir, mais c'est à prendre ou à laisser. Je ne collaborerai plus avec vous tant que vous n'accéderez pas à ma requête.

 - Très bien, nous prenons note. Vous nous accordez un moment ?

 - Dépêchez-vous de vous décider, madame. En attendant, je retourne auprès de ma fille. " conclus-je.

La réponse ne fut pas longue à arriver. Errico entra dans la chambre, Marisol dormait. L'agent fédéral avait l'air plus abattu que remonté :

 " Burrows me rue dans les brancards maintenant.

 - Vous êtes complètement fautif sur ce coup-là. Vous avez risqué la vie de ma famille. Regardez dans quel état est ma gosse.

 - Vous croyez que je l'ai voulu ?

 - Rien à foutre de vos problèmes, Errico ! Vous avez merdé en beauté. Je serais surpris que vous gardiez votre poste à la fin de cette affaire. Mais je peux peut-être vous être encore utile.

 - C'est quoi, cette idée foireuse, Fogarty ?

 - Faites tomber Dom Hartwell en plus des Ghost Dogs avec mes tuyaux. Mais arrangez-vous pour que nous puissions nous abriter dans le Vermont comme je vous l'ai demandé. Ensuite renvoyez-nous l'ascenseur et offrez-nous une nouvelle vie.

 - C'est d'accord. "

Je lui serrai la main avant de le congédier. Je voulais me retrouver avec mon enfant.

 " Papa ? Tu es là ?

 - Oui, ma chérie.

 - Tu vas partir ?

 - Quelques jours. Je serai vite de retour.

 - Pourquoi ?

 - Le temps de régler quelques affaires. C'est tout.

 - J'ai eu très peur, tu sais.

 - Je suis désolé pour ça, Marisol. Tellement désolé. Au plus tard à Noël, je serai avec vous. C'est d'accord ?

 - Comme tu voudras, Papa. "

J'attendis le retour de Camille. Elle me tendit un téléphone prépayé, une épaisse liasse d'argent. Une Chevrolet Impala de location m'attendait au coin de la rue. Un instant plus tard, Errico revint, le deal était accepté. Nous partirions par deux véhicules séparés, ma famille dans le premier, moi dans le suivant.

J'assistais au départ des miens avec la désagréable sensation, presque une certitude que je les voyais pour la dernière fois. L'espace d'une seconde, j'hésitai à suivre mon plan, mais l'ampleur des enjeux ne quittait pas mes pensées. Ou peut-être mon désir de vengeance. Quand vint le moment de partir, je m'éclipsai au nez et à la barbe des deux agents qui m'escortaient.

Je trouvais la voiture à l'emplacement indiqué par Camille. Je démarrai sans perdre de temps. Les fédéraux me recherchaient peut-être déjà et une longue route m'attendait.

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