Chapitre 28- Cilanna

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—Enfermée ! Fulmina Freya. Elle m’a enfermée comme un mouton. N’avait-elle pas confiance en nous, cette sotte ?

—Penses-tu qu’elle aurait pris la peine de demander notre accord ? Maleïka connaissait aussi bien notre réponse que nous.

—Alors pourquoi as-tu pu l’accompagner ? Pourquoi ne t’a-t-elle pas trouvé un autre rôle à jouer ?

—Je l’ignore. Je ne dois pas être une grande menace à ses yeux.

Freya ne démordait pas malgré la nuit passée à extérioriser sa colère sur un pantin. Maleïka était introuvable. Ni dans sa chambre, ni dans la salle du conseil qu’elle affectionnait tant. Alors que l’homme se mourrait, Cilanna avait cherché sa sœur des yeux sans la trouver. Depuis elle n’était pas réapparue. Après de longues minutes d’impuissance, des gardes se hâtèrent de délivrer leur Reine qui se précipita vers la cours intérieure. Maleïka avait bien œuvré son coup ; Freya la trouva déserte.

Pendant ce temps, Cilanna se réfugiait dans leurs appartements après une recherche infructueuse de sa sœur ainée. Et pour cause ! Maleïka avait veillé à ce que des portes barrent le passage. Depuis leur enfance, les trois jeunes femmes la dépassaient sans savoir ce qui se cachait derrière, hormis leur malicieuse jumelle.

—Je t’ai vu lorsqu’elle a ordonné de choisir une victime. Tu n’as pas bronché.

—Qu’aurais-je pu faire ? J’étais seule.

—Crier, peut-être, suggéra-t-elle. S’ils avaient vu ton opposition, ils ne se seraient pas laissés faire.

—Ou Maleïka aurait pu m’enfermer avec toi. N’as-tu pas vu les gardes ? Ils lui obéissaient au doigt et à l’œil.

Nouveau coup de hache sur le crâne. Si le mannequin était un homme, Freya lui aurait fendu le nez.

—Ce n’est peut-être pas une mauvaise chose, réfléchit Cilanna à haute voix.

—Comment ?

Elle dégagea son arme en coinçant le pantin entre le mur et genou sur son torse.

—Ils sont venus car ils nous jugent faibles. Maleïka aurait voulu détruire leurs espoirs dans l’œuf.

—S’ils ne se révoltent pas. C’était un calcul risqué, trop dangereux que nous ne pouvons pas nous permettre.

—Je comprends sa démarche. Elle aurait pu les sermonner, les menacer mais certainement pas en tuer un.

—T’entends-tu ? Tu la comprends ? Comme elle a compris ces villageois, ricana-t-elle ? Elle m’a enfermée, Cilanna. Cette… Je n’arrive même plus à la nommer « ma sœur ».

Elle cracha ses derniers mots comme s’ils la dégoutaient.

—Il y a un monde entre y songer et passer à l’acte. Et toi, qu’as-tu fait ? Tu as regardé et attendu sans même chercher à les défendre ?

—Ce n’est pas parce que je réfléchis avant d’agir que j’approuve sa méthode. Réfléchis, Freya. Si je parais plus malléable que je ne le suis, n’ai-je pas un coup d’avance ?

Avec un intérêt nouveau, la guerrière se détourna du pantin.

—Que proposes-tu pour l’instant ?

—Rien. Du moins pas tant que nous n’en sachions pas plus.

Cilanna but son verre d’un trait et se dirigea d’un pas décidé vers la porte.

—Où vas-tu ?

—Chez Zorak.

—Je croyais que tu préférais les hommes, la taquina-t-elle.

—A force de côtoyer le chasseur, tu adoptes son humour. J’ai convaincu Zorak d’espionner Maleïka. Peut-être qu’il saura où elle est et ce qu’elle a pu nous cacher d’autre. Laisse cette hache ici, la réprimanda-t-elle.

L’évolution de sa sœur n’augurait rien de bon mais son instinct s’agitait. Il tentait de la prévenir. Maleïka ne ressemblait plus à la sœur avec laquelle elle avait grandi. Ce n’était plus la jeune femme harcelée par des inquiétudes muettes, qui cachait cette nature sous un visage froid. Cilanna craignait qu’elle ne jouait un rôle jusqu’à là. Un rôle dont la carapace s’effritait pour entrevoir une Reine bien différente de celle qu’elle connaissait.

En pénétrant dans l’armurerie, Freya dégaina son poignard et barra la gorge de Zorak.

—Dis-nous ce que tu sais sur Maleïka.

Cilanna n’appréciait pas les méthodes de ses sœurs. Au moins, celle de Freya se voulait directe.

—Pose ce couteau, Freya. Tu pourrais toujours t’en servir après. Pour l’instant, j’ai besoin de sa langue.

Son aînée s’exécuta non sans un regard assassin.

—Est-ce que ma sœur est au courant de ton identité double ?

—Non. Si elle l’est, la Reine n’a pas jugé bon de me mettre au courant.

—Où est-elle ?

—Je ne sais pas.

—Etais-tu au moins au courant de ce qu’elle préparait ?

—Non, je vous le jure.

—Heureusement que tu étais plus convainquant lorsque nous couchions ensemble.

Il rougit mais Cilanna ne se laissa pas embobiner.

—A un moment, Maleïka a levé son bras. Comment savoir ce qu’elle voulait ?

—Elle nous a enseigné un code secret. Ce geste signifiait d’avancer menaçant. Lorsqu’elle baisse la main, paume tendue vers le sol, elle ne court aucun danger. Elle claque des doigts lorsque nous devons tuer.

—Quand vous l’a-t-elle appris ? S’enquit Freya.

—Il y a quelques mois.

Cilanna réfléchit. Depuis tout ce temps, Maleïka complotait-elle dans leur dos ?

—Pourquoi vous l’a-t-elle montré ?

—Pour nous appeler sans éveiller les soupçons si les nobles se montraient agressifs.

—Deviez-vous aussi agir de la sorte avec nous ?

—Nous n’avons pas été…

Cilanna leva la main sans dévier son regard insistant de Zorak.

—Deviez-vous aussi agir de la sorte avec nous ?

—Seule la Reine Maleïka était concernée.

—Pourquoi ?

—Elle disait être plus exposée.

—Par la Déesse, pesa Freya.

—Es-tu au courant d’autre chose ?

Le garde secoua la tête.

—Non sinon je serais venue vous voir immédiatement.

—Tu n’as pas intérêt à me mentir, Zorak. Je suis ta Reine autant que Maleïka.

—Oui… Ma Reine, ajouta-t-il.

Il essayait de s’en sortir par une pirouette et Cilanna y consentit. La crainte n’était pas son arme. Elle ne devait être celle d’aucune Reine. Même si Freya utilisait poignards et Jurkis lorsqu’elle était à cran, elle préférant établir un lien de confiance entre ses guerriers et elle.

—Tu es mon espion, rappelle Cilanna au jeune homme. Si tu dis un mot de cet échange à Maleïka, je le saurai.

—Des menaces ? S’enquit Freya une fois hors de l’armurerie.

—Il est le plus proche de Maleïka car elle connait ses sentiments à son égard. Je le menace uniquement pour qu’il se rappelle quelle Reine il sert.

—Comment peux-tu lui faire confiance ?

La jeune femme ricana en souvenir à tous ces cours de courtoisies que les dames de seigneurs lui infligeaient.

—J’ai appris le langage des hommes. Zorak est bien trop timide pour déclarer sa flamme à Maleïka même si elle est aussi visible que celles des feux qui brûlent la nuit. Il est tant épris d’elle qu’il ne voit pas que Maleïka le manipule.

—Comment appelles-tu ce que tu fais dans ce cas ?

—De la manipulation, je ne m’en cache pas. Ma méthode s’appuie sur la pitié qu’ont les hommes pour les femmes. Ils pensent que j’ai hérité de la beauté et comme je semble réagir à leurs avances, je ne sois pas dotée d’un cerveau. C’est ma carte pour jouer.

Freya grogna.

—Je déteste ce nœud ou derrière chaque moucheron se cache une araignée. Au moins dans mon armée, chacun m’est loyal.

—Les hommes ne pouvoir ne sont pas ceux qui sont prêts à offrir leur vie lors de batailles. Leur sens de l’honneur est bien plus… complexe que celui que tu exiges de tes guerriers. Tu demandes le noir ou le blanc alors que l’homme est gris.

—Mes Reines !

Les deux jeunes femmes firent volte-face pour découvrir un domestique qui courait dans leur direction.

—Mes Reines… Excusez-moi de vous…

—Calme-toi, conseilla Freya.

Le garçon semblait trop pressé pour attendre.

—La Reine Maleïka vous demande dans la salle du conseil.

Elle est donc réapparue, songea Cilanna tandis que la fureur de Freya s’embrasait. L’annonce du domestique soufflait sur les braises de la colère.

—Elle m’appelle, dis-tu ? Elle m’appelle comme une vulgaire page ?

—Ce n’est pas contre toi, la rassura Cilanna tandis qu’il encaissait en baissant la tête. Nous allons y aller. Merci de nous avoir prévenues.

La jeune femme posa une main sur le bras de sa sœur.

—Contrôles-toi ou tu lui donneras raison.

Freya se força à inspirer et à détendre ses muscles crispés.

—Maintenant qu’elle est réapparue, elle souhaite nous voir. Pourquoi une nuit après ?

—Nous faisons comme elle le dit. On ne se posa pas de questions et veillera à s’incliner.

—Freya ?

—Quoi !

—Surveille tes paroles lorsque vous serez face à face. Elle n’est plus ta petite sœur à l’esprit torturé.

—Qu’il soit torturé ou non, je vais le remettre sur le droit chemin à force de gifles et de coups de pieds.

—N’envenime pas la situation alors que nous nous apprêtons à partir. Une fois qu’Oron aura gagné, nous aurons des armées entières pour nous battre. Pour l’instant, il s’agit de sauver notre peau et le danger le plus éminent est celui que représente Shagal. Je ne veux pas d’effusion de sang. Est-ce clair ?

—Très, cracha sa sœur.

Si j’arrive à en raisonner une, j’espère parvenir au même résultat avec l’autre. Alors que Cilanna s’apprêtait à entrer dans la salle du conseil, Freya s’obligea à maitriser/contrôler sa respiration.

—Tu n’es pas un Agkar. Tu es Freya, ma sœur humaine et une Reine. Si tu n’arrives pas à te retenir pour ton royaume, qui pourra le faire pour toi ?

C’est le cœur palpitant que la jeune femme se glissa dans la salle. Elle n’eut pas longtemps à chercher Maleïka. Elle occupait son trône, ses doigts tambourinant sur l’accoudoir.

—Tu nous as demandé ? Grinça la guerrière.

—Ne te méprends pas sur mes paroles. Je voulais que nous discutions toutes les trois.

—Discuté ? Alors que tu m’as piégée !

—N’emploie pas tout de suite les vilains mots. Il ne s’agissait pas d’un piège mais d’une protection.

—Cesse de te jouer de moi comme tu le fais avec tes gardes.

—Que me reproches-tu exactement ?

Maleïka provoquait sa jumelle. Cilanna lança un regard d’avertissement à Freya qui l’ignora superbement.

—Le premier et non pas le moindre est de nous mentir.

—Je ne vous ai jamais menti !

—Passer sous silence certains éléments est un mensonge. Le deuxième est de m’avoir emprisonnée. Le troisième…

—C’est bon, Freya, intervint Cilanna en guise d’avertissement.

—Non, je tiens à finir.

—Oui, laisse-la parler. Je suis curieuse de savoir ce que ma si parfaite sœur a à me reprocher.

La guerrière plaça un pied en avant, furieuse.

—Ne joue pas à ce jeu-là avec moi. Tu oses disparaitre après cet… cet affront et nous convoquer comme de vulgaires domestiques ? Le trône voisin au tien est le mien ! Tu n’as aucun droit de me convoquer.

—Je ne cherchai pas à te mette en rogne.

—Trop tard.

Maleïka soupira devant le courroux de sa sœur.

—Je ne cherchais pas à te mettre en rogne, reprit-elle, mais simplement à discuter. Je te prie de m’excuser pour cet acte que tu as pris pour un affront.

Le ton de Maleïka était cinglant mais un brin ironique.

—Tu avais si peu confiance en nous pour nous parer de ton plan ? Demanda Cilanna d’une voix douce pour apaiser la tension entre les deux sœurs.

—Je savais que vous refuseriez. N’avais-je pas raison ?

Cilanna implora Freya de se taire d’un geste de la main.

—Nous aurions pu en discuter. Trouver un compromis.

—C’est précisément pourquoi je ne vous en ai pas parlé. Vous refusez de comprendre.

—Comprendre quoi ?

Maleïka se redressa sur son trône. Pour se donner plus de contenant, songea Cilanna. Avant même de l’écouter, elle savait que sa réponse ne lui plairait pas.

—Etre roi était un honneur autrefois. Le dirigeant de la Reigaa était une personne crainte mais adorée. Père… a failli à son rang et nous avons suivi ses traces. Le peuple ne nous considère pas comme des souverains légitimes mais des parias. Retrouver la force qui fut celle de nos ancêtres et l’exercer fait de nous des Reines véritables. L’expression sur vos visages confirme mon silence.

—Ne sommes-nous pas promis de tout nous dire ?

—Nous traites-tu de faibles ?

Les deux sœurs s’exprimaient en même temps mais là où Cilanna contait les regrets, Freya attisait le conflit. La guerrière ne dominait plus sa haine et la jeune femme s’en rendait compte.

—Tu ne cessais de nous demander mille conseils pour te trancher un avis et c’est nous que tu traites de pleutres ?

—Tu devrais être heureuse. J’ai agis cette fois.

—Tu te comportes comme une écervelée.

—Tu te trompes, je me comporte en Reine. Père a altéré ton jugement, Freya.

C’en était trop pour la chevalière qui se frappa le front de ses paumes. Un rire nerveux lui échappa.

—Père qui altère notre jugement… Je ne l’ai jamais connu, Maleïka. Jamais ! Je ne faisais pas partie de sa vie au même titre que Cilanna ou toi. J’ai grandi dans l’armée, formée par des généraux pour devenir une Reine guerrière et stratège. Je n’ai connu le précédent roi que lorsque nous étions petites et lors des dîners où j’ai été obligée de revenir. Te rends-tu compte de l’absurdité de tes propos ?

—Ça suffit !

Cilanna s’interposa entre ses jumelles.

—Vous jacassez comme des femmes de chambre et me donnez la migraine. Regardez-vous ! Comment voulez-vous diriger un royaume si vous êtes incapables de vous regarder dans les yeux sans vous faire de reproches ?

Freya fit les cent pas pour se calmer.

—Comment va-t-on générer de nouvelles émeutes ?

—Il n’y aura pas à le faire.

Ses deux sœurs croisèrent son regard. Il était dur et froid mais brillant comme les diamants. Avec une démarche assurée, elle descendit les escaliers.

—Ils ont peur, ne l’avez-vous pas vu ? Peur de nous mécontenter, peur de notre joug, de notre colère.

—C’est pour les asservir que tu as voulu tuer un homme vaillant ?

—Oui. Ils étaient à la fois ensemble et seuls. J’ai autant de pouvoir sur les vieillards inutiles et affamés que sur des hommes en âge de travailler. Ils ont eu peur de moi mais cette crainte est infondée. Je veux le bien de notre peuple.

—Si tu penses qu’ils vont te rester loyal car tu les effraies, tu te trompes. Combien d’hommes as-tu mené, Maleïka ? Combien de fois t’es-tu placée à la tête d’une armée. Peut-être qu’ils t’obéiront la première fois car ils craindront le fouet, ensuite des rebelles sèmeront la zizanie et dévoileront tes plans à ton ennemi. C’est ainsi que nous avons gagné la guerre contre Shagal. A force de t’emmurer dans tes tours, tu inventes un être humain qui n’existe pas.

Maleïka accusa le coup d’un sourire.

—Non seulement tu es faible, Freya mais en plus tu es bête. De nombreux empires ont perduré grâce à…

Elle ne finit pas sa phrase. La guerrière venait de la gifler. Cilanna se recroquevilla, s’attendant à l’irruption d’un ouragan mais seul le sourire de Maleïka qui se figea sur ses lèvres témoignait de son humiliation. Maleïka caressa sa joue rougie.

—Tu le regretteras, ma sœur.

Si elle ne prononça pas de menaces plus expressives, elle déchiffra la promesse sur son visage. Une fois que mon ire se sera abattue sur toi, le bonheur ne sera qu’un mot qui n’aura plus de signification à tes yeux. Freya ne s’attarda pas et Cilanna la suivit. Elle avait peur que Maleïka ait raison. Après cet acte, leur vie prendrait une fâcheuse tournure.

**

—Ma Reine ? Puis-je vous déranger ? S’enquit Aggo en s’inclinant.

Seuls des yeux connus pouvaient déchiffrer les activités de Cilanna. Ses mains reposaient sur ses genoux, les rouages de son esprit s’usaient. Elle cherchait un plan pour améliorer le rapport entre ses sœurs mais aucun ne répondait à l’urgence et la criticité de leur situation. Nous sommes dans un sacré pétrin.

—Tu ne me dérangeras jamais, Aggo.

—J’ai bien peur que cette fois ne soit pas coutume. Puis-je ?

Il désigna la roche voisine. Elle acquiesça distraitement.

—Ce n’est pas vous que j’ai l’habitude de voir assise sur des pierres mais Freya.

—Renouer avec la nature n’est pas forcément une mauvaise chose.

—Vous avez raison. Etre Reine en ces temps ne doit pas être simple. A vrai dire, je suis heureuse de n’être qu’un maillon d’une chaine.

Devant son air surpris, il ajouta :

—Excusez-mon impertinence. Freya n’aime pas que je mâche mes mots.

Un faible sourire naquit sur ses lèvres.

—N’ayez pas peur de vous exprimer librement avec moi aussi. J’ai suffisamment de consistance pour supporter le poids de quelques mots. Vous avez pu le remarquer, nous nous inquiétons de ce duel. Il aura un avenir décisif pour la Reigaa.

—J’ai entraîné le champion à deux ou trois reprises. Il manie son arme avec habilité.

—Je suis heureuse de l’entendre.

Ces mondanités distrayaient son esprit de sa tâche. Que voulait Aggo ? Elle décida de le lui demander.

—Je ne souhaitais pas vous importuner, ma Reine. Je m’interrogeais sur (il choisit ses mots avec soins) sur l’Après.

—Vous êtes le garde de Freya. Ne vous a-t-elle rien dit sur l’issue du combat ? Ou Maleïka ?

—Non, je ne parlais pas de cet Après-là.

—De quel futur parlez-vous, mon ami ?

Aggo baissa la voie.

—Que se passera-t-il pendant que dormirez ?

—Pendant que nous dormirons ? Répéta Cilanna sans comprendre.

—La malédiction de la sorcière. Un sommeil de cent ans.

—Je ne comprends rien de ce que vous racontez, Aggo. Quelle malédiction évoquez-vous ?

Cilanna chercha un instant les indices de l’alcool mais Aggo la regardait droit dans les yeux, sans bégayer.

—N’êtes-vous pas au courant ?

Son visage exprimait une surprise non feinte. Ses lèvres ne formèrent plus qu’une mince ligne.

—Soyez plus clairs, Aggo. Je n’arrive pas à suivre vos jacasseries.

—Lors de votre baptême, des fées vous ont donné des dons mais une sorcière s’est présentée à la fête. Elle se plaignait de ne pas avoir été invitée et a décidé de vous offrir un cadeau. C’est sur ce prétexte qu’elle vous a maudit. Vous deviez mourir à votre vingt-sixième anniversaire. Une fée a réussi à modifier la malédiction pour transformer la mort en un sommeil de cent ans.

Le sang de la Reine se glaça dans ses veines. Cette date fatidique tombait dans quelques semaines ! Il leur restait autant de temps pour se battre, étouffer les futures Rébellions Villageoises que Maleïka avait surement attisé et construire un gouvernement qui les remplacerait pour les cent prochaines années. Elle accusa le coup sans même chercher les signes du mensonge dans la posture de l’homme. Aggo ne plaisantait jamais.

—Ma Reine, je vous implore de pas avertir vos sœurs avant le combat.

—Mes sœurs ont le droit d’être au courant de ce qui va survenir.

—Oui, elles le doivent mais pas tout de suite. Ma Reine Freya ne doit se concentrer que sur le champion. Me permettez-vous de vous donner un conseil ?

—Tu es un bon conseiller, Aggo. Il s’agit de ton travail.

—Ne noircissez pas l’esprit de votre sœur. Je vous aiderai à bâtir une gouvernance pour les cents prochaines années qui vous sera loyale et efficace.

Cilanna demeura coite. Ce matin, elle réfléchissait à un moyen de réconcilier ses sœurs, à midi elle élaborait des gouvernements destinés à les remplacer.

—Que savez-vous de cette malédiction ? Pourquoi personne ne nous a tenues au courant ?

—Je m’attendais à cette question, sourit-il. Les fées, celles qui vous ont fait cadeaux de ces dons ont efface cette journée de l’esprit de toutes les personnes qui y ont assisté. Vous vous demandez comment je suis au courant ? C’est votre père qui m’en a touché un mot. Il était préoccupé par cette situation et ne partageait ces pensées qu’avec votre mère, l’unique autre personne qui connaissait son existence.

—Pourquoi ne m’en avez-vous jamais parlé ?

—Je pensais que vous étiez au courant. Vous père ne m’a jamais révélé qu’il vous cachait cette information pourtant essentielles à l’avenir de la Reigaa.

Une fois passée le choc de l’annonce, elle trouva étrange le comportement d’Aggo. Pourquoi n’avait-il jamais évoqué le sujet plus tôt, même par maladresse devant Freya. Et cet empressement de créer une gouvernance et placer des hommes de substitution sur les trônes, d’où lui venait-elle ? Cilanna n’avait pas le choix, elle devait lui faire confiance.

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