Chapitre 1
Le vaisseau s’engouffra dans l’atmosphère de cette planète d’un bleu époustouflant. Les membres de l’équipage ressentirent les secousses incessantes, laissant ce magnifique bleu s’approcher de plus en plus. Jack jeta un œil à travers le hublot pour admirer les eaux infinies de cet océan. Un bleu profond. Un bleu qui arborait des reflets scintillants sous le soleil étranger de cette planète inconnue. La vue des vagues qui déferlaient dans l’océan rappela à Jack un après-midi sur Terre. Sa femme Carla. Sa fille Juliette. Ils étaient tous les trois sur la plage, les vagues miroitant de la même manière. Un pincement au cœur. Il ne s’y ferait jamais. Ses pensées étaient dirigées vers les femmes de sa vie qui l’attendaient sur Terre. Elles s’inquiétaient toujours. Comment faire autrement ?
Hypnotisé par ses souvenirs, Jack desserra ses mains des poignées de son siège. Un lâcher-prise regrettable. Un impact d’une violence inimaginable le sortit de ses pensées, lui obligeant à rattraper les poignées de vitesse. Le choc. Violent. Jack chancela. L’eau s’abattit contre le hublot dans une explosion de gouttes transparentes. Les reflets du soleil traversèrent les gouttes et atteignirent les yeux de Jack. Il cligna des yeux. Un vacarme résonna dans le vaisseau. Une ultime vibration résonna dans les tympans de l’explorateur. Puis, transition instantanée vers le silence. Un silence pesant, comme si la planète était en hibernation depuis le début des temps.
Jack contempla le magnifique paysage lorsqu’il entendit l’intercom grincer. « Shhhh, shhhhh, shhhhh »
« Votre attention cher équipage, nous sommes maintenant arrivés à destination. L’île est localisée. Arrivée estimée dans une heure. Vous pouvez détacher votre ceinture et retirer votre combinaison. Le plus dur est derrière nous. Je vous invite à quitter vos quartiers. Rejoignez-moi dans l’Ovale. C’était Eloïse, votre capitaine. »
Jack appuya sur le bouton situé à côté de son siège afin de libérer les deux grands bras de fer qui recouvrait son corps. Une fois debout, il rangea sa combinaison et enfila quelque chose d’assez confortable, mais également pratique, anticipant sa sortie à l’extérieur. Alors qu’il se dirigeait vers l’Ovale, ses muscles se raidirent. Une douleur inimaginable. Il plissa les yeux, comme si cela pouvait atténuer sa souffrance. Il ignora finalement ses crampes afin de rejoindre ses compagnons de l’espace.
L'Ovale n’était pas nommée ainsi par hasard. C’était la pièce centrale du vaisseau, où les membres de l’équipage se réunissaient. Les appartements étaient disposés tout autour, formant un ovale avec la salle commune.
« Ah Jack, te voilà enfin ! » lança Héloïse avec un sourire. « Viens nous rejoindre, il ne manquait plus que toi. »
Jack prit place tandis qu’Eloïse, toujours debout au bout de la table, examinait un hologramme de la planète.
« Bien, entrons dans le vif du sujet », dit Eloïse. « Comme vous le savez, notre mission consiste à collecter des échantillons et rechercher toute forme de vie ou de ressources précieuses sur cette planète aquatique. La seule terre existante est une petite île se trouvant à plusieurs kilomètres de notre position. Nous devrions arriver dans un peu moins d’une heure. »
« Mais… pourquoi être amerri aussi loin de notre destination? » Demanda Malik, sceptique.
« Franchement ! Pourquoi envoyer une équipe ici? Une planète recouverte d’eau, sérieusement ? » Enchaîna Garry.
Un tumulte de questions commença à jaillir de la bouche des membres de l’équipage. Ce bruit bourdonnait dans les oreilles de Jack, devenant de plus en plus insupportable. Les voix s’entremêlaient. Les paroles devenaient un simple bruit désagréable, jusqu’à créer un chaos incommensurable dans la tête de Jack. Sans crier gare, son poing s’abattit sur la table ovale. Un bruit sec qui fit sursauter les participants bavards.
Un silence audible s’installa, et Jack pris la parole.
« Vous vous écoutez parler ? Vous vous chamaillez, cherchant des réponses à vos questions futiles, mais ne laissez jamais Héloïse parler. Écoutez-la pour une fois, bon sang ! »
Jack était la seule personne de l’équipage qui l’appelait par son prénom. Lui était près de l’âge de la retraite, et elle commençait tout juste sa carrière. Il l’avait formé, montré tout ce qu’il savait. Il la considérait maintenant comme sa fille. Jack n’avait jamais espéré devenir capitaine, il voulait simplement faire son boulot, et retrouver sa femme le plus rapidement possible. Il n’a pas hésité à laisser cette opportunité de capitaine à Héloïse lorsqu’il en a eu l’occasion.
« Tiens donc », dit Malik, « Jack qui prend la parole. Je croyais que tu avais perdu ta langue lors de ta dernière mission. »
« Malik !! » Cria Héloïse, le regard désapprobateur. « Ça suffit ! Écoutez-moi maintenant. D’abord, nous sommes amerris aussi loin car une tempête était affichée sur les radars, rendant impossible l’approche de cette île. Ensuite, nous ne sommes pas ici pour remettre en cause les décisions de l’institut. La décision a été prise. On l’exécute. Point final ! »
« Bon, d’accord », enchaîna Garry, « mais qu’est ce qu’on doit chercher exactement? »
« Tout ce qui vous paraît sorti de l’ordinaire. Plus on collecte de données, plus vite on pourra quitter cet endroit. S’il n’y a pas d’autres questions, je dois retourner dans le cockpit. »
Tous se levèrent, à l’exception de Jack, perdu dans ses pensées depuis l’intervention de Malik. Ce dernier se dirigea vers ses appartements, suivi de Garry. Jack senti une main se poser sur son épaule, le faisant sursauter.
« Désolé, je ne voulais pas t’effrayer », dit Shirly.
« Ça va… »
« N’écoute pas Malik, il ne connaît pas ton histoire, il ne sait pas ce qui s’est passé sur cette planète. »
« Je… Je ne veux pas en parler, Shirly. »
« D’accord… Mais sache que si un jour tu veux parler, je serai là. »
Jack n’avait jamais été un grand bavard, mais les événements de sa dernière mission l’ont enfoncé encore plus dans sa coquille. Il finirait peut-être à en parler un jour. Shirly est la seule qui en sait autant, tout simplement parce qu’elle était présente sur cette planète avec lui. Il n'en avait même pas parlé à Héloïse, alors pourquoi en parlerait-il à Shirly?
Jack se leva et se dirigea vers sa chambre. Il actionna le levier sur le côté de la porte. Celle-ci s’ouvrit avec un bruit d’air s’échappant des parois, puis se renferma automatiquement une fois à l’intérieur. La seule chose que Jack désirait présentement, c’était se reposer. Il s’installa sur son lit défait, sans prendre la peine de se couvrir, puis s’endormi instantanément.
…
« Jean ! Jean, répond moi bordel !! »
Le radio continuait de grésiller, sans aucune réponse du principal intéressé. Jack s’adossa à la chaise du copilote, regardant Shirly, qui ajustait les derniers préparatifs pour un départ hâtif. Le capitaine Yan était assis sur sa chaise, prêt à mettre les voiles.
« Jack…moi, je…partez…sans moi… », dit une voix lointaine au bout du radio.
«Jean ! NON ! Je ne partirai pas sans toi ! »
« Jack », insista Yan, « on doit partir, sinon cette planète sera notre cimetière. »
Yan activa tous les réglages nécessaires afin d’amorcer le décollage. Pendant ce temps, Jack était déjà en route vers le sas, afin de sortir à l’extérieur, ignorant les ordres de son capitaine. Au moment où il actionna le petit levier rouge permettant d’ouvrir la porte vers l’extérieur de la navette, shirly l’attrapa. La porte s’ouvrit lorsque le vaisseau s’engagea dans les airs. La dernière chose que Jack vit de cette planète était Jean, sortant de la grotte, suivi de cinq créatures géantes, ressemblant à des ours. Les animaux l'encerclèrent. Leurs ombres s’agitaient sous les lumières vacillantes du vaisseau en fuite. Puis, sans prévenir, les créatures bondirent, avec une synchronisation si parfaite qu’elles semblaient ne faire qu’un.
…
Jack se réveilla en sursaut. De la sueur recouvrait chaque partie de son corps. Il se leva tout en essayant de reprendre sa respiration haletante. Devant lui, la vue du hublot entrevoyait déjà une terre, une plage de sable blanc, au côté d’une grande montagne, où on pouvait voir des arbres pousser un peu partout sur les bords de falaise. Jack prit d’abord une douche avant de rejoindre ses collègues à l’extérieur.
Les nuits de l’homme devenaient de plus en plus agitées. Il revoyait sans cesse la fin des événements de sa dernière mission, sur cette planète étrange, où le ciel était constamment de couleur violette. Des nuages noirs emplissaient ce ciel irrégulier. Jack ne pouvait pas oublier l’allure de l’endroit où Jean avait trouvé la mort.
« Pourquoi t’es-tu aventuré dans cette grotte, petit frère? » Se demandait Jack, à chacun de ses réveils brutaux. « Je t’avais pourtant dit que c’était une mauvaise idée ».
Dès que le sexagénaire mit le pied à l’extérieur, il sentit aussitôt cette chaleur étouffante. Un énorme soleil orange, présentant des éclats bleutés, faisait son apparition juste au-dessus de sa tête. Jack avança sur le petit chemin de gravier afin de se diriger vers le campement improvisé que ses collègues avaient érigé, et s’engouffra sous les arbres.
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