Comme si c'était demain
Je t'attendrai tous les jours, promis, au pied du petit châtaignier que nous avions planté près du pont.
Je serai là, un ruban blanc dans les cheveux; celui que tu m'as acheté au marché ce matin. Ce sera l'histoire de trois semaines, pas plus de quatre. L'administratif, ça peut traîner longtemps quand même.
- N'oublie pas ton écharpe, il fait froid là-bas.
Tu gromelles, encore mal réveillé.
- Et sois prudent, ils signalent des crues en cette saison.
- Oh! Ça va, je n'ai plus dix ans!
- Bien sûr. Tu me fais un bisou?
Tes lèvres effleurent ma joue, odeur de café frais et joues lisses, parfaitement rasées.
- C'est tout? te taquiné-je, un peu déçue.
- Je vais au Patemin, je ne pars pas faire le tour du monde, non plus!
Sans poursuivre, tu enfiles ton sac à dos, tes gants, et tu m'adresses un regard encore un peu bourru de sommeil, un petit geste de la main:
- Bon, ben salut.
Ton dos s'éloigne sur le petit pont, puis disparais à côté du petit châtaignier qui t'arrive à peine aux épaules.
Je t'attends tous les jours, comme promis, à l'ombre des feuilles qui ombragent le petit pont.
Le ruban blanc a cassé quand j'ai lu le journal signalant les crues qui avaient emporté des inconnus sur la route du Patemin. J'en porte un autre, plus gris, plus triste.
Mais j'attends quand même tous les jours au lever du soleil, ton café à la main. Quand il est complètement refroidi, je finis par rentrer en me disant que, sans doute, la neige t'aura bloqué. Tu arriveras demain.
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