Chapitre 16 : mensonges et vérités.

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 Les rayons du soleil venaient me chatouiller les yeux. Je les ouvris difficilement après cette nuit mouvementée. À la vue du lit vide d’Avorian, je compris qu’il était temps de se lever. Je me dirigeai vers le village où je vis celui-ci discuter avec Arianna tout en mangeant une fleur orange. Abélia, la fée violette, me fit signe d’approcher et désigna de sa petite main un bol en bois, de taille adaptée à un humain, garni de nourriture.

 Je lui adressai un remerciement et savourai le parfum sucré des fleurs, chassant autant que possible de mes pensées le mauvais rêve que j’avais fait cette nuit. Avorian m’informa qu’il fallait partir dès aujourd’hui en raison du long chemin à parcourir. Bien que notre séjour parmi elles fut court, je n’avais nullement envie de quitter nos joyeuses compagnes. Nous les remerciâmes chaleureusement pour tout. Nos charmantes hôtes nous offrirent quelques biscuits aux fleurs pour le voyage. Nos provisions regarnies en fruits et boissons, nous nous dirigeâmes vers la sortie du village lorsque…

– Attendez ! cria Arianna qui volait derrière nous. J’ai quelque chose pour toi, Kiarah.

 La reine des fées tenait dans ses petites mains blanches une magnifique fleur aux larges pétales de différents roses, ceux-ci garnis de paillettes dorées.

– C’est une fleur magique, continua la fée. Elle ne se fanera jamais. Chaque fois que tu auras besoin de mon aide, arrache l’un de ces pétales… je viendrai à toi. Utilise-les judicieusement.

 En effet, je n’en comptai que sept.

– Merci pour tout Arianna. Je garderai précieusement la fleur et en prendrai soin. Vous allez toutes me manquer, avouai-je en regardant les fées qui s’étaient regroupées autour de nous.

 Une larme glissait sur ma joue. Je souhaitais rester un peu plus longtemps dans ce charmant village, où les rires des fées charriaient la brise légère de ce printemps éternel. Je compris que cette tristesse inattendue évoquait en moi une nostalgie lointaine. J’avais en effet bel et bien connu cet endroit autrefois. Je me demandais comment j’avais pu vivre ainsi dans deux mondes différents sans même m’en rendre compte. Était-ce dû au passage entre la Terre et Orfianne, à la porte par laquelle les souvenirs s’échappaient ? Ou à cause d’une autre potion d’Avorian ?

– Ne pleure pas, supplia Arianna, elle aussi au bord des larmes. Nous nous reverrons, je te le promets Kiarah.

 La jolie fée plaça sa petite main dans la mienne. Ce geste touchant me réconforta. Puis, je me dirigeai à contrecœur vers la forêt, quittant ma nouvelle amie.

– Ne t’inquiète pas, me dit Avorian tandis que nous marchions, le village maintenant loin. Tu vas vivre des moments extraordinaires tout au long de notre périple. Tu rencontreras aussi d’autres fées et toutes sortes de créatures. Ce monde recèle de merveilles !

– Vous avez raison, approuvai-je. Mais je me suis beaucoup attachée à Arianna. C’est comme si je la connaissais déjà. Je pense que ces réminiscences me rendent mélancolique. Tout se mélange dans ma tête.

– Je comprends. Le fait de revenir à la cité des fées des années plus tard réveille ta mémoire, confirma-t-il.

– Avorian, pourquoi ces aller-retour d’un monde à l’autre lorsque j’étais petite ? Pourquoi ne suis-je pas tout simplement restée sur Orfianne ?

– Tu n’es venue que rarement, seulement quelquefois afin de garder un lien avec ta planète, ses habitants, notre langue, la magie. Tu devais rester sur Terre pour ta sécurité, comme tu le sais, mais aussi pour t’y adapter et créer un lien avec les êtres humains. Le seul moyen de sauver Orfianne est de restaurer l’équilibre entre les deux mondes. Nous souhaitons que tu deviennes en quelque sorte un émissaire de notre planète. Il fallait donc que tu puisses supporter les fréquences de la planète Terre, qui sont différentes de celles d’Orfianne.

– Je comprends tout ça, mais pourquoi moi ? Vous ne m’avez certainement pas choisie par hasard !

– En effet… tu possèdes certaines particularités. Tu étais la mieux placée pour tenir ce rôle.

 Je compris qu’Avorian ne souhaitait pas en dire plus et jugeai bon de me taire, pour cette fois, car je n’avais aucune envie de me disputer à nouveau avec lui : nous venions à peine de faire la paix. Nous marchâmes donc en silence quelques heures, puis Avorian déclara :

– Il faut que tu t’entraînes à utiliser tes pouvoirs.

 Nous nous arrêtâmes à un endroit où les arbres se faisaient moins nombreux.

– Alors, tu vas placer tes mains comme cela. Regarde bien.

 Il m’apprit plusieurs nouvelles techniques et positions de mains. Toujours avec cette notion de polarité pour pouvoir créer quelque chose. Ainsi, dans presque toutes les positions, les paumes restaient légèrement parallèles, afin que l’énergie de la main gauche puisse rencontrer celle de droite. Il m’informa aussi que je détenais des pouvoirs de guérison. Cette déclaration m’emplit de joie, car c’était pour moi la plus belle des facultés.

 Je progressais à chaque minute, m’exerçant à lancer des sphères bleutées dans le vide ainsi que le rayon de paillettes multicolores qui pouvait paralyser mes ennemis. Je m’entraînais aussi à construire le fameux bouclier de protection, l’un des pouvoirs que je jugeais des plus utiles.

 Après deux bonnes heures de travail acharné, Avorian me proposa de faire un petit duel. J’acceptai en lui priant d’être indulgent avec moi ; il m’assura de faire attention.

 Le combat commença : Avorian me lança une sphère, je l’esquivai de justesse. Il poursuivit avec deux autres, sans répit. Sa rapidité allait vite l’emporter. Je créai deux sphères bleutées, les projetant de toutes mes forces contre lui. . Il les dévia de leur trajectoire d’un geste de la main, l’air amusé, et ma propre magie se retourna contre moi. Je me confectionnai hâtivement un bouclier pour que les deux globes rebondissent dessus. Je ne laissai pas à Avorian le temps de soupirer : j’expulsai de mes mains un rayon paralysant en sa direction. À son tour, il fit apparaître un bouclier autour de lui en un clin d’œil qui le protégea de mon attaque dérisoire. Il riposta en lançant un puissant rayon blanc. Je renforçai mon propre bouclier. Il vibra lorsque le rayon l’atteignit, mais j’usai de toutes mes forces pour qu’il tienne bon. Fort heureusement, le duel s’acheva ici. J’étais déjà exténuée.

– Bravo ! s’exclama Avorian. Tu as fait de réels progrès, aucune attaque ne t’a touchée, et tu possèdes une excellente défense. Tu apprends vite ! Mais il faudra bien travailler tes attaques, c’est ton point faible.

– Merci. J’ai vraiment du mal à concevoir qu’un jour j’atteindrais peut-être votre niveau. Je vous trouve impressionnant !

– Oh ! Ne t’inquiète pas, cela viendra avec le temps. Tu es si jeune ! C’est normal que tu n’oses pas encore passer à l’assaut, tu y parviendras lorsque tu auras confiance en toi.

 Un peu plus loin, nous trouvâmes un ruisseau. Je me baignai dans son eau claire, rafraichissante. J’en profitai pour laver mes vêtements. Puis, nous cueillîmes des fruits dans les arbres environnants. Avorian déterra également quelques racines comestibles. Chemin faisant, je remarquai une très belle fleur rouge. Son parfum enivrait mes narines. Soudain, ses pétales remuèrent. Intriguée, je me dirigeai alors vers elle.

– Oh ! m’exclamai-je en regardant Avorian. Il y a une fée dans cette fleur !

– Les fées adorent se prélasser dans les plantes, répondit-il en s’approchant de moi. Elles se nourrissent des bourgeons et du pollen.

– Un peu comme les abeilles sur Terre, remarquai-je. D’ailleurs, je n’ai pas vu de mouches ou d’abeilles, y en a-t-il dans ce monde ?

– Non, les insectes sont différents ici. Les fées et les papillons remplacent le rôle des abeilles en répandant du pollen lorsqu’ils s’envolent. Elles fabriquent également du miel.

– Ouf ! Je ne pourrais pas me passer de miel ! Pouvez-vous me reparler du cycle des saisons ?

– La démarcation des saisons est moins flagrante que sur Terre. Chaque saison dure plus longtemps. Nous avons une sorte de printemps extrêmement long ici par exemple, tandis que l’hiver règne éternellement dans les royaumes du nord : là-bas la neige est reine. Les déserts quant à eux ne connaissent presque pas la saveur de la pluie.

 La fée bondit promptement de la fleur en me regardant avec des yeux ronds. Ses traits se confondaient avec leur environnement : sa peau vert-pâle rappelait la couleur de la tige, tandis que sa robe rouge, les pétales. Avec ce camouflage, on pouvait largement s’y méprendre et cueillir la fée au lieu de la fleur.

– Qui es-tu ? me demanda-t-elle d’une petite voix.

– Je m’appelle Kiarah, répondis-je tout naturellement. Et toi, qui es-tu ?

– Je suis Liana. C’est bien toi qui vivais sur Terre et…

– Oui, c’est elle, l’interrompit Avorian. Mais Liana, il n’est pas encore temps de parler de tous les détails...

 Il baissa d’un ton sur les derniers mots, comme s’il préférait que je n’entende pas.

– Ah bon… euh… désolée, bégaya la petite fée gênée.

 Là, c’en était trop.

– Quoi ? protestai-je. Qu’est-ce qu’il ne faut pas me dire, encore ? Pourquoi toujours me cacher des choses, hein ? Vous parlez de vérité, critiquant les mensonges des êtres humains, mais pourtant vous me dissimulez tant de choses !

– Je suis désolé Kiarah… sincèrement ! Je sais ce que tu ressens. C’est pour te protéger, tu comprends ?

– Non, justement, je ne comprends pas ! Et vous ne savez absolument pas ce que je ressens. Vous croyez tout savoir. On ne vous a pas mis dans un autre monde que le vôtre, vous, on ne vous cache pas toute la vérité ! On ne vous sépare pas de votre famille et de vos amis sans prévenir et sans demander votre avis. On ne vous force pas à rester sur une planète totalement inconnue ! Je ne sais même pas qui je suis !

 Folle de rage, je partis en courant à toute vitesse ; en tout cas assez loin pour ne pas qu’on me retrouve de si tôt. Je m’assis sur une pierre entre les arbres, incapable de retenir mes larmes.

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