Chapitre 38 : Voyage au milieu des étoiles…

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 C’était beau.

 La lumière, les étoiles… en dehors de l’espace-temps. Je ressentais une perception de vitesse. Mais cela me paraissait normal, naturel. Il n’y avait rien à comprendre, pas même besoin de réfléchir. Tout venait déjà à moi, toutes les réponses.

 Mon esprit voyageait, à présent libre de toute contrainte. Mais… pourquoi maintenant ? Ne devais-je pas vivre ? Indignée, mon âme fit le chemin inverse pour revenir vers mon corps ensanglanté. Comme il semblait pâle et sans vie ! Quelle affreuse vision que celle de se voir morte, le visage blême, les lèvres exsangues, et Avorian en train de se débattre vainement.

 Un Métharcasap portait mon corps à travers la forêt. Mon ami était à présent attaché, vaincu, mais vivant. Je m’accrochai à la seule chose qui comptait pour moi désormais : qu’il reste en vie. Mon esprit se sentit légèrement soulagé et entreprit de suivre la créature qui me soulevait sans douceur, comme on prendrait une vieille poupée que l’on jetterait à la poubelle. Et moi, j’allais probablement finir dans un tombeau.

 Les monstres nous conduisaient à un bâtiment creusé dans la roche même. Ils entrèrent dans une vaste pièce ronde. Les flammes des nombreuses torches dessinaient des ombres menaçantes qui semblaient danser sur les murs de pierre. Au fond de la salle, mon âme remarqua une sorte de trône grotesque en bois, sans artifices.

 Mon porteur me déposa au pied du trône, où, un Métharcasap qui devait sans doute être leur chef, y était assis. Il se mit alors à genoux devant son supérieur. Celui-ci lui adressa un regard aussi impitoyable que menaçant. Les créatures restèrent muettes, pourtant mon esprit entendait leurs paroles. J’en déduisis qu’elles étaient télépathes, et que la mort me rendait omnisciente.

 « Pauvre idiot ! Notre maître la voulait vivante et intacte ! C’est ce que tu appelles en bonne santé, toi ? Tu crois que je vais pouvoir la ramener, dans cet état ? On ne peut vraiment pas vous faire confiance ! Tu n’as pas respecté les ordres, je te prends pour responsable. Je vais te punir. »

 Sur ces « mots », il se leva de son siège, fit jaillir de sa corne du milieu un puissant rayon doré qui trancha nettement la tête de mon porteur. Sa tête roula jusqu’à moi. Bien sûr, je ne pouvais pas réagir, malgré l’horreur de la situation. Mon âme restait en dehors de mon corps, observant la scène avec effroi. Le sang coulait encore de mes blessures. Quelqu’un avait pris la peine de fermer mes paupières, ou bien les avais-je closes ? Avorian, attaché à l’aide de lianes, pleurait sans cesse, le visage miné.

 Il cria entre deux sanglots :

– Je peux encore la guérir ! Je vous en supplie, vous la vouliez vivante, laissez-moi la guérir ! Il est encore temps ! Après il sera trop tard… son esprit n’est pas encore partie pour l’autre monde. Je le sens. Vite !

 Avorian avait dû capter leur conversation télépathique. Cela ne m’étonnait pas de lui.

 « Oui, je veux bien te croire, mais tu pourrais ensuite utiliser tes pouvoirs contre nous, et ça, je ne le permets pas. Je sais que tu es un grand magicien », lui dit le chef dans sa tête. J’entendais toute leur conversation, bien que leurs lèvres ne bougeaient pas d’un pouce. Sans la barrière de la chair, mon esprit pouvait en effet tout capter.

– Mais votre maître la voulait vivante. Je pense qu’il ne montrera guère de clémence en la voyant dans cet état. C’est tout à votre avantage si je la soigne, marchanda Avorian, ne perdant pas espoir.

 « Et tu as raison, magicien. J’ai besoin d’elle vivante, je ne peux le nier. Je te donne la permission, soigne-la. Mais ne tente pas de t’échapper, Enchanteur, ou il t’en coûtera. Vous deux, surveillez-le ! », ordonna-t-il télépathiquement en désignant des gardes près de la porte.

 Ils le détachèrent pour l’amenèrent près de moi. Je constatai que les lianes devaient être empoisonnées : elles rejetaient un liquide verdâtre qui avait abîmé les poignets d’Avorian. Mais il cicatrisait à la vitesse de l’éclair, contrairement à moi. Ce fluide visqueux l’empêchait sans doute d’utiliser ses pouvoirs : je connaissais la puissance de mon ami, il aurait largement pu s’échapper. Mais il ne le pouvait pas… car j’étais là, aux portes de la mort.

Avorian pris une grande inspiration, ferma les yeux, se concentra. Puis, il prononça des mots dans la langue des fées. Un rayon de lumière émeraude entra dans ma profonde plaie, le sang cessa de couler, la chair se reconstituait peu à peu. Après quelques minutes, la blessure se refermait complètement, sans laisser de cicatrices.

 Mais je ne me réveillais pas.

– S’il vous plaît, donnez-lui à boire ! supplia Avorian, les larmes recommençant à poindre dans ses yeux.

 Conciliant, le chef lança une gourde recouverte d’une peau de bête à Avorian. Celui-ci essaya de me faire avaler de l’eau – en vain. Rien ne se passa. Je ne pouvais même pas déglutir. Mon âme continuait à voler dans la pièce, un peu affolée, incapable de retourner dans mon corps. J’étais coincée dans les airs. C’était pénible !

 Avorian mit alors ses mains sur ma tête, il n’abandonnait pas. Cette fois l’expression de son visage reflétait la tristesse et le désespoir.

– Kiarah ! Fais un effort… réveille-toi ! Je veux que tu vives ! Ne me laisse pas, reviens ! cria Avorian, déterminé à me rendre mon souffle.

« C’est malin… c’est trop tard », lui lança le chef d’un air aussi énervé que dédaigneux, comme si c’était de sa faute.

– Non ! continua Avorian, ne renonçant toujours pas. Elle ne peut pas mourir de toute façon, elle n’en a pas le droit ! C’était notre seul espoir ! Notre seule chance ! La dernière…

 Avorian ne put terminer sa phrase. Il pleurait à chaudes larmes. Celles-ci coulaient sur mon corps inerte. Mon âme entendait les appels acharnés et désespérés d’Avorian, mais quelque chose l’empêchait de revenir. Et finalement, elle s’en allait à présent vers les étoiles. Je volais à une vitesse impressionnante dans l’espace, de plus en plus haut, sans aucune pensée, pas même consciente de ma mort. Des lumières défilaient à côté de moi. Je planais parmi les astres, dans le cosmos.

 Au loin, je distinguais un magnifique royaume lumineux. Son architecture était époustouflante, sublime, indescriptible, au-delà même de notre imagination et de notre conception de la beauté.

 Ce grand royaume phosphorescent flottait au milieu du tout et du rien, resplendissant dans l’espace. Une émotion intense émergeait en moi. Cet endroit m’attirait, m’aspirait même, comme un aimant. Mais quelque chose me retenait, ne voulant pas que j’entre là-bas maintenant, suppliant que je revienne. Cette voix que je connaissais si bien et que je chérissais tant.

 Non, ce n’était pas mon heure, pas encore.

 Cette douce voix m’éloigna du captivant royaume. Comme il était difficile de s’en aller… J’avais tellement envie d’y rester, d’y entrer ! J’étais comme pétrifiée dans l’espace, je ne parvenais plus à revenir. Je vis alors un ange aux longues ailes noires apparaître au loin et tendre son bras vers moi, comme pour m’aider à redescendre. Je ne pouvais pas distinguer son visage, mais lorsqu’il s’approcha, mon esprit se stupéfia. Ce masque… si reconnaissable, et cette houppelande aussi sombre que son cœur…

Sèvenoir.

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