Chapitre 48 : voyager le cœur léger.

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 Le lendemain, nous marchions derrière notre nouveau guide à quatre pattes. Il allait, sûr de lui, à travers ce nouveau paysage verdoyant. Depuis l’arrivée de Swèèn, nos cœurs s’emplissaient un peu plus d’espoir et de joie. Il avait été pour nous la lumière perçant l’ombre, tel un ange déchirant les entrailles des ténèbres. Grâce à sa douce présence, nous avions pu accomplir un miracle. Je désirais tant m’envoler encore une fois avec lui en empoignant sa douce crinière argentée.

– Sommes-nous loin du Royaume du Cristal ? s’enquit Orialis, à présent revigorée par le soleil chaleureux.

Ses antennes avaient en effet retrouvé leur belle parure dorée.

– Plus tellement. N’oublie pas que nous avons encore une forêt à traverser puis des montagnes à grimper avant d’arriver au Royaume, informa Avorian. Mais je suis sûr que tu pourras aisément faire ce voyage, c’est déjà un exploit que tu aies pu rester debout si longtemps sans voir le soleil !

– Merci ! Heureusement que vous avez poussé les nuages, nous gratifia Orialis. Car sinon, courage ou non, je n’aurais pas pu survivre.

 Je compris combien, chez les Noyrociens, le mauvais temps était source de mauvaise humeur ou de défaillance physique. Comme un humain qui n’aurait pas assez mangé. Orialis m’impressionnait par sa vaillance et sa résistance face à ces contraintes. Elle tenait bon quoi qu’il advienne. Elle pouvait à présent capter les rayons du soleil pour s’en nourrir. Son teint reprenait peu à peu son coloris naturel vert-pomme, et elle m’adressa même un petit sourire. Même ses cheveux jades paraissaient plus brillants. J’observai que ses mèches ondulées lui arrivaient maintenant sur les épaules. Je me rendis compte que mes cheveux aussi avaient poussé. J’étais désormais obligée de les attacher en tresse ou en queue de cheval afin de ne pas être gênée par leur longueur.

– Tu nous donnes une belle leçon de bravoure et d’humilité, ajoutai-je à l’adresse d’Orialis. Mais Swèèn, comment saviez-vous que nous nous rendions au Royaume du Cristal ?

– Tout le monde doit se rendre au Royaume du Cristal ! Et puis, Avorian et moi ne nous cachons rien, je connaissais l’issu de votre voyage avant votre départ. Nora, la gardienne du Royaume, m’a demandé de vous aider.

 En effet, Kaya et Orialis m’avaient déjà expliqué la raison pour laquelle tous les peuples d’Orfianne devaient se rendre au Royaume du Cristal en ces temps troublés : afin d’y apporter nos Pierres respectives, pour les jumeler et sauver notre monde. Quelque part en moi, je savais que Swèèn jouait un peu le rôle de notre ange gardien dans cette histoire.

 Au loin, je vis la cime des arbres d’une forêt. Derrière l’étendue de conifères et l’épaisse brume d’humidité, les montagnes commençaient à se dessiner. Elles se dressaient dans toute leur splendeur, arborant leur belle parure blanche à la pointe, mais le brouillard les rendaient menaçantes. Et surtout, il fallait les grimper…

– Vous voyez ! On n’a pas eu de problème avec ce roi des Modracks, finalement ! clamai-je le sourire aux lèvres. On a même réussi à faire disparaître ces étranges créatures issues des pensées des humains qui nous guettaient sans cesse.

– Oui, et nous avons beaucoup de chance d’avoir pu traverser ces terres indemnes ! jugea Orialis, la mine réjouie.

– Nos terres ne sont désormais plus maudites ! La vie va enfin pouvoir reprendre son cours, après une quinzaine d’années de silence, renchérit l’Enchanteur.

– La forêt que nous allons traverser représente-t-elle un danger ? demandai-je.

– Normalement tout devrait bien se passer, me rassura Avorian.

– Comme d’habitude…, plaisantai-je.

– Oui mais cette fois, nous avons un Limosien dans notre équipe ! fit valoir Orialis.

 Swèèn secoua son échine en entendant ces mots.

 Nous fîmes une courte pause avant d’entrer dans la forêt, afin qu’Orialis puisse faire une bonne réserve de soleil. Nous en profitâmes pour manger et nettoyer un peu nos vêtements maculés de terre sèche. Nous utilisâmes également certaines plantes vertes gourmandes en eau pour nous laver les bras et les jambes. Orialis connaissait les propriétés détachantes et bienfaisantes de celles-ci. Car à présent, le sol se tapissait de végétaux de toute espèce. Je me sentis beaucoup mieux après ce brin de toilette.

– Oh ! Enfin des feuilles vertes ! s’exclama Orialis, les yeux étincelants de joie.

– Il ne faut jamais douter d’un Limosien, commenta Avorian en esquissant un sourire. Swèèn est un excellent guide, le meilleur qu’il soit même, croyez-moi.

– On n’en doute pas, le taquinai-je. Où se situe le Royaume du Cristal exactement ?

– Dans un endroit inaccessible… encerclé par les montagnes, expliqua Avorian.

– Ah oui ? Pourquoi le cacher ? Pour les ennemis ? raisonnai-je.

– Exactement. Pour le protéger des forces de l’ombre. C’est un endroit très pur, royaume de l’équilibre parfait ; si les ténèbres le découvrent, ce serait terrible, poursuivit Avorian.

– Mais Orialis, je croyais que tu connaissais aussi le chemin ? Tu devais t’y rendre, non ?

– Je devais m’y rendre accompagnée, et j’ai perdu toute mon escorte à cause de ces fichus Métharcasaps ! Je connais une partie du chemin, mais je n’y suis encore jamais allée. Depuis la mort de la reine, le roi est resté prostré dans son Royaume. Il n’invite plus personne. C’est la première fois depuis bien longtemps que les peuples d’Orfianne y sont conviés.

– La Reine était une Enchanteresse, Kiarah… elle aussi assassinée lors de la guerre, prononça Avorian le cœur lourd.

– Vous m’en aviez parlé, mais j’ignorais que c’était une Enchanteresse. Cette bataille, s’est-elle poursuivie sur d’autres terres que les nôtres ?

– Non. Le génocide a eu lieu dans notre royaume. Quelques peuples ont voulu nous aider… mais cet élan de solidarité n’a pas suffi : notre peuple a été décimé, et une grande partie de la communauté Komac a péri avec eux. La Reine elle-même a combattu, me répondit Avorian d’un ton grave.

 Nous demeurâmes silencieux un long moment. J’étais réellement touchée. Avorian nous parlait un peu plus de son histoire. Quelques larmes lui perlaient aux yeux. Je lui pris doucement la main, afin de lui témoigner par ce geste ma présence, ma chaleur. Orialis lui prit l’autre main et nous reprîmes la marche ainsi, avec Swèèn devant nous. Avorian ne pu s’empêcher de sourire, le regard reconnaissant.

 Le soir tombait. Nous approchions de la forêt, l’air se faisait humide et frais. Les arbres ressemblaient à des sapins. Leurs branches s’entremêlaient de sorte que l’on ne voyait absolument rien à l’intérieur. Avec la nuit arrivant, tout demeurait sombre.

– Pas très rassurant tout ça…, avoua Orialis lorsque nous fîmes le premier pas au creux des ténèbres. Je suis vraiment abonnée aux endroits noirs et sans soleil ! Quelle malédiction !

– Il nous faudrait en effet un peu de lumière. Avorian, pouvez-vous utiliser votre magie pour nous éclairer ? demandai-je.

– Je le pourrais oui, et toi aussi d’ailleurs au passage, mais j’ai un mauvais pressentiment. J’ai peur que nous nous fassions repérer. Notre sort n’a visiblement pas réussi à atteindre cet endroit. Dommage. Nous devons rester inaperçus.

– Je croyais que tout allait bien se passer ! Ce n’est vraiment pas pratique en tout cas ! bougonna Orialis.

– Je le pensais oui, mais étant donné ce que je ressens, notre pouvoir a ses limites…, avoua Avorian.

– Préfèreriez-vous vous faire attaquer, chère amie ? ajouta Swèèn de la manière dont on dirait : « Voulez-vous une tasse de thé ? ».

 La désignée ne répondit pas et tourna dédaigneusement la tête. Puis, elle s’arrêta net et se figea. Orialis se mit soudainement à trembler comme une feuille en regardant… deux immenses yeux rouges perchés dans l’ombre des arbres à quelques mètres de nous. Avorian recula de stupeur et laissa échapper un « oh ! », le visage crispé. Swèèn se planta à côté de moi puis cessa de bouger. Cela me parût très étonnant, d’habitude, il se jetait sur l’ennemi pour me protéger. Je me doutais qu’ils connaissaient tous cette chose effrayante. Je me sentis très mal… J’ignorais tout de ce monde, je ne pouvais pas les aider. Généralement, Avorian avait toujours la situation bien en mains, il me dictait ses ordres, et nous nous en sortions. Mais là, tout le monde semblait pétrifié.

 Comment définir cette créature ? Elle n’était rien d’autre à part de l’ombre : pas de matière ou de corps, juste un bout de ténèbres… Même aux dernières lueurs du crépuscule, on pouvait aisément distinguer deux grands yeux rouges, sans paupières, sans forme distincte, semblables deux lueurs perdues au milieu du néant. Mes entrailles se resserrèrent, je ne parvenais plus à parler. Et plus j’attendais, moins j’avais envie de faire quelque chose. Sa présence m’hypnotisait. Comme la vision du Modrack. Je devais vite me ressaisir ! Je m’attendais à une attaque imminente, mais rien ne se passa. Le terrifiant regard vermeil disparut aussi vite qu’il était apparu. Mes amis se remirent à respirer.

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