Chapitre 67 : Confidences au levé du soleil.

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 Je redescendais doucement vers le sol, mon corps encore légèrement luminescent. Tous me regardaient avec des yeux ronds, mêlant une expression d’étonnement à celle de la fierté. Je détestais ça. Ce sentiment d’être anormale ne faisait que s’accroitre en moi depuis mon séjour chez l’Ombre. Si tel était son but, eh bien elle avait gagné, en semant le trouble dans mon esprit !

 Il faisait encore nuit. Après quelques minutes de silence, Orialis prit la parole :

– Comment as-tu fait ? Et puis… tu… tu voles !

– Oui, pour la deuxième fois ! précisa Swèèn.

– Je n’en sais rien, leur dis-je dépitée, comme s’il s’agissait d’une véritable malédiction.

– C’est incroyable ! insista-t-elle.

– En tout cas, toi, quand tu te mets en colère, tu ne fais pas semblant ! Et mieux vaut ne pas être sur ton chemin…, plaisanta Avorian pour détendre un peu l’atmosphère.

– Une chose est sûre : cette fois, l’Ombre ne pourra certainement pas exécuter ses sombres manigances avant longtemps, renchéris Orialis.

– J’ignore ce qui m’a pris. Je regrette, avouai-je en baissant la tête d’un air abattu.

– Tu regrettes de nous avoir sauvés ? fit Avorian, essayant vainement de me faire sourire. Ce que tu as fait est formidable, je ne vois pas où est le problème. Écoute, la colère est une émotion tout à fait saine qui nous permet de nous défendre et de poser nos limites lorsque quelqu’un tente de les transgresser. Tu as utilisé ton courroux à bon escient, et cela fait toute la différence.

– Moralement tu es une fille irréprochable, je t’assure ! ajouta Orialis.

– Il est vrai que je me sens un peu soulagée, et que ça fait du bien de sortir tout ce qui me pèse sur le cœur. Mais je ne maîtrise pas mes émotions, ni ce qui sort de mon corps. C’est effrayant !

– Tu n’as rien à te reprocher, me rassura Avorian. Je vois bien ce que tu redoutes, Kiarah. Cependant, si tu avais réellement sombré, il ne jaillirait pas de ton corps ces rayons lumineux, mais des jets d’ombres… tu l’as bien remarqué au cours de ton voyage, non ? L’Ombre et Sèvenoir sont incapables d’utiliser la puissance de la lumière. Mais toi, si ! Cesse de te tracasser.

– Ma chère Kiarah, un Limosien ne pourrait pas être ton protecteur si tu étais le mal incarné, renchérit Swèèn.

– Oui, peut-être, mais j’ai peur de devenir incontrôlable. Peur de ne plus réussir à contenir mes pouvoirs.

– Je vois ce que tu veux dire…, me réconforta Avorian. Mais jusqu’ici, tu t’en es servie lorsque tu n’avais pas le choix, pour te défendre ou nous protéger, et non pour attaquer de ton plein gré. Tu as toujours réussi à te contrôler. Je ne vois pas pourquoi tu n’y parviendrais plus.

– Je ne sais pas comment expliquer ma peine. J’ai l’impression au contraire de ne rien maîtriser… de me laisser porter d’un endroit à un autre sans en comprendre la raison. Mes pouvoirs prennent le dessus et m’intriguent de plus en plus…

– Prends le temps d’apprivoiser qui tu es ainsi que la magie que tu possèdes, me dit doucement Swèèn de sa voix androgyne. C’est loin d’être facile d’accepter autant de puissance en soi. C’est normal d’en avoir peur, Kiarah.

 Swèèn vint frotter son museau contre mon bras. Je commençais à percevoir le contour des montagnes, signe que le jour allait poindre.

– Je suis désolée de me lamenter ainsi. J’ai besoin de dormir, confiai-je aux autres.

– Tu as raison, il faut nous reposer avant que le jour ne se lève. Bientôt, nous aurons besoin de toute notre énergie pour gravir les montagnes, annonça Avorian.

 Sur ces paroles, Orialis s’allongea et nous l’imitâmes. Je me remis contre le Limosien qui m’entoura de ses grosses pattes toutes chaudes. Je caressais un moment ses plumes argentés, puis, plaçai ma tête contre la sienne et m’endormis enfin.

Je me réveillai sous un ciel magnifique.

 Avorian se tenait assis, en train de regarder les montagnes à travers la brume matinale. Un beau soleil orange se levait, peignant autour de lui le ciel en des tons rose, violet, orangé, turquoise. Orialis et Swèèn dormaient encore.

 Je sentis l’air frais et humide qui annonçait la rosée du matin. À mon tour, je scrutai l’horizon. Les montagnes me paraissaient imposantes. Sans doute parce que nous allions devoir les franchir… Je m’assis près de mon ami et contemplai un instant ses yeux gris, sondant la profondeur de son regard.

– Comment vas-tu ce matin, Kiarah ? me demanda-t-il d’une voix douce, sans détourner pour autant son regard du paysage qu’il admirait.

– Je me sens mieux, lui confiai-je en inspirant une bouffée de cet air pur.

– J’ai été très touché hier par tes mots… par le fait que tu me considères véritablement comme un guide, m’avoua Avorian, détournant son regard des montagnes pour me dévisager.

– Vous m’avez tout appris, Avorian, confirmai-je.

 J’eus à peine le temps d’esquisser un sourire du coin des lèvres qu’Avorian me prit dans ses bras.

 Swèèn étira son corps de lion et battit de ses ailes d’anges.

– Prenons un bon petit-déjeuner, suggéra Swèèn en baillant. Enfin… bon, c’est un grand mot, tout est relatif, se ravisa-t-il.

 En effet, nos réserves de nourriture s’épuisaient. Je changeai de vêtements pour mettre un pantalon marron avec un chandail beige en vue de cette longue marche, puis réveillai doucement Orialis pendant qu’Avorian et Swèèn ramassaient plantes et baies comestibles. La Noyrocienne ne semblait pas vouloir ouvrir les yeux. Après avoir un peu grignoté et bavardé, Avorian sonna le départ. Nous marchâmes ainsi jusqu’aux pieds des montagnes. Orialis avançait lentement, le visage miné.

– Pensez au merveilleux Royaume du Cristal qui nous attend ! fit Swèèn pour encourager la petite troupe.

 Mais Orialis ne leva pas le menton. De toute évidence, elle n’était pas du tout enchantée à l’idée d’escalader.

– Oui, mais la montagne implique la neige, et la neige induit le gèle sur mes antennes, ce qui signifie danger de mort pour un Noyrocien !

  Sur ce, elle emboîta le pas, défiant les montagnes. Depuis le début de ce voyage, nous avions connus bien des malheurs, et essuyés tant de drames. Orialis nous montrait encore une fois la persévérance des Orfiannais face aux caprices du destin. Je me rendais compte que nous rencontrions sur Orfianne le même type de problèmes que sur Terre : cette volonté d’obtenir plus de pouvoir, ou de détruire ce qui ne plaît pas, ce qui fait peur. Sur ce monde, cela se traduisait avec la puissance des Pierre de Vies et de notre magie. Mais au final, nous n’aspirions tous qu’à la tranquillité.

 Nous approchions de notre destination : le Royaume du Cristal. Mais cet endroit allait-il réellement nous apporter des réponses ? Nous étions de nouveau mis à l’épreuve, devant cet avenir incertain. Et nous ne pouvions faire qu’une seule chose désormais : Avancer.

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